En marge du sommet d’Alger, le discours du roi Mohammed VI

Par Hubert Seillan (*)

Le sommet d’Alger 

Le sommet de la Ligue arabe, qui s’est déroulé le 1er et le 2 novembre à Alger a montré les limites  de la diplomatie algérienne. Le journal français La Croix, généralement bien intentionné à l’égard de  ce pays, a titré sur « le Flop de l’Algérie ».  

Le Matin d’Algérie lui-même a dû en convenir avec une liberté qui en dit long sur la légitimité du  régime dans le pays : « les membres les plus influents de la Ligue arabe sont absents à Alger. Le  sommet ne réunira au final que des ministres et quelques chefs d’États de peu d’influence. Loin des  déclarations prometteuses et emphatiques du président Tebboune et ses relais. L’Arabie saoudite, le  Koweït, les Émirats arabes unis, la Jordanie et le Maroc seront (en effet) représentés par de simples  ministres. (…) En attendant l’annonce de la venue ou pas du président autocrate égyptien Abdel  Fattah al-Sissi, note encore Le Matin, Abdelmadjid Tebboune peut se contenter de l’arrivée de Ghazali  Othmani, président de la République fédérale islamique des Comores et de Mohamed Younis El Menfi, le président du Conseil présidentiel libyen. Est présent, également, le président du Conseil de  souveraineté de transition de la République du Soudan, Abdel Fattah Al-Burhan, celui-là même qui  réprime dans le sang les protestataires soudanais. » 

Vu côté français, en raison des pas de danse courtisane visant la conclusion de contrats gaziers, le  contexte semblait favorable à l’Algérie. Ce sommet a permis aussi de constater que la France n’a  plus une grande influence sur les pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Sa diplomatie trop directement  favorable à l’Algérie, n’a pas été en mesure d’apporter l’appui qu’attendait son fournisseur. Elle a fait  flop elle aussi.  

La diplomatie est un exercice de longue durée, d’observation des changements, de patience et de  détermination vers un but. Le Maroc, qui poursuit sereinement sa conquête des cœurs et des esprits,  tant en Afrique que dans le Monde Arabe, vient d’en apporter la démonstration. Le vieux pays a  forgé de longue date sa méthode.  

Parce qu’il se veut avant tout le garant de la paix et du développement qui va avec, le Maroc a acquis  la confiance d’une très large majorité des pays arabes et africains. Ce qui explique sans doute que la  presse arabe ait fait les commentaires les plus sobres de ce sommet sans participants au sommet. Le journal égyptien El Djoumhouria, a titré pudiquement son éditorial Les défis du sommet arabe, en  proposant comme idée générale : Les questions de la Nation arabe et les défis actuels à relever  constituent les dossiers phares de ce sommet. 

La question palestinienne, donc israélienne, relève de ces défis que nombre d’Etats, dont le Maroc,  ont su trancher avec clarté. Elle divise. La stratégie de la tolérance et du compromis engagée par une  majorité de membres de la Ligue arabe, est condamnée avec trop de violence par l’Algérie pour lui  permettre de favoriser des consensus diplomatiques. 

Pierre Vermeren, dont on sait la mesure a observé avec justesse que face au Maroc, proche d’Israël,  l’Algérie en appelle au nationalisme arabe.  

La séduction paisible de Nasser Bourita, le ministre des affaires étrangères qui conduisait la  délégation du Maroc au sommet d’Alger a, en revanche, conduit à de nombreux rapprochements  objectifs qui peuvent surprendre. 

Il convainquit un monde arabe, clairsemé et dispersé, de la nécessité de ne pas revenir vers les  vieux rêves socialisants et pan arabisants et à regarder les réalités du continent.  

Le discours de Rabat 

Dans son discours le Roi Mohammed VI a célébré le 47ème anniversaire de la Marche Verte pour le  Sahara marocain. Il n’a dit mot de ce sommet. Au vu des commentaires qui en ont été faits, tout  propos aurait été superflu. Son message au peuple marocain a visé deux défis  fondamentaux touchant à :  

– La marocanité du Sahara 

– Le développement de l’Afrique de l’Ouest 

Sur le Sahara, le Roi a ignoré le juridisme de la question pour n’envisager que le fait marocain. Cette  vision souveraine du fait juridique est aujourd’hui partagée par un nombre croissant d’Etats dans le  monde. Reste le cas de la France, drapée dans un gris très ambigu et encombrée de ses engagements  gaziers avec l’Algérie. Dommage, pour l’amitié historique exceptionnelle qui réunit depuis si  longtemps les deux pays ! Souhaitons que la raison fasse vite litière de ce qui doit être vu comme un  conflit passager. 

Le sujet saharien n’est en effet juridique que par l’intention fallacieuse de l’Algérie qui instrumente  laborieusement des règles des années soixante sur la décolonisation, devant les instances  onusiennes. L’Algérie plaide en faisant appel à toutes les ressources dilatoires. Au secours Molière !  Homme plaideur, homme menteur.” 

Le défit du Sahara est celui de la paix et du développement. Nous soulignerons l’importance  accordée par le Roi ( la moitié du discours) aux emplois et aux équipements. 

Venant de conduire une importante délégation de la Fondation France Maroc, Paix et  développement durable, dans ce Sud marocain du Sahara, nous témoignons, sans hésitation, de la  qualité des démarches engagées, de l’adhésion des populations et du dynamisme des chefs  d’entreprise, des fonctionnaires et des élus locaux.  

Sur le développement de l’Afrique de l’Ouest, le Roi a opportunément rappelé le projet de 2016 de  gazoduc Nigéria Maroc. Le contexte énergétique qui voit l’Algérie distributrice de gaz, au prix  d’obligations insuffisamment claires pour ne pas être suspectes, inquiète l’Afrique plus encore que  l’Europe, en raison de la faiblesse de ses devises.  

Ce surlignement de l’accord avec le Nigéria vise plus qu’un « projet bilatéral », mais doit être compris  dans la perspective des partenariats du Maroc avec les pays de l’Afrique de l’Ouest. Le roi le précise  avec insistance. Le Maroc ne joue pas perso, comme disent nos enfants et les footballers. Il joue  collectif.  

Le silence affiché dans discours du 6 Novembre, pour les saillies inamicales du voisin, pourrait-il être  méprisant pour les travaux du sommet d’Alger ?  

Sans doute pas, car il relève d’une diplomatie expérimentée, portée au rang de l’excellence. 

(*) Avocat au Barreau de Paris,
Président de la Fondation France Maroc Paix et Développement durable,
Auteur du livre Le Sahara Marocain, l’Espace et le Temps

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