La Loi de Finances 2024, pourra-t-elle protéger la classe moyenne ?

La loi de Finances votée il y a quelques jours suscite déjà des interrogations quant à son impact sur les équilibres économiques et sociaux et sur la protection de la classe moyenne. Si le gouvernement éprouve des difficultés à préserver les équilibres économiques, les différentes initiatives prises à travers plusieurs réformes l’obligent de revoir ses objectifs, mais la réforme de la TVA largement rejetée risque d’être un grain à moudre de plus pour l’Exécutif.

Voté le 7 décembre, la loi de finances conserve les éléments clés annoncés lors de la présentation initiale. Cela inclut un taux de croissance de 3,7 %, un taux d’inflation de 2 % et une production agricole de 75 millions de quintaux. En comparant le projet initial et le texte final, il est clair que les chiffres restent inchangés. Cependant, certains ajustements ont été réalisés dans d’autres domaines.

Un exemple notable concerne les mesures fiscales, où le gouvernement est revenu sur certaines réformes relatives à la TVA. Cette réforme, initialement annoncée, s’est finalement transformée en un ajustement complexe qui nécessite une explication claire pour les citoyens. Cette situation suscitedes doutes quant à la cohérence et la clarté des mesures prises.

La problématique de la TVA sur la consommation d’eau est une autre question importante. Le gouvernement a décidé d’augmenter la TVA sur l’eau de 7 % à 10 % à partir de l’année prochaine. De plus, la TVA sur l’électricité augmentera progressivement de 16 % à 18 % d’ici 2026. Ces ajustements sont censés accroître les recettes de l’État, mais suscitent des inquiétudes quant à leur impact sur la classe moyenne, déjà fortement sollicitée.

En effet, la classe moyenne supporte déjà une part importante de la charge fiscale. Les salariés, qui constituent une grande partie de cette classe sociale, paient leur impôt sur le revenu à la source, ce qui peut peser lourdement sur leurs revenus. De plus, ils doivent assumer des dépenses telles que l’éducation et les soins de santé, qui devraient normalement être pris en charge par l’État.

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Cependant, les économistes appellent l’Exécutif à une révision du barème de l’impôt sur le revenu, harmonisant les taux d’imposition en fonction des différents types de revenus, ce qui pourrait remédier à cette situation. L’objectif est de garantir que l’impôt sur le revenu soit équitable et respecte le principe de capacité contributive.

Pression sociale et conjoncturelle

L’accord du 10 octobre entre le gouvernement et les syndicats des enseignants va entraîner une dépense imprévue dans le projet de loi de Finances 2024. Pour ne pas fausser ses prévisions qui risquent d’avoir un impact considérable sur les finances publiques, le gouvernement devrait déterminer le coût de cette augmentation salariale généralisée et la manière par laquelle, il pourrait la financer sans recourir à une loi de Finance rectificative, qui risque de créer encore un tollé.

De plus, le lancement de la 10e opération de soutien aux transporteurs routiers et les ajustements des dépenses liées aux réformes sociales auront un impact sur les ressources de l’État. Les dépenses du budget général devraient ainsi augmenter de 6,6% pour atteindre 435 milliards de dirhams par rapport à la loi de Finances 2023. Parallèlement, 35 milliards de dirhams supplémentaires sont prévus pour l’investissement public en 2024.

Ces chiffres soulèvent des interrogations quant à la capacité de l’État de maintenir la croissance économique, de gérer l’endettement et de préserver le pouvoir d’achat des citoyens, notamment la classe sociale.

Croissance économique sans emploi

Sous une apparence paradoxale, force est de constater une croissance économique dépourvue de génération d’emplois. Malgré l’affichage d’un taux de croissance avoisinant les 6% dans le cadre du nouveau modèle de développement, visant ainsi à créer le nombre nécessaire d’emplois pour absorber le surplus du marché du travail, l’économie nationale semble être affligée de problèmes structurels. Effectivement, si l’économie enregistre des avancées sur le plan de la croissance, elle peine à induire une création d’emplois suffisante. Malheureusement, la configuration économique ne favorise guère l’initiation des emplois.

Auparavant, un point de pourcentage de croissance du PIB permettait la génération d’environ 25 000 à 30 000 emplois, voire davantage. Toutefois, avec l’évolution de la technologie de l’information, de l’informatique, et bientôt de l’intelligence artificielle, un point de pourcentage de croissance du PIB ne se traduit actuellement que par la création de 14 000 à 15 000 emplois. Plus la société progresse, moins elle engendre d’emplois, notent les experts.

Dans une vingtaine d’années, avec l’avènement de l’intelligence artificielle, cette situation risquerait de prendre une allure catastrophique. En effet, une portion de la population, quelle que soit son niveau, se retrouvera toujours dans l’incapacité de travailler ou de trouver un emploi. Il incombe donc à l’État, par le biais du système du revenu universel, de garantir leur bien-être et de leur permettre de mener une vie digne.

Actuellement, les secteurs majeurs créateurs d’emplois au Maroc demeurent l’agriculture, en dépit des trois années de sécheresse que le pays traverse, ainsi que les travaux publics et la construction. Toutefois, il est important de noter que la demande dans le secteur des travaux publics et de la construction est en baisse, ce qui entraîne la suppression d’emplois. En se référant aux données pour l’année 2022, une prédominance se dessine en faveur de l’agriculture, suivie des travaux publics et de la construction.

Pour atteindre à ses objectifs, l’Exécutif devrait réévaluer le système en place et rechercher des solutions, notamment sur le plan social, pour faire face aux quelque 300 000 à 350 000 personnes qui intègrent chaque année le marché du travail. De plus, cette problématique de l’emploi et du chômage affecte particulièrement les détenteurs de diplômes universitaires et des grandes écoles. Plus le niveau de formation est élevé, plus les chances de trouver un emploi se réduisent au Maroc.

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