Forum Partenariats Public-Privé Afrique : l’initiateur, Daouda Coulibaly, à cœur ouvert
Entretien réalisé par Ababacar Sadikh TOP
Dans le cadre de la deuxième édition du Forum Partenariats Public-Privé Afrique 2018 qui s’est passé à Casablanca, Maroc diplomatique est allé à la rencontre de l’initiateur de cet évènement portant sur le thème « Promouvoir l’Agriculture et les Technologies de l’Information grâce aux Partenariats Public-Privé. » Dans cette interview, Monsieur Daouda Coulibaly, président du Forum a abordé le cas spécifique de l’Afrique.
Monsieur Coulibaly, merci d’avoir accepté de nous accorder cette interview. Tout au long du Forum sur les Partenariat Public-Privé Afrique, le Maroc a été un exemple d’envergure, veuillez revenir dessus avec des exemples précis ?
Daouda Coulibaly. Le Maroc, comme on l’a dit, a énormément d’exemples de Partenariats Public-Privé Afrique réussis à la fois dans le secteur de l’agriculture comme dans celui des technologies de l’information et de la communication. Pendant ce Forum, nous avons prévu de visiter des installations des entreprises notamment celles qui sont logées au Tecnopark de Casablanca qui est un exemple de Partenariats Public-Privé Afrique réussis dans la mesure où c’est un ouvrage qui a été financé en grande partie par les secteurs privés en partenariat avec l’Etat du Maroc. Il existe depuis bientôt 18 ans et est une très belle réussite qui, aujourd’hui, est en train de se multiplier dans d’autres villes marocaines puisqu’il y a le Tecnopark de Tanger, de Rabat et je pense que y en aura dans d’autres villes du Maroc. Donc effectivement c’est un exemple pour nous et qui peut servir d’inspiration pour les Etats africains.
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Ensuite, sur le plan agricole, nous avons énormément d’exemples, le Maroc a réussi sa révolution verte grâce, surtout, à la maîtrise d’eau. Et cette maîtrise n’a été possible que grâce à des investissements importants dans le domaine de l’irrigation, lesquels investissements ont été pour la plupart réalisés dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé Afrique. Nous pouvons citer les terres irriguées situées dans la région du Sousse à travers lesquelles 10 mille hectares ont été aménagés avec une mise à disposition de l’eau aux agriculteurs. Il y a également le projet dans la région de El Jadida qui va aussi concerner plusieurs milliers d’hectares.
N’y a-t-il pas des défis à relever dans le cadre juridique pour faciliter l’investissement public privé ?
Exactement. Aujourd’hui dans la plupart des pays africains, il faut dire que beaucoup d’efforts ont été faits dans le sens où une loi PPP a été votée dans les cinq dernières années par beaucoup de pays. Aujourd’hui, presque tous les pays de l’Afrique de l’ouest ont une loi PPP sinon sont sur le point d’en voter une. Donc je pense que sur le plan juridique, des dispositions sont en train d’être prises. En vérité, la question n’est presque plus au niveau juridique mais plutôt, au niveau de l’information et de la formation. Pour un Etat, entreprendre un projet PPP et le mener jusqu’au bout nécessite beaucoup d’expertises, de temps et une bonne préparation. Et il se trouve que malheureusement, nos États, le plus souvent, ne sont pas outillés pour. Ils n’ont pas les ressources internes adéquates. Ainsi, il va de soi que pour mener des projets à terme, il faut que les Etats s’associent aux acteurs privés. C’est la raison pour laquelle nous mettons à disposition ce cadre de rencontre, à travers le Forum Partenariats Public-Privé Afrique, qui permet aux dirigeants du secteur public de pouvoir rentrer en contact avec les acteurs du privé qui sont concernés par la problématique.
L’Afrique a besoin de 100 milliards d’investissement chaque année mais on a du mal à mobiliser cette somme alors qu’est-ce qui bloque et qu’est-ce qu’il faudrait faire pour changer cette situation ?
Plusieurs facteurs bloquent la mobilisation des ressources financières pour les Partenariats Public-Privé Afrique. En effet, les ressources propres, je veux dire les ressources internes, ne suffisent pas pour financer. Malheureusement les Etats n’ont pas les ressources internes suffisantes pour faire face aux besoins de financement. Maintenant il faut aller le chercher ailleurs. Il se trouve que jusqu’ici l’Afrique a toujours eu des partenaires financiers appelés partenaires traditionnels qui s’alignent sur le système des nations unies notamment la banque mondiale, le FMI, et certaines banques d’affaires reconnues qui aident l’Afrique à financer ses projets. Mais malgré toutes ses ressources, l’insuffisance est encore présente et le gap reste très important. Jusqu’ici l’Afrique n’arrive pas à lever la moitié de ses besoins en ressources naturelles car nous sommes entre 40 à 45%. Et il est important de signaler que sur ces 40 à 45 % que l’Afrique arrive à mobiliser, seuls 0 à 25% sont financés en mode PPP, ce qui reste très infime contrairement à d’autres parties du monde, l’Europe par exemple est autour de 60% pour les Partenariats Public-Privé.
Justement lorsque l’on parle de Partenariats Public-Privé Afrique, lorsque l’on parle de nos Etats on se rend compte d’emblée que l’Afrique n’est pas un ensemble compact, est-ce que cette diversité des profils n’influe pas sur votre façon d’attirer les investisseurs puisque chaque pays à ses spécificités ?
Votre question est très pertinente. C’est tout à fait juste. La problématique du foncier est très dépendante des pays car n’ayant pas le même arsenal juridique en matière d’accès à la propriété foncière ou en matière d’utilisation du foncier d’un pays à un autre.
Le Maroc, effectivement, a cet avantage-là. En effet, ici la plupart des terres agricoles appartiennent à l’Etat donc ne sont pas des priorités privées. Ce qui facilite au Royaume à mener des projets d’envergure sans forcément se retrouver avec des problèmes d’expropriation, même si cela arrive parfois.
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Il est vrai que, malheureusement, dans beaucoup de pays d’Afrique, la question foncière pose problème mais il s’agit d’une question de vision puisque l’Etat est une puissance publique qui oriente sa politique en fonction de ses priorités. S’il met le développement de l’agriculture au centre de ses priorités, il doit se donner les moyens d’y arriver en rendant les terres le plus disponible possible pour des Partenariats Public-Privé Afrique efficients.