L’abstention est une forme de vote mais préoccupante pour la scène politique marocaine

Par Taoufiq Boudchiche, économiste

En l’absence de sondages, il demeure difficile d’anticiper l’intention de l’électeur marocain.

On peut néanmoins distinguer sur la base des précédents scrutins, que la scène électorale marocaine traditionnelle est partagée entre deux grandes catégories parmi les citoyens marocains en droit de voter. Ceux qui s’inscrivent sur les listes électorales et se déplacent aux urnes pour déposer un bulletin de vote. D’un autre côté, ceux qui estiment inutile de se déplacer, ni pour s’inscrire sur les listes électorales, ni pour se rendre aux urnes, estimant l’acte de voter, à tort ou à raison,  sans impact sur le cours de la vie politique.

Pour la première catégorie, celles des votants, les motivations sont diverses entre d’une part, ceux qui sont motivés par une sincère intention de faire gagner leur candidat, ceux convaincus de s’y rendre par souci de faire leur devoir de citoyen, d’autre part,  ceux qui ont été entraînés vers les urnes pour des motifs plus ou moins intéressés, autres qu’un choix politique ou citoyen (achat de votes, clientélisme, …). L’ensemble nécessairement hétéroclite  forme le socle électoral sur lesquels les différents candidats et  partis  politiques se basent pour se départager.

→ Lire aussi : Scrutin du 8 septembre, le jour d’après…

Pour la seconde catégorie, qui constitue le gros contingent des électeurs, à savoir les abstentionnistes  qui ne se rendent pas aux urnes,  on peut déceler, sans trop de risque de se tromper, un point commun. Celui  du sentiment pour une raison ou une autre, de  prêter peu ou pas d’impact, à  leur vote sur le cours de la vie politique au Maroc.

Or, sur le plan de l’analyse politique, cette catégorie d’abstentionnistes qui constitue la majorité des citoyens en droit de voter, représente la catégorie la plus intéressante,  à observer.

N’est elle pas le résultat d’un équilibre politique au sein du Royaume, qui s’auto-stabilise  entre les différents pôles de pouvoir, mais avec le risque de privilégier le statut quo. En haut de la pyramide, il y a l’institution monarchique qui dicte les grandes orientations et les principaux arbitrages. Pour nombre d’électeurs et surtout du côté des abstentionnistes, cela constitue un gage de « sécurisation de la vie politique ». Pourquoi aller voter puisque le Roi veille à la bonne marche du pays ?

Au dessous, de l’institution monarchique, il y a les partis politiques et la compétition électorale pour accéder à la majorité gouvernementale. Et, de plus, en vertu de la nouvelle constitution de 2011, il y a  la possibilité  en étant les premiers arrivés, de s’imposer à la tête du gouvernement,  et  celui d’accéder à des  hautes postes de l’Etat et de l’administration (Gouvernement, Parlement, Mairies, Haute administration…).

 En revanche, les abstentionnistes qui ne votent pas, envoient un signal politique qui soulève des interrogations de fond.

L’offre politique n’a-t-elle pas ciblé les vrais besoins des citoyens ? N’a t- elle pas été crédible aux yeux de l’électeur ? Le message n’est il pas bien arrivé par les moyens classiques (campagnes électorales, moyens  audiovisuels, réseaux sociaux…) ? L’offre politique n’est elle pas assez globale pour entraîner l’électeur sur un choix de projet de société (conservatrice, ouverte, progressiste…) ?

Le parti qui aura mobilisé le plus grand nombre d’électeurs parmi les abstentionnistes en plus de son socle électoral traditionnel sera un indice de l’humeur politique du citoyen-électeur.

En cas de statut quo,  les arbitrages du changement viendront sans doute, de l’institution monarchique,  pour secouer le cocotier.

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