Essai sur la beauté…

Marwa Semlali 

Il y a quelques temps, lors d’une discussion stimulante avec un éminent chirurgien plasticien, j’ai retenu un propos ayant particulièrement attiré mon attention, que ce médecin reconnaissait avoir pour coutume de répéter : «Pour ma part, tout ce que je fais est inutile».

Par là il entendait que, d’un point de vue purement médical, une blépharoplastie ou bien encore une bouche jugée trop peu pulpeuse n’engageait certainement pas un pronostic vital. Cela dit, autrefois comme aujourd’hui, l’importance accordée à la beauté physique soulève moult débats, interrogations et certitudes.

Cinq siècles auparavant, si le dramaturge Christopher Marlowe décrivait Hélène de Troie comme « le visage qui lança mille navires », il serait évidemment impropre de réduire la beauté physique à un critère de petite envergure dont on pourrait aisément se passer. René Char l’a confirmé en écrivant que « dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté. » Ainsi donc, et ce depuis la nuit des temps, il importe de reconnaître les pouvoirs que confère la beauté ou bien l’impuissance attribuée par son manque voire son absence.

C’est d’ailleurs dans ce contexte là qu’il sied d’analyser l’importance et l’impact que la médecine, la chirurgie esthétique, la cosmétologie, la thérapie ou simplement une belle parole puissent avoir sur l’être humain. En effet, ces champs précités jouent souvent un rôle déterminant dans la confection d’un laisser-passer oh ! combien désiré, ouvrant la voie à un épanouissement via le gain d’une estime de soi, car il n’est pas sans rappeler que ce sont des transformations bien procédées qui vont permettre à l’homme comme à la femme de se sentir beaux et de personnifier la séduction et son pouvoir ravageur.

Et dans un monde où la beauté semble être une promesse de bonheur, cette quête insatiable de perfection esthétique nous pousse à tenter de repérer partout le ou les éléments qui interviendront dans notre imaginaire aussi bien que dans notre réalité comme révolutionnant la donne. Ainsi, de la peinture au cinéma en passant par la photographie, s’offre à nous au fil du temps une sorte de guide normatif de ce que doit être la beauté. De ce fait, en tant qu’héritiers de cette culture centenaire, il devient courant aujourd’hui de céder au désir de copier un mannequin, un modèle de cinéma dans une manière de se vêtir, de se maquiller, de bouger, considérant qu’il incarne la quintessence de la beauté et toutes les qualités dont on estime ne pas être pourvus et que l’on aspire à acquérir en lui ressemblant.

Toutefois, cette obsession peut rapidement prendre un virage malsain dans la mesure où ce désir de se rapprocher de cette représentation de la beauté peut nous conditionner au point de stéréotyper nos moindres gestes, nos mouvements du corps et notre façon de parler dans ce qui sera devenu un mimétisme insipide qui manque son but, nous faisant davantage ressembler à une caricature plutôt qu’à cet idéal de beauté enchanteur qui nous a inspirés.

Dans une optique parallèle, on constate depuis toujours, quelle que soit la sphère étudiée, que cet atout majeur qui est encore une fois la beauté physique, ne se limite pas au rang de complément mais celui de capital. La politique, par exemple, que la tyrannie de la beauté n’aura pas épargnée, exige plus que jamais une mise en scène de soi et une stylisation de son image inattaquables. D’autant plus que la culture de la célébrité privilégie la consécration des apparences et c’est pourquoi il conviendrait presque de déclarer que le physique est devenu le salut du politique.

L’Histoire nous aura enseigné que cet essentiel esthétique en est même venu des fois à éclipser l’essence même de la politique, on pense à Catherine de Russie ou Zaynab Nefzaouia, ou encore à Blaise Pascal et à sa théorie relative au nez de Cléopâtre. En d’autres termes et de façon inavouée, la beauté structure depuis (presque) toujours le champ politique; et à cette notion phare s’ajouteront l’aura et le charisme. Cependant, certains considèrent que miser sur la carte de la beauté est simplement un aveu d’échec, à défaut de triompher par l’esprit et le caractère.

In fine, «La beauté est une meilleure recommandation que n’importe quelle lettre», observait le philosophe grec Aristote. Chez les Arabes aussi, la notion de « qouboul » que l’on pourrait traduire par acceptation (au sens social), reconnaît une certaine gratitude envers la beauté, définie comme étant une clé sociale. C’est même là qu’intervient le pouvoir de la beauté, il agit à notre insu et atteint une cible particulièrement réceptive.

Mais si la beauté dote vraiment d’autant d’atouts, que penser alors du charme?

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