L’autonomisation des femmes, une évolution contrastée

Par Soukaina Benmouma
Au Maroc, l’autonomisation des femmes a représenté ces dernières années un champ de débat important pour le développement socio-économique du pays. Bien que des avancées aient été réalisées, notamment à travers des ajustements législatifs et des initiatives civiles et gouvernementales qui visent à promouvoir l’égalité genre, il reste encore des problématiques à relever.
Malgré les évolutions positives, les femmes marocaines continuent d’affronter des obstacles liés à la discrimination, à l’accès à la santé, à l’éducation et à l’emploi. Face à ce qui est considéré comme une question charnière, des mouvements et des associations se sont activés pour sensibiliser et défendre les droits des femmes marocaines tout en les encourageant à participer dans tous les domaines et aspects de la vie économique, publique et sociale. L’autonomisation des femmes au Maroc est donc un pilier essentiel non pas juste pour améliorer leur qualité de vie, mais aussi pour réaliser un développement inclusif et harmonieux au pays.
Selon le dernier rapport du Centre d’Excellence de Budgétisation Sensible au Genre, le Plan de Gouvernement pour l’Égalité, qui s’étend de 2023 à 2026, a été mis en priorité depuis le discours à la Nation de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, lors de la Fête du Trône du 30 juillet 2022, marquant un tournant important pour la participation des femmes à la vie économique et leur accès aux droits. Ce rapport qui regroupe 288 mesures qui vont être mises en œuvre par différents acteurs sur niveaux administratif régional et central, est réparti entre trois différents programmes, selon les différents indicateurs. Le premier programme est « Autonomisation économique et leadership », le second programme est « prévention et protection : environnement sans violence à l’égard des femmes » et le dernier est « Promotion des droits et lutte contre les discriminations et les stéréotypes ».
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Selon le recueil « Genre programmes – objectifs – indicateurs – sous indicateurs » du centre d’excellence de budgétisation sensible au genre de février 2025, des critères ont été mis en avant, comme l’indicateur 700.1.1 qui désigne le pourcentage des professionnels de santé affectés en milieu rural et dans les zones enclavées, et l’indicateur 902 1.1 qui désigne le taux net de scolarisation au qualifiant.
En parallèle aux évolutions stratégiques qui visent à assurer l’égalité genre, et afin d’assurer la mise en œuvre réelle de ces orientations à travers des programmes et politiques sensibles au genre, le Maroc s’est engagé depuis le début des années 2000 à ancrer la Budgétisation Sensible au Genre. C’est à ce titre que le ministère de l’Economie et des Finances publie chaque année le Rapport de Budget Axé sur les Résultats qui tient en compte l’aspect genre, ce qui décrit les efforts budgétaires déployés par plusieurs départements ministériels en matière d’égalité hommes femmes.
La Budgétisation Sensible au Genre a été institutionnalisée dans un cadre législatif qui fait partie, aujourd’hui, des pratiques budgétaires de plusieurs départements ministériels et qui s’impose comme un facteur clé de succès de financement des politiques de réduction des inégalités genre. A ce titre, la circulaire qui concerne la programmation du budget triennal 2024-2026 a encouragé les départements ministériels à intégrer les différents axes du Plan Gouvernemental pour l’égalité qui s’inscrivent dans leur champ de compétence.
Des défis persistants malgré les avancées
Malgré les progrès réalisés, les femmes marocaines continuent de faire face à des obstacles structurels qui entravent leur autonomisation. Ces défis s’étalent à travers un accès limité au marché du travail. Le taux d’activité des femmes au Maroc reste faible. Il était de 20,9% en 2022, contre 70,4% pour les hommes, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Ces chiffres s’expliquent par plusieurs facteurs, comme la persistance de stéréotypes de genre et le manque de crèches ou de services de transport. En outre, selon la Banque mondiale, les femmes marocaines gagnent en moyenne 20 à 30% de moins que les hommes pour un même poste, ce qui empêche leur indépendance économique.
Des disparités en matière d’éducation persistent. D’après le HCP en 2023, le taux d’abandon scolaire des filles en milieu rural reste élevé, 12% au collège et 26% au lycée. Cet abandon est souvent le résultat de mariages précoces, et au manque de transport scolaire.
La violence à l’égard des femmes demeure un souci majeur. Bien que la loi 103-13 selon le Dahir n° 1-18-19 du 5 joumada II 1439, relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, adoptée en 2018, représente une avancée, sa mise en œuvre représente toujours un défi. Selon le Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité à Genève, seulement 10,4% des femmes victimes de violence portent plainte ou optent pour une action juridique auprès des autorités compétentes, en raison de la peur, du manque de soutien juridique et les normes sociales et les mentalités tolérant certaines formes de violence.