Hassan Hami : Les BRICS et l’élargissement du Conseil de Sécurité des Nations Unies : Une bataille féroce en perspective

2ème partie

(…) BRICS et Conseil de Sécurité des Nations Unies : Élargissement conditionné et conditionnel

Septièmement, deux arguments paraissent imbattables qui consolident la longévité probable des BRICS : la sécurité énergétique et la sécurité alimentaire. Tous ces arguments seront à vérifier lorsque, dans les semaines et mois prochains, la question de l’élargissement du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) sera posée, encore une fois, avec l’acuité attendue.

Si bien qu’il faut s’attendre à des bras de fer entre des membres des BRICS, notamment ceux qui avaient été retenus par le paradigme de l’État-pivot, très en vogue vers la fin des années 1990. Ce paradigme avait, pour rappel, retenu des pays comme le Brésil et le Mexique en Amérique Latine, l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie en Asie, l’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Algérie en Afrique et la Turquie pour jouer le rôle d’organisateurs intermittents de la sécurité et de l’ordre dans leurs espaces géopolitiques respectifs.

Certains d’entre ces pays ont été suggérés comme étant des candidats potentiels pour occuper un siège de membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations dans le cadre de la réforme du système des Nations Unies. Or, l’idée de l’élargissement du CSNU a évolué depuis quelques années. Certains pays membres permanents tels que les États-Unis et la Russie y seront favorables. Mais Washington comme Moscou veillent constamment à préciser que les pays élus seraient dépourvus du droit de véto.

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En quoi cela intéresse-t-il la problématique de l’expansion des BRICS ? Plusieurs explications sont possibles. Premièrement, l’invitation adressée à six nouveaux membres (Argentine, Egypte, Ethiopie, Iran, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis) de rejoindre les BRICS est un message aux futurs pays candidats selon lequel que la règle de la préséance en matière de candidatures au Conseil de Sécurité des Nations Unies sera prise en compte.

L’Argentine sera redevable au Brésil. L’Egypte sera redevable à l’Afrique du Sud. L’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et l’Éthiopie ne sont pas cités pour avoir exprimé le souhait de tenter l’aventure de la candidature au siège de pays membres permanents au sein du CSNU.

Qu’en est-il du Nigéria ? La même explication est valable. L’Afrique du Sud l’aurait indirectement écarté en tant que candidat rival potentiel. Ceci à moins que le Nigéria ne cherche avant tout à organiser la sécurité dans son espace vital et faire le ménage au sein de la CEDEAO ; l’entrée aux BRICS interviendrait plus tard. Abuja s’est déjà exprimé dans ce sens au lendemain du Sommet de Johannesburg.

Naturellement, il y a des candidats qui ont été plus déçus que les autres. Leurs candidatures ont été rejetées parce que ces pays ne remplissaient pas les critères idoines que Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe, a énumérés lors d’une conférence de presse le 24 août 2023. En tête de liste de ces pays, il y a l’Algérie. Des experts et observateurs indépendants ont été très prolifiques sur les raisons tangibles qui ont empêché ce pays, déjà non membre de l’Organisation mondiale du Commerce, à rejoindre les BRICS.

Toutefois, on pourrait y ajouter quatre explications qui ne plairaient sans doute pas aux décideurs algériens. Premièrement, le pari de l’Algérie de faire de l’adhésion aux BRICS une question d’honneur national et de rayonnement diplomatique algérien a échoué.

Un constat qui conduit à la deuxième explication : le pari de faire de l’élection de l’Algérie au poste de pays membre non permanent au sein du CSNU à compter de janvier 2024, au même titre que l’adhésion aux BRICS, une affaire d’État, n’a pas abouti non plus.

La troisième explication consolide l’opinion que l’élection des organes de décision au sein des organisations internationales pour faire avancer des agendas nationaux est un handicap majeur à la réalisation de ces objectifs. Dans le cas de l’Algérie, force est de constater que l’objectif principal de sa diplomatie est de nuire à son voisin marocain sur la question du Sahara occidental.

Preuve en est que les décideurs algériens, de connivence avec leurs homologues sud-africains, ont insisté pour voir le leader du Polisario présent à Johannesburg sur une initiative individuelle du gouvernement sud-africain et sans consultation avec les autres pays membres des BRICS. Ils l’ont fait alors qu’ils savaient que leur candidature aux BRICS allait être officiellement rejetée.

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La quatrième explication serait que les Sud-Africains se sont montrés intelligents. En ne défendant pas la candidature de l’Algérie aux BRICS jusqu’au bout, ils font d’une pierre, deux coups. D’une part, ils démontent aux Algériens qu’ils ne sont pas économiquement un concurrent sérieux et qu’ils continueront à utiliser l’Algérie dans leur lutte d’influence en Afrique qu’ils livrent au Maroc, au Nigéria, et à l’Egypte. D’autre part, ils tuent dans l’œuf le rêve de l’Algérie de venir lui disputer le droit de devenir membre permanent du Conseil de Sécurité au nom de l’Afrique si tant la réforme de ce dernier est entérinée dans les mois ou années à venir.

Toutefois, les ambitions sud-africaines, très légitimes du reste, se heurtent désormais à deux obstacles majeurs : d’une part, le manque désormais de confiance (et de crédibilité) auprès des trois membres fondateurs des BRICS (la Russie, le Brésil et l’Inde) lorsque la présidence sud-africaine a adressé une invitation au dirigeant d’une entité fantôme non reconnue par aucun d’entre eux, à entrer à la conférence de Johannesburg par effraction.

D’autre part, le non-respect de la nouvelle ligne de conduite visant à régler sinon à geler les conflits endémiques entre les nouveaux pays invités aux BRICS comme condition à la réussite de ce groupement. Preuve en est la proposition d’admission de l’Egypte et de l’Ethiopie (qui s’opposent au sujet du barrage d’Ennahda sur le Nil), de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de l’Iran (conflit du Yémen et les îles émiraties sous occupation iranienne) et du Brésil et de l’Argentine (conflit d’intérêt et d’influence au sein du MERCOSUR et écueils dans le fonctionnement des différentes zones de libre-échange régionales).

En somme, les BRICS enrichissent les débats sur la nécessité de l’instauration d’un monde multipolaire dans lequel le déterminisme économique l’emportera sur le déterminisme politique. Toutefois, force est d’observer que la logique du capitalisme imposera aux pays membres d’accepter une nouvelle forme de relations asymétriques dans une configuration qui maintiendra sinon renforcera la hiérarchie des acteurs.

Or, là où la vision et la visibilité perdent leurs repères, c’est que dans l’état actuel des choses aucun membre influent des BRICS n’est prêt à assumer le rôle de leader incontesté pour faire face aux États-Unis. Ni la Chine, ni la Russie et encore moins l’Inde ou le Brésil ne nourrissent présentement l’ambition de devenir (ou de redevenir) une superpuissance. Tout au moins aspirent-ils à une certaine forme de parité stratégique qui ne provoque pas l’ire de leurs concurrentes grandes puissances en perte de vitesse.

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