La territorialisation des politiques publiques, un processus inévitable pour la croissance économique et pour l’inclusion sociale

 Renforcement de la décentralisation et de la déconcentration

Hassan Amillat (*)

Notre monde est gouverné par une loi binomiale faite d’universalisme et de territorialité. Plus que l’universalisme, l’approche territoriale commande la plus « existentielle » de nos interrogations : Quel Maroc voulons-nous, pour nous-mêmes et pour les générations futures ? Certes, nous voulons un Maroc dynamique, adepte de l’excellence en méditerranéen et en Afrique. Certes, nous voulons un Maroc productif, où chacun aura un emploi, un Maroc solidaire et épris de justice, libéré de toute discrimination, où chacun disposera du même droit à l’emploi et à l’éducation. Un Maroc sans habitat indigne, attentif à l’environnement et participant activement à la résolution des grands problèmes de notre temps. Un Maroc prônant des valeurs partagées et défendues par tous. Mais comment mettre en musique ces ambitions ? Quels sont les instruments à véhiculer pour atteindre ces objectifs ? Nulle part au monde, il n’existe une expérience réussie de développement et de mise à niveau économique et sociale qui n’ait pas adopté l’approche de la territorialité. Cette approche est-elle applicable au cas marocain, aux spécificités d’un pays qui a entamé un process de régionalisation avancée soutenu par une offre constitutionnelle solide.

Territorialité et offre politique

Après une longue période de scepticisme et d’indifférence, l’adoption de l’approche territoriale dans l’action politique commence aujourd’hui à susciter un certain intérêt. Au point que nos partis politiques, toutes tendances confondues, traditionnellement centralistes et jacobins, se sont mis à la chansonnette territoriale. En réalité, cette préoccupation s’est imposée d’elle-même, souvent sous la pression des réalités du terrain ou des évènements, mais aussi sous l’impulsion conjointe des recommandations émises par des instances nationales et internationales. Malgré cela, il est permis de dire qu’il existe une tradition territoriale marocaine.

Le principe communautaire et les valeurs de concertation ont toujours constitué des lignes d’approche de toutes les formes de participation chez le marocain. A travers l’histoire politique, depuis l’Antiquité jusqu’au Protectorat, la participation constituait un jus hominum. Et comme l’État jouissait d’un pouvoir jacobin sur le plan de la représentation, il y avait, en contrepartie, une appropriation des pratiques girondines dans la gestion des territoires et des communautés.

La production politique s’est limitée aux élites et aux salons d’interprétation loin de toutes les préoccupations réelles des citoyens. L’expérience de la décentralisation de la gestion des territoires a, fortement, prouvé la divergence entre le paramètre de représentation politique et le paramètre de développement territorial car la quasi-totalité des élus locaux ne portent pas de projets politiques.

Dans l’esprit des citoyens, la dynamique politique ne se déclenche que lors des élections. Il n’est pas logique, aujourd’hui, de déduire le désengagement du marocain des principes communautaires et l’abandon des droits politiques. Les résultats des dernières législatives ont manifesté l’attachement du Marocain à la convergence obligatoire entre les valeurs démocratiques et les agrégats de développement, chose impraticable dans la tradition partisane marocaine toute au long des exercices politiques depuis l’indépendance.

La production politique ne se résume pas seulement dans l’industrie législative et le contrôle de l’appareil exécutif, elle est surtout le déclenchement des interactions, dûment échelonnées sur les niveaux local, régional et national, des intérêts communautaires avec le partage des responsabilités, et ce, de l’exécution à l’évaluation.

Pour s’aligner à cet impératif démocratique, beaucoup dépendra de la manière dont la dimension territoriale sera prise en compte dans les stratégies futures des acteurs politiques en compétition. Il y a, en effet, de bonnes raisons de penser que c’est essentiellement à l’échelle des territoires que pourront – et devront – être construites, démocratiquement, les articulations indispensables entre les dimensions sociale et économique de l’action politique.

Aujourd’hui, c’est essentiellement à l’échelle des territoires que les problèmes de développement durable sont perçus et c’est sans doute également là qu’ils peuvent trouver des solutions à la fois équitables et démocratiques.

On se rend par ailleurs de plus en plus compte du caractère extrêmement réducteur, pour ne pas dire artificiel, parce que surfacique, des diagnostics qui épousent exclusivement des moyennes nationales en négligeant l’énorme différenciation des situations locales. L’hétérogénéité spatiale est une première raison qui peut justifier une forte territorialisation de stratégies de l’encadrement politique et civil.

Le projet d’instrumentation de l’action politique et civile est tributaire de l’efficacité de l’action qui fait monter le bas vers le haut et non celle qui tend à l’inverse. L’ensemble des acteurs politiques s’accorde de plus en plus à reconnaître le renforcement du rôle des collectivités territoriales pour gérer les risques à leur échelle. Même dans l’hypothèse où il s’agit de maîtriser des problèmes globaux, le pragmatisme peut conduire à s’appuyer en priorité sur la mobilisation des acteurs locaux.

Construire un projet de société, qui ne s’arrêtera pas à la croissance économique mais cherchera aussi le développement humain, c’est s’appuyer, sans doute, sur le socle de l’intervention à l’échelle territoriale qui a probablement plus de chance d’être efficace qu’au niveau global  dans la mesure où les responsabilités sont plus faciles à établir, les actions plus commodes à contrôler, et les interdépendances entre acteurs plus aisées à articuler. Plus généralement, le niveau local est confirmé comme le seul à pouvoir garantir le minimum de transversalité qui est au cœur de la notion de développement humain. La nécessité de trouver des solutions à des problèmes concrets peut être une bonne incitation au décloisonnement des logiques institutionnelles. S’il y a quelque part une articulation à trouver entre les deux dimensions constitutives du développement humain, le social et l’économique, c’est probablement au niveau local qu’elle pourra le plus facilement être construite, dans la mesure où c’est aussi à cette échelle que leurs contradictions peuvent apparaître avec le plus de force et d’évidence.

L’action civile et politique territoriale comme approche alternative à l’offre politique traditionnelle nous conduit très naturellement à l’argument central qui milite finalement pour une approche territoriale du développement humain, celui de la démocratie. Dire que l’intérêt émergent pour l’encadrement politique territorialisé n’est pas le produit d’une mobilisation des structures intermédiaires est un euphémisme. La demande d’encadrement politique in situ n’est pas l’enfant légitime de la société civile – elle n’en est que la marraine –, ni même de la majorité des élus ou des acteurs locaux. Le concept doit sa construction et sa diffusion à la revendication citoyenne qui a su manifester sa soif politique.

La vocation du Marocain de résister aux aléas socioéconomiques, avec une conscience de dépassement de toutes les crises, mobilisant les ressources et les intelligences souvent locales, cette vocation est tangible. C’est consubstantiel au « vivre-ensemble » à la marocaine depuis qu’un pouvoir central existe sur cet « Al Maghrib Al Aqça ». Et c’est bien dans un tel contexte que se justifie tout particulièrement l’approche territoriale de développement.

La prise en considération des sollicitations micro-territoriales donne aux politiques locales de développement humain une légitimation démocratique que n’ont pas nécessairement les approches nationales. Or on sait, pertinemment, que rien de concret ne peut se faire dans ce domaine sans une implication et un appui sans équivoque de l’animation des cercles territoriaux.

Territorialité et débat public

Si le management territorial est à l’ordre du jour, c’est qu’une évolution profonde a vu le jour dans le débat public. On assiste aujourd’hui à une remise en cause des modes de coordination traditionnels entre les citoyens, les groupes qu’ils constituent et leurs représentants, c’est-à-dire la contestation de l’arbitrage réglementaire ou législatif, du recours à la règle ou aux normes. L’autorité de l’élu et celle du nommé sont interpellées, voire apostrophées, soit au chapitre de leur légitimité, soit au niveau de leur efficacité. La crise de ces formes traditionnelles d’autorité qui, d’après les anthropologues et les politologues, traverse toutes les sociétés marquées par l’individualisme, débouche sur la nécessité d’inventer de nouveaux modes de coordination entre les acteurs locaux. Cela est devenu une évidence pour ceux qui observent la réalité des pratiques locales ou l’évolution des dispositifs législatifs et c’est pourquoi le dialogue entre les acteurs du territoire s’impose progressivement comme un enjeu pour la démocratie locale.

Tout d’abord, un processus de débat territorial est un espace d’ingénierie. C’est-à-dire qu’il mobilise des méthodes, des savoir-faire et des compétences. Son succès ne se satisfait pas de la bonne volonté de son animateur, de son sens de la communication ou de son ouverture d’esprit. Mener un débat fructueux suppose en effet de répondre à un certain nombre de questions de méthode : comment se mettre d’accord sur le problème initial ? Quelle est la légitimité des représentants ? Comment gérer les rapports de force ? Que faire quand le dialogue est rompu ou la situation bloquée ? Comment ordonner l’information pour ne rien oublier ? Toutes ces questions – et il pourrait y en avoir beaucoup d’autres – sont celles que se posent tous les jours ceux qui sont en charge de la conduite d’un processus de débat territorial comme espace de formalisation et de cadrage des besoins micro-territoriaux.

La deuxième dimension du débat territorial tient au fait qu’il s’agit d’un outil de gouvernance du territoire. On peut dire par là que la concertation et/ou la médiation, même si elles n’ont pas vocation à se substituer à la loi ou à la règle, même si elles n’ont pas pour but de rendre inutile l’élu ou le nommé, sont des processus qui doivent trouver leur place à côté des mécanismes plus traditionnels de décision. Quel rôle donner au débat ? Quelles limites ? Comment le dimensionner par rapport aux enjeux locaux ? Comment éviter que des négociations entre des groupes porteurs d’intérêts divers ne se réduisent finalement à des sortes d’arbitrages entre lobbies ? Qui est porteur de l’intérêt général et au nom de quoi ? Toutes ces questions constituent autant de pistes de réflexion pour les élus et les acteurs des services régaliens, qui se posent souvent la question du statut de la décision et de leur place dans le débat territorial.

L’élu n’est pas évincé dans les processus participatifs, pas plus que le nommé d’ailleurs. Il n’est pas dépossédé de son pouvoir de décision. Ce que la concertation l’invite à faire, c’est à repenser le mode d’élaboration de la décision, à réorganiser à ce propos ses relations avec les habitants en hiérarchisant les urgences. Et comme le débat territorial se situe dans l’espace public, cette réflexion sur le renouvellement du processus décisionnel doit être transparente, rendue publique et, d’une façon ou d’une autre, validée par la collectivité territoriale.

Dans la société marocaine qui a dépassé crise des modes traditionnels d’autorité, qui voit questionnée, au tournant de chaque défi modernitaire, la légitimité de l’Etat ou de l’élu en tant que garants de l’intérêt général, le mode d’élaboration de la décision (qualité de l’information, espaces de participation ouverts, clarté des règles) devient le fondement premier de son acceptabilité.

Enfin, et c’est là la troisième de ses dimensions, un processus de débat territorial est non seulement un espace d’ingénierie et un outil de gouvernance des territoires, c’est aussi un lieu de confrontation entre acteurs territoriaux. Evidemment, son objectif réside dans la recherche de consensus, mais ce consensus s’élabore au terme d’une démarche de confrontation, qui doit être productive, c’est-à-dire se transformer graduellement en démarche de coopération, de créativité et d’apprentissage. C’est un espace où se confrontent les projets et les intérêts et, derrière cela, les valeurs, les rêves, les besoins et les savoirs.

Faire débattre de tout cela de façon fructueuse et rendre cette confrontation génératrice de solutions et de dynamiques nouvelles, c’est produire un impact décisif sur l’intelligence collective, c’est-à-dire la capacité des acteurs territoriaux à se relier entre eux et à traiter leurs problèmes communs. Le débat territorial est un espace d’apprentissage : c’est ce qui ressort clairement de l’expression des acteurs  qui ont vécu de tels processus. Ils disent avoir perçu d’autres visions que la leur et cela leur a permis d’acquérir une perception plus complète du territoire.

Territorialité et développement durable

Riche de sa diversité et du caractère propre à chacune de ses régions, le territoire marocain l’est aussi de par son ouverture au monde. Les changements dans l’économie mondiale ont des incidences sur le futur du Maroc. Cette ouverture constitue à la fois une opportunité et une contrainte. La globalisation dessine de nouveaux segments de territoires en réseau à des échelles plus larges. Elle aiguise aussi les concurrences entre les régions et les Etats. La globalisation, l’essor de la nouvelle économie, les technologies de communication, les transformations des modes de vie, les nouveaux usages du temps, les changements démographiques et les mutations du monde rural modifient la répartition spatiale des hommes et des activités. Les territoires urbains et ruraux au Maroc enregistrent de manière diverse les effets de ces mutations économiques, sociales et environnementales. Les facteurs qui guident la localisation des activités sont liés autant à des aménagements physiques qu’aux qualités des tissus humains et sociaux, à la qualité des compétences et à la densité des coopérations entre les acteurs du territoire.

Ces nouvelles conditions économiques, sociales, écologiques et politiques de l’évolution du territoire justifient qu’on engage une réflexion globale sur l’avenir du pays, sur son insertion dans un contexte en mouvance, sur sa place et sa compétitivité, et sur les atouts et les moyens dont il dispose pour orienter les changements dans la perspective souhaitée.

 Sur cette base, l’aménagement du territoire se doit d’encourager la recherche de solutions de développement concertées permettant de faire face aux défis du présent et du futur. Ces solutions doivent dans tous les cas de figure favoriser un développement durable. La place géostratégique du Maroc l’oblige d’inscrire toute politique publique dans une ligne relevant du développement durable. Le développement durable est un principe d’action visant à concilier le développement économique, la cohésion sociale, les impératifs écologiques et la qualité des cadres de vie à travers un ensemble d’objectifs de long terme et de processus de prise de décision concertés.

Le Maroc a en conséquence relevé le défi du développement durable. Il s’est positionné dans un contexte d’ouverture et de concurrence territoriale. À défaut de pouvoir influencer notablement les paramètres du changement économique et social global, les acteurs territoriaux sont appelés à les anticiper et à les prendre en compte dans leurs stratégies. Ils sont invités à élaborer une vision prospective qui renouvelle leurs rapports au territoire dans la perspective du développement durable. Ils ne peuvent toutefois le faire qu’en disposant de systèmes d’indicateurs pertinents pour observer le territoire, apprécier son organisation et ses transformations et orienter les décisions dans la perspective du développement durable.

Pour que le développement territorial soit authentiquement durable, il doit répondre aux besoins des générations actuelles et futures tout en respectant l’environnement naturel et sa diversité. L’utilisation rationnelle des ressources aussi. Ce type de développement se fera en fonction des besoins de la population, de la nécessité d’assurer la qualité des espaces ruraux et urbains et l’humanisation d’une économie en mutation. Dans cette perspective, un système de veille territoriale doit s’affirmer comme un partenaire actif du développement socioéconomique et de la protection de l’environnement. Plus concrètement, un système de veille territoriale doit être construit sur les axes fondamentaux de réflexion du développement durable répondant aux défis majeurs multidimensionnels, soit la durabilité de la croissance économique, de la justice sociale et de la préservation de l’environnement.

Territorialité et Cohésion sociale

En management territorial, les acteurs sont confrontés à deux grands types d’inégalités spatiales, économiques et sociales, les incitant à engager des actions dans le domaine du développement économique et de l’insertion des actifs pour assurer une certaine cohésion sociale.

Le premier groupe d’inégalités concerne la dynamique d’investissement. Le Maroc offre un paysage économique polarisé (75 % de l’emploi se localise sur seulement trois régions (Casablanca Settat, Rabat -Salé –Kenitra et Tanger- Tétouan Al Hoceima), discontinu et contrasté, avec une forte variabilité des densités d’emploi, des fonctions économiques et des niveaux de revenus et de qualification de la population selon les territoires.

Le deuxième type d’inégalités touche la population active. En dépit du recul du chômage, les phénomènes de précarité et d’exclusion durable du marché du travail se sont amplifiés, sous l’effet d’une restructuration de l’économie et d’une recomposition des emplois. Une restructuration qui a conduit à des difficultés de reconversion, la nature des postes créés étant éloignée de celle des postes disparus. Ces transformations de l’appareil productif se sont accompagnées d’une plus grande fragmentation des emplois peu qualifiés dans les temps de travail et dans l’espace, avec une dispersion accrue de ces emplois dans les zones périphériques, moins bien desservies par les transports et moins bien dotées d’infrastructures. Cette déconcentration rend plus complexe l’accessibilité à l’emploi des populations peu qualifiées et à bas revenus

Les enjeux varient donc sensiblement d’un territoire à l’autre, en fonction des dynamiques sous-jacentes à leur système productif et à leur configuration sociale. Dans tous les cas, les élus sont directement interpellés par les besoins de leurs entreprises et de leur population. Ils ont un rôle essentiel à jouer pour redresser les déséquilibres locaux, favoriser l’innovation sociale et le développement local.

La difficulté, outre la prégnance du contexte économique et politique national, réside, sans aucun doute, dans la difficulté de dépasser les limites des territoires pour intervenir avec efficacité dans des domaines où les interrelations sont incontournables. Le fonctionnement du système économique souligne la nécessaire interdépendance entre les territoires : de nombreux pôles d’emploi affichent une spécialisation ; la majorité des personnes en emploi travaillent dans une autre commune que leur lieu de résidence ; les revenus créés à un endroit seront pour une grande partie consommés ailleurs ; certains territoires perdent des emplois, tandis que d’autres en gagnent, souvent dans des fonctions et niveaux de qualification différents.

Que ce soit en matière d’attractivité économique, d’accès à l’emploi ou à la formation, nombre d’initiatives sont donc à penser à l’échelle d’un grand bassin d’emploi ou, tout au moins, de sous-zones dépassant les limites administratives. Dans un contexte décentralisé, la recherche de partenariats entre collectivités territoriales, acteurs locaux, entre public et privé, devient un passage obligé pour trouver des solutions au développement local. Il n’est d’excellente « communalité » que par le relais de l’intercommunalité. Celle-ci doit être à la région ce que la région elle-même sera demain à la nation marocaine.

Le développement territorial n’est pas soluble dans la seule question de la création de richesses par les systèmes productifs locaux. On doit souligner que le territoire n’est pas seulement un facteur de production. Il est, avant tout, le support d’une population pour laquelle le développement se décline en termes de revenus, d’emplois, de formation et d’aménités urbaines. La dissociation entre lieu de travail, lieu de résidence et lieu de consommation génère des flux de revenus entre territoires, qui ont des implications fortes sur leur développement.

Le développement territorial s’inscrit, en effet, dans le temps long et s’appuie à la fois sur des stratégies d’attractivité des entreprises et des ménages, et sur la mise en place de dynamiques favorisant l’accès aux emplois. Pour les secteurs en difficulté sociale, le défi de l’attractivité résidentielle suppose, pour partie, une transformation du tissu urbain. Les opérations de renouvellement urbain sont sans aucun doute des occasions à saisir pour introduire plus de mixité sociale dans ces secteurs. Les communes peuvent aussi y trouver un moyen d’aider les entreprises nouvellement implantées à loger sur place leurs salariés.

Dans la recherche d’un meilleur accès à l’emploi, les collectivités locales peuvent jouer sur le rapprochement entre acteurs pour l’emploi (ANAPEC, OFPPT) et les entreprises implantées sur leur territoire. L’intervention des institutions publiques reste essentielle, notamment pour la main-d’œuvre la moins qualifiée ou la plus éloignée de l’emploi, que ce soit par le développement d’actions de formation, l’aide à la création d’emplois durables, l’amélioration de la mobilité des personnes ou de leur vie quotidienne.

 Territorialité et Compétitivité économique

Une croissance durable et la création d’emploi au Maroc dépendent de plus en plus de l’excellence et de l’innovation, qui constituent les principaux moteurs de la compétitivité. Fort de son attractivité, le Maroc est en mesure d’adopter une stratégie d’innovation élargie et définir le renforcement des pôles de compétitivité sur l’ensemble des régions comme l’une des priorités stratégiques pour promouvoir avec succès l’innovation territoriale.

En s’appuyant sur l’expérience tirée des efforts de développement territorial dans certaines régions en matière de mise ne place des pôles de compétitivité aux niveaux des segments territoriaux, on peut mieux coordonner les conditions générales de l’innovation y compris en renforçant les liens entre le monde scientifique et les entreprises et grâce à des pôles d’exception en matière d’innovation et au développement de pôles et de réseaux régionaux.

Un pôle de compétitivité peut se définir, globalement, comme un groupe d’entreprises, d’opérateurs économiques liés et d’institutions géographiquement proches les uns des autres et ayant atteint une échelle suffisante pour développer une expertise, des services, des ressources, des fournisseurs et des compétences spécialisés. Les politiques en matière des pôles de compétitivité sont conçues et mises en œuvre aux niveaux local, régional et national, en fonction de leur portée et de leur ambition. C’est aux collectivités territoriales qu’incombe la tâche de faciliter ces efforts et d’y contribuer, notamment en améliorant les conditions-cadre, en promouvant la recherche, l’excellence en matière de formation et l’esprit d’entreprise, en favorisant de meilleurs liens entre les entreprises (en particulier les PME) et le monde scientifique et de formation professionnelle et en encourageant l’apprentissage réciproque des politiques et la coopération entre les pôles au niveau national et régional. À cet égard, il est crucial d’entamer la réalisation du marché territorial de compétitivité et de développer un espace national compétitif de la recherche.

La réussite de la territorialité repose sur un cercle vertueux où l’innovation engendre la croissance, elle-même source d’emplois riches en nouvelles compétences, porteuses à leur tour d’innovation. Les pôles de compétitivité peuvent fortement y contribuer s’ils parviennent à identifier et produire les compétences clés de leur développement. Les pôles se saisissent des questions d’emploi et de compétences pour des raisons, selon des modalités et avec une intensité très variées. Que ces pôles l’aient fait jusqu’ici sans se montrer toujours innovants ou entreprenants n’interdit pas qu’ils puissent jouer, et jouent déjà parfois, un rôle précurseur dans l’adaptation du marché du travail à l’économie de l’innovation qui est la condition fondamentale pour le développement durable.

(*) Expert en Développement Territorial, Anthropologue

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page