La violence, vestige de l’évolution ou mal des temps modernes ?
Dossier du mois
Dr Youssef Chiheb Professeur des Universités. Université Paris XIII – Sorbonne
La violence : Un vieux conflit entre l’Humanité et l’Animalité
A travers l’évolution des civilisations, l’Homme n’a cessé d’associer la violence à la barbarie ou d’en faire paradoxalement l’apologie. Les philosophes l’ont assimilée à l’incapacité de la part de notre humanité à la proscrire des rapports sociaux. Les hommes politiques en ont fait un instrument de régulation pour le maintien de la cohésion des nations, évoquant au passage, la violence légitime comme étant nécessaire à l’affirmation des Etats. Les religions l’ont irrigée en outil de châtiment des mécréants. Les sociétés tribales comme alternatives pour le règlement des différends sociétaux. Les sociétés patriarcales ont institutionnalisé la suprématie de l’homme sur la femme par la violence conjugale. Le jihad islamiste l’a autorisée comme arme de terreur dans son prosélytisme. En somme, chaque mode d’organisation sociopolitique a trouvé des théoriciens pour légitimer l’exercice de la violence.
Au fil des siècles, les psychologues et les juristes ont sensibilisé, autant que possible, les décideurs sur les effets désastreux de la violence quant à la désagrégation de la société. Cependant, ces recommandations n’ont pu éradiquer son ampleur. Certes, la violence physique est de plus en plus punie par la loi à l’école, dans l’intimité familiale, dans l’espace public, dans les transports, sans pour autant arriver à éradiquer d’autres nouvelles formes de violences aussi dévastatrices comme celle en direction des minorités les plus vulnérables, la violence sexuelle en direction des enfants, envers les femmes libres, envers les minorités à orientations sexuelles particulières et envers les minorités confessionnelles.
Chaque discipline donne une interprétation, plus ou moins discutable quant à celle de l’association de l’Homme à la violence. Pour les neuropsychiatres, ils considèrent l’Homme comme un mammifère, voire un reptilien et que son ADN en est intimement lié au fait qu’il a fondé sa suprématie pour instrumentaliser la théorie de la chaîne alimentaire et pour asseoir sa position hiérarchique au sein de son clan. Pour les anthropologues, la violence fut la garantie pour un chef d’affirmer son autorité politique et d’asservir les plus vulnérables des sujets aliénés aux rapports de subordination. Pour les économistes, les hommes qui tiennent les moyens de production s’octroyaient le droit d’exercer la violence la plus dégradante envers leurs salariés.
Aujourd’hui, la mondialisation, l’islamisme, l’antiféminisme ont ouvert un nouveau front de violence. Les réseaux sociaux sont devenus un instrument à double tranchant dans la banalisation de la violence dématérialisée. Ainsi, durant le conflit syrien, les réseaux sociaux ont véhiculé des scènes faisant l’apologie de crimes contre l’humanité, pendant que d’autres ont libéré la parole des femmes victimes de viols à Hollywood. L’opération « Balance ton porc » a donné lieu à des dizaines de poursuites judiciaires. Quant au Maroc, les autorités policières, elles, ont fait preuve d’une impuissance déconcertante face à trois formes de violences de masse : les agressions sexuelles des femmes en public, les violences primitives récurrentes dans les stades. Et plus inquiétant encore, les combats de rues à coups de sabres.