Gouvernement Akhannouch, on attend toujours le « Wow »
Au lendemain des élections du 8 septembre, nous nous étions réjouis des résultats qui fermaient une parenthèse et nous ouvraient les portes d’une alternance, avec ses perspectives et ses horizons dont les points saillants étaient le raz de marée du PJD et la coalition de trois partis qui promettait plus de sagesse et de dynamisme ou du moins un schéma qui supposait qu’il y aurait une majorité gouvernementale et une opposition homogène constructive remplissant son rôle pour une gouvernance meilleure du pays.
Nous nous l’avions tous ou presque dit : Une nouvelle ère s’ouvre pour le Maroc. Une nouvelle formation marque l’alternance politique dont l’illustration est bel et bien les nouveaux profils à la tête de nouveaux départements incarnant ainsi le changement et le renouveau (j’utilise le présent parce que tout est encore jouable).
Nous nous sommes réjouis des profils jeunes et à priori des compétences qu’ils incarnaient et qui allaient certainement déclencher une dynamique économique inédite, apte à mobiliser et à fédérer toutes les forces vives du pays. Pour tout Marocain, c’est un renouveau de taille qui marque un tournant majeur dans l’histoire du pays.
L’enthousiasme était presque contagieux portant haut la bonne figuration et les bonnes propositions d’un nouveau chef de gouvernement, leader de parti, avec une longue expérience à la tête d’un ministère essentiel, une équipe diversifiée, rajeunie, fraîchement engagée dans la politique et surtout axée sur des pôles d’une importance capitale à savoir la croissance économique, l’emploi des jeunes, le taux de croissance, la relance des secteurs déficitaires notamment l’éducation nationale et la santé face à la pandémie et l’opérationnalisation du Nouveau Modèle de développement. Tous ces indicateurs augurent bel et bien une rupture avec d’anciennes pratiques qui plongeaient les citoyens dans une sorte d’amertume, de désespoir et de désintérêt à l’égard de la chose publique.
Valse tango et titubements
Dès lors, le compte à rebours était enclenché. Nos attentes étant énormes, toute notre attention est focalisée sur l’action gouvernementale qui promettait un changement radical et un nouveau souffle pour une ère exceptionnelle pour notre Maroc.
Pourtant et bien que la tradition internationale veuille qu’on ne doit pas juger un gouvernement avant les cent jours, quand les fausses notes se font nombreuses et que le chef d’orchestre ne montre pas qu’il a l’oreille musicale pour les discerner et apporter ses rectifications au bon moment, l’assistance a le droit de se poser des questions. C’est dire que les faux pas ont commencé trop tôt au sein d’un ballet que nous voulions perfecto. D’entrée de jeu, la douche froide, surtout en temps froids et graves, réveille tel un électrochoc et nous rend sensibles au moindre détail. Tout cela présageait un mauvais départ d’une marche qu’on donnait pour salvatrice.
Bien entendu, il est encore un peu tôt -peut-être- pour juger mais qu’en est-il des promesses et des prémices ? Chez nous les Marocains, on dit qu’un bon dîner se sent à sa bonne odeur bien tôt.
Or la présentation du projet de loi de Finances qui avait laissé les citoyens sur leur faim était en deça des attentes des Marocains et a refroidi les élans. On y voyait bien que les engagements du programme électoral du RNI s’amenuisaient dans cet exercice qui trace les contours de l’action gouvernementale, du moins pour l’année 2022. Ceci sans parler des décisions précipitées qui ont fait tomber le soufflé, quelques jours seulement après l’entrée officielle en fonction du gouvernement Akhannouch qui commence déjà à se faire tirer dessus.
Faut-il rappeler que c’est le gouvernement qui aura connu le remaniement record dans l’histoire du Maroc suite au retour de Khalid Aït Taleb après la démission ( ?) de Nabila Rmili et ceci un jour à peine après l’investiture parlementaire du nouveau chef de gouvernement et de son équipe ? Déjà à ce niveau-là, le nouveau gouvernement laissait voir son talon d’Achille qui est la communication puisqu’aucune justification plausible n’a été donnée aux Marocains. L’argument avancé ? Madame Rmili devait se consacrer à la mairie de Casablanca sauf que d’autres ministres notamment le chef de gouvernement lui-même, Madame Fatima-Zahra Mansouri ou encore Monsieur Abdellatif Ouahbi ont gardé les deux statuts de ministre et maire. Premier hic pour l’Exécutif dont le premier défi était de reconquérir la confiance des citoyens.
Toutefois, certains gouvernants oublient que l’histoire politique retient tout et que les citoyens n’omettent rien des promesses qu’on leur fait. Pour preuve, si le RNI s’était engagé sur 250.000 par an dans son programme électoral, aujourd’hui, le gouvernement s’attire les foudres des citoyens à cause de la masse des emplois qu’il prévoit de créer en 2022, qui ne dépasse pas les 125.000 postes !
Communiquez qu’on puisse vous croire
Dire que la gestion de la crise sanitaire constitue la deuxième urgence du pays en plus de la relance économique, mais surtout l’épreuve d’effort pour tout gouvernement, est si peu. En revanche, sur ce point aussi, nous continuons apparemment à subir les humeurs de ceux qui prennent des décisions saugrenues et impromptues. En effet, notre gouvernement a décidé le 9 décembre, de prolonger la fermeture de ses frontières jusqu’à fin décembre alors qu’il avait acté une première fermeture des espaces aériens, maritimes et terrestres, le 29 novembre pour déjouer les plans d’Omicron. Ainsi soit-il ! Alors qu’on attendait l’ouverture des frontières suite à une « rumeur », le ministère de la Santé dément par un communiqué avant que la RAM n’informe de la prolongation de la fermeture et ce jusqu’au 31 décembre. Tant pis pour les Marocains qui se trouvent, pour une raison ou pour une autre, à l’étranger, ils sont laissés dans le doute et l’abandon puisque le gouvernement compte bien sur leur résilience. N’est-ce pas la belle vertu intarissable des citoyens ? Ce n’est pas nouveau de toute façon, la fermeture brusque des frontières, les Marocains bloqués à l’étranger … sans aucune communication ! En 2020, en plein Covid-19, 30.000 Marocains étaient bloqués, pendant des semaines et puis des mois avant que le miracle de rentrer chez eux ne s’opère.
Ironie du sort ! Omicron s’implante chez nous ! Au moins, nous nous targuerons d’avoir notre mutant local… On dirait que les ascenseurs émotionnels sont notre lot et le fort de nos gouvernants. Un nouvel Exécutif aux commandes mais du déjà vu qui reprend de plus belle ! Des situations incongrues, déjà vécues, se répètent. Des décisions de dernière minute tombent comme l’épée de Damoclès. Et pendant ce temps, on attend un miracle de Dieu. Nous ne sommes pas donc loin des décisions de dernière minute du week-end du gouvernement Othmani. Sauf que l’histoire ne s’arrête pas là : On obligera les Marocains bloqués à l’étranger à passer par la Turquie, les Emirats arabes unis et le Portugal, trois semaines après les avoir enfermés à l’étranger. Et pourquoi donc ces pays et pas d’autres ? Ne vous en faites pas, le ministre de la Santé procurera les explications nécessaires du moins en ce qui concerne le Portugal, pourvu qu’il ne mette pas encore le pied dans le plat. Oh que si ! Titillons encore nos voisins ibériques, cela nous occupera pour quelques temps. Alors que des politiciens espagnols appellent à une réconciliation effective avec le Maroc, Monsieur Khalid Aït Taleb déclare qu’il a été constaté que les autorités espagnoles compétentes «ne surveillent pas l’état de santé des voyageurs de la manière requise et stricte lors de l’embarquement dans les aéroports». Et c’est le chef de la Diplomatie espagnole qui prend la balle à la volée pour dénoncer les critiques de notre ministre sur la gestion de la pandémie en Espagne. Qui a dit que la crise diplomatique avec l’Espagne est derrière nous ? Non certainement pas, elle est juste devant nous.
Par ailleurs, Un autre dossier des plus brûlants est celui des enseignants contractuels qui voyaient en ce nouveau gouvernement la fin de leur calvaire mais trêve d’illusion. Il s’avère que celui-ci continuera sur la même lignée du PJD et donc en maintenant les mêmes nœuds. Les enseignants recrutés sous le régime contractuel ne se laissent pas faire et se disent déterminés à continuer leur combat. Et comme ils ne sont pas les seuls à critiquer les décisions du nouvel Exécutif, les avocats prennent le train des contestations pour se soulever contre la décision de l’obligation du pass vaccinal pour accéder aux salles d’audience.
Et voilà que les coups d’essai se multiplient et se ressemblent finalement faisant fi du fait que certaines décisions précipitées peuvent nous propulser dans des zones de turbulence qu’on pourrait éviter surtout en ce moment où des secteurs agonisent, au moment où des ménages ont basculé dans la détresse, au moment où la flambée des prix des matières de première nécessité creuse davantage les inégalités sociales. Et dire qu’un pays quel qu’il soit ne souffre pas des décisions gouvernementales lunatiques et hâtives.
Ce qui est sûr c’est que la communication peine à s’infiltrer dans les couloirs de nos ministères qui manquent de pédagogie et sont à court d’outils appropriés pour communiquer et expliquer aux citoyens ce qui se passe. Ce qui arrive alors est que l’on leur incombe tout ce qui ne marche pas même quand il ne relève pas de leur responsabilité comme pour la hausse des prix des matières premières que les gens ne comprennent pas et n’associent pas à l’inflation.
Aujourd’hui, On le sait tous : les réseaux sociaux sont le baromètre des tensions sociales, les promesses phares de la campagne électorale s’amenuisent et les pratiques anciennes qu’on espérait révolues resurgissent.
Des ministres -et pas des moindres- se font déjà remarquer par leur populisme à la Benkirane version plus moderne. D’autres déçoivent par leur niveau d’éloquence dans la langue maternelle et la liste des impairs et des défaillances commencent déjà à déborder.
D’entrée de jeu, si la gouvernance n’est pas mise au cœur des préoccupations de nos gouvernements, on ratera à coup sûr des issues de réussite et de réformes. « La bonne gouvernance est la clé de réussite de toute réforme. Elle est essentielle à la réalisation des objectifs de toute stratégie » disait Sa Majesté le Roi dans son discours du 14 août 2014. D’ailleurs, je me demande pourquoi il n’y a plus de ministère de gouvernance.
En somme, nous appelons de tous nos vœux à ce que notre espoir ne s’effrite pas et qu’il n’éclate pas en myriade à mi-chemin. Nous voulons un gouvernement qui est là pour réformer et non pour inaugurer des chrysanthèmes. Nous n’avons pas envie d’être déçus par cette équipe qui prendra en main le sort du pays pendant ce quinquennat et sur laquelle nous avons mis tous nos espoirs. Nous n’avons pas envie de dire -encore une fois- que finalement il faut que tout change pour que finalement rien ne change.
« Un gouvernement qui te protège, qui assure ta dignité et qui répond à tes priorités : santé, emploi, éducation #TuMéritesMieux », N’est-ce pas le slogan choisi par le parti du chef de gouvernement ?
Mais positivons ! Avec un ministre qui connaît la couleur de nos chaussettes et un autre qui prie pour nous afin que la pluie veuille bien arroser nos terres pour arranger les choses, nous pouvons dormir tranquilles.