Elections de mi-mandat aux Etats-Unis: Quelle crédibilité accorder aux sondages?
Moins d’un mois des élections de mi-mandat, les instituts de sondage sont une nouvelle fois sur la sellette. Leurs prédictions seront-elles cette fois exactes ? Le scepticisme des analystes est compréhensible.
Les sondeurs s’étaient lourdement trompés en 2016 n’ayant pas décelé le courant populiste qui avait ouvert les portes de la Maison Blanche à Donald Trump. Ils avaient de nouveau mal calculé lors des législatives de 2018, et de la présidentielle de 2020. Que disent-ils aujourd’hui ? L’opinion la plus répandue est que les républicains vont sans doute conserver leur majorité à la Chambre, mais qu’ils auront du mal à reprendre le Sénat. Ce qui semble certain, c’est qu’il faudrait s’attendre à des surprises. La situation ne cesse de changer au cours des derniers mois.
Au début de l’année, tous les politologues prévoyaient une victoire des républicains à la Chambre, conformément à la tradition qui veut que le parti au pouvoir perde toujours des sièges aux élections de mi-mandat. Barack Obama, par exemple, avait reçu, selon sa propre expression, une «raclée» en 2010, l’opposition décrochant plus de 60 sièges à la Chambre des représentants, et gagne 6 sièges au Sénat, sans pouvoir toutefois en prendre le contrôle. Les républicains espéraient voir se renouveler cette belle performance cette année, et parlaient d’un raz-de-marée rouge (la couleur du parti, le bleu étant celui des démocrates) en novembre.
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Le début de l’été qui avait été cruel pour Biden, avec l’inflation atteignant un taux jamais vu depuis 40 ans (plus de 8%) et le prix de l’essence ne cessant d’augmenter, avait conforté les républicains dans leurs espérances. Puis le vent avait tourné en faveur des démocrates avec quelques succès législatifs dont l’adoption d’une loi de plus de mille milliards de dollars, qui prévoyait plus de 350 milliards pour le climat. Du coup, le président américain avait vu son taux de popularité légèrement remonter. Il est actuellement de 42%, ce qui n’est pas mirobolant, mais suffisant pour redonner à son parti un certain optimisme. La Cour suprême lui a donné, bien involontairement, un beau cadeau avec son arrêt sur l’avortement. Les démocrates comptent sur ce revirement pour mobiliser le vote féminin, toutes tendances confondues.
Les candidats républicains restent discrets sur le sujet, préférant attaquer leurs rivaux sur des sujets tels que l’économie, l’inflation, la hausse de la criminalité ou l’immigration. La décision de l’organisation des pays producteurs de pétrole de réduire leur production de 2 millions de barils jour est un coup dur pour les démocrates, car le gallon d’essence va de nouveau remonter juste au moment où les électeurs vont se rendre aux urnes. Une victoire des républicains à la Chambre reste probable, même si Nate Silver du groupe Five ThirtyEight se hasarde à dire que l’on ne peut exclure entièrement la possibilité que les démocrates conservent leur majorité. Ceux-ci toutefois craignent une nouvelle fois que les sondages les favorisant soient exagérés. Par le passé, les sondeurs ont négligé d’interroger les classes populaires dont bien des membres ont voté pour le parti de Trump. Il y a aussi de la part des supporteurs de l’ancien président une tendance à ne pas révéler leur choix aux enquêteurs. C’est au Sénat que se livre la bataille la plus sérieuse.
Les enjeux sont des plus importants pour les deux partis. Si les démocrates perdent la Chambre, conserver leur majorité au Sénat leur servira de levier pour protéger les acquis des deux années de Biden. Dans le cas contraire, les républicains ont déjà annoncé qu’ils joueraient les rouleaux compresseurs, effaçant une bonne partie des lois approuvées depuis l’arrivée au pouvoir des démocrates. Jusqu’à présent, ces derniers ont disposé d’une majorité d’une voix, grâce à la présence de Kamala Harris qui préside le Sénat et en cas d’un vote exæquo de 50-50, apporte son vote à son parti. Pour changer la donne, les républicains ont besoin de deux sièges. Ce qui pourrait sauver leurs opposants, c’est que divers candidats ayant reçu le soutien de Trump n’ont pas l’étoffe politique. L’exemple le plus flagrant de ces derniers jours est celui de Herschel Walker, ancien champion de football américain, propulsé sur la scène par Trump en Géorgie.
Outre son manque d’expérience politique, c’est sa vie privée qui fait la Une des média. Déjà père de plusieurs enfants dont il n’avait jamais divulgué l’existence, le candidat républicain à l’élection sénatoriale vient d’être accusé d’avoir payé pour l’avortement d’une femme, alors qu’il se proclame un ferme adversaire des avortements dans tous les cas. Après avoir démenti connaitre la personne en question, celle-ci a annoncé qu’outre l’avortement, ils avaient aussi eu un enfant ensemble. En dépit de toutes ces révélations, le parti républicain, ne pouvant le remplacer faute de temps, a décidé de continuer à le soutenir. S’il perd, cela pourrait être la fin des espérances républicaines, car la Géorgie est l’un des Etats qui pourront faire la différence, avec notamment le Nevada, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Même si les chances du GOP semblent minces au Sénat, les démocrates ne doivent pas crier victoire trop tôt. Leurs rivaux ont des réserves de millions de dollars qu’ils vont dépenser, avant le 8 novembre, en spots télé dans les Etats clés. Cette élection de mi-mandat est déjà l’une des plus coûteuse de l’histoire: 3 milliards de dollars !