L’Atlantique, un potentiel économique sous-exploité et des défis sécuritaires

Par Mouhamet Ndiongue

La façade atlantique africaine regorge d’opportunités économiques inexploitées, malgré sa position stratégique et ses ressources naturelles abondantes. Composée de 23 pays, cette région représente à elle seule près de la moitié de la population africaine et détient plus de la moitié du PIB du continent. Pourtant, elle reste relativement absente des relations internationales et des discours continentaux. Dans son discours à l’occasion du 48e anniversaire de la Marche verte S.M. le Roi Mohammed VI appelle à inverser la façade atlantique du pays, à partir du Sahara, et faire de l’Afrique atlantique une nouvelle zone de grande influence sur la politique internationale.

«Si la côte méditerranéenne est un lien entre le Maroc et l’Europe, la côte atlantique est la porte d’entrée du Maroc vers l’Afrique et sa fenêtre d’ouverture sur l’espace américain », a déclaré le Souverain dans son discours adressé à la nation ajoutant que « c’est là l’origine de notre engagement à réhabiliter la zone côtière au niveau national, y compris la façade atlantique du Sahara marocain, et structurer cet espace géopolitique au niveau africain ».

Le discours de S.M. le Roi de cette année esquisse une dynamique géopolitique du Maroc dans lequel, il précise que « Notre objectif est de transformer la façade atlantique en un espace de communication humaine, d’intégration économique et de visibilité continentale et internationale. À cet égard, nous sommes prêts à compléter les grands projets dans les régions du Sud et à fournir des services et des infrastructures liés à l’humain et au développement économique ».

Cependant, la région côtière est confrontée à des défis qui menacent son développement. La menace grandissante du terrorisme au Sahel pousse les groupes jihadistes vers le littoral, avec un risque réel de propagation de cette menace des pays enclavés vers les pays côtiers. Les experts s’inquiètent de l’expansion de cette menace, notamment au Bénin, au Togo et en Côte d’Ivoire, ce qui représente un défi urgent pour les gouvernements. En effet, une prise de contrôle d’une zone côtière par un groupe terroriste doté de capacités logistiques ou portuaires serait un précédent retentissant.

Malgré ces défis, la façade atlantique africaine représente une frontière de développement et une perspective de croissance et de coopération. Les opportunités économiques sont considérables, en particulier avec l’accélération des flux maritimes et la potentielle reprise économique post-Covid. Selon la CNUCED, les perspectives à moyen terme pour le transport maritime restent positives, bien que soumises à des « risques et incertitudes croissants ». Les côtes ouest-africaines, par exemple, sont parmi les plus poissonneuses au monde, offrant un énorme potentiel de croissance économique pour des pays comme la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée.

Dans une Policy brief, le chercheur Youssef Tobi développe les mécanismes économiques qui sous-tendent l’économie de l’atlantique, il soutient que le secteur de la pêche en Afrique de l’Ouest est actuellement sous-exploité. La pêche artisanale prédomine, les cycles biologiques sont souvent ignorés et le secteur est insuffisamment investi. Même le Maroc, avec sa façade atlantique riche en ressources maritimes, est confronté à des défis similaires.

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Une des pistes de développement de la façade atlantique ouest-africaine réside dans la mise en place d’un réseau portuaire efficace pour faciliter et gérer les flux commerciaux dans la région. Les quatre principaux ports de la sous-région – Lagos, Abidjan, Dakar et Douala – représentent près de 30% du trafic portuaire de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

La façade atlantique, une opportunité pour le Maroc

Le Maroc bénéficie d’une position géopolitique stratégique grâce à ses deux façades maritimes qui s’étendent sur 3500 km, dont environ 3000 km sont bordés par l’océan Atlantique et 500 km par la Méditerranée. Cependant, cet avantage n’est pas entièrement exploité. En plus des aspects commerciaux, tels que l’établissement de pôles logistiques efficaces vers l’Afrique, cette façade atlantique offre également une ouverture vers le continent nord et sud-américain.

En renforçant ses relations avec les États-Unis, le Brésil et le Canada, le Maroc peut davantage affirmer sa position en tant qu’espace géopolitique de la côte atlantique et capitaliser sur ses positions pour étendre son influence dans la région. Dans ce contexte, la mise en place d’une puissance maritime peut être bénéfique pour le Maroc, tant d’un point de vue sécuritaire face aux défis auxquels il est confronté que pour sécuriser les nouvelles routes maritimes et commerciales à venir.

Dans son analyse, Youssef Tobi explique que les enjeux sécuritaires en matière de piraterie dans l’océan Indien et la mer Rouge peuvent également toucher les intérêts marocains. Par exemple, la navigation commerciale empruntant la route de Suez pourrait être affectée. Dans cette perspective, considérer le transport maritime comme un réseau intégré permet de penser aux routes atlantiques comme des alternatives et de réfléchir au rôle du Maroc en tant que puissance maritime.

De plus, le Maroc peut profiter de la relative tranquillité de la région de l’Atlantique sud pour étendre son influence. Comparativement à d’autres régions du globe, telles que l’Asie-Pacifique avec ses risques de guerre nucléaire ou la concurrence stratégique entre les États-Unis et la Chine, le niveau de dépenses militaires dans cette zone et son statut dénucléarisé offrent des opportunités intéressantes. Cependant, il est à prévoir que la croissance économique de la Chine et d’autres pays africains et sud-américains, ainsi que leur intérêt croissant pour la sécurité maritime, amèneront de nouvelles puissances dans les eaux de l’Atlantique sud, note le chercheur. Par conséquent, il est probable que de nouveaux acteurs de sécurité émergeront dans la région, ce qui pourrait entraîner de nouvelles compétitions géopolitiques.

Par ailleurs, l’exploitation des ressources maritimes en eaux profondes présente un potentiel économique considérable pour le Maroc. Au cours des dernières décennies, l’extraction d’hydrocarbures en profondeur a connu une croissance significative, avec la possibilité d’exploiter des gisements situés à plus de 2 500 mètres de profondeur. Les fonds sous-marins renferment également des ressources minérales précieuses. Les recherches scientifiques menées dans les grands fonds ont permis d’identifier divers processus géologiques et géochimiques favorisant la concentration de métaux, ainsi que la présence de ressources énergétiques telles que l’hydrate de méthane et l’hydrogène. Ces découvertes soulignent le potentiel économique remarquable de la façade atlantique marocaine.

L’enjeu de la Zone économique exclusive

Pour exploiter la Zone économique exclusive (ZEE), le Maroc devrait développer une stratégie géopolitique claire et cohérente pour faire face à la concurrence des pays voisins, selon le chercheur. Il rappelle qu’il est également nécessaire de mettre en place des politiques maritimes cohérentes et une structure unifiée chargée de veiller à la cohérence des politiques publiques liées à la mer. En effet, le transport maritime représente une opportunité de croissance économique importante. Plus de 80% des échanges commerciaux mondiaux se font par voie maritime, mais la contribution de l’Afrique au commerce maritime reste faible. Cependant, il est observé que les besoins de l’Afrique en matière de transport maritime sont en augmentation, dépassant même ceux des économies en développement d’Amérique et d’Europe.

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