Le blé kazakh nouvelle bouée de sauvetage pour combler le déficit céréalier

Le Maroc, de plus en plus vulnérable sur le plan de sa sécurité alimentaire, vient d’ajouter un nouveau fournisseur à sa liste de partenaires céréaliers. Pour la première fois, le Royaume importera du blé en grande quantité depuis le Kazakhstan, avec un volume annoncé de 300 000 tonnes pour la saison en cours. Une décision révélatrice d’un déficit national devenu chronique et préoccupant, malgré les discours gouvernementaux jugés peu convaincants.
L’information a été confirmée par la Food Contract Corporation, principal fournisseur public kazakh de céréales, qui a officialisé la signature de contrats d’exportation pour une première tranche de 200 000 tonnes, avec un objectif global dépassant les 300 000 tonnes destinées au Maroc et à d’autres pays d’Afrique du Nord. Cette initiative marque une percée significative pour le Kazakhstan, qui cherche à diversifier ses débouchés au-delà de son espace traditionnel post-soviétique.
Dans une déclaration relayée par l’agence Kazinform, le ministère kazakh de l’Agriculture souligne que ces ventes s’inscrivent dans une stratégie de projection vers les marchés du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, de l’Europe et de l’Asie du Sud-Est. Une stratégie qui offre un certain répit à un Maroc en quête urgente de solutions alternatives.
Cette annonce intervient dans un contexte particulièrement tendu au Maroc. En proie à une sécheresse structurelle depuis plusieurs années, le pays peine à stabiliser sa production agricole, notamment en céréales, dont il est de plus en plus dépendant vis-à-vis des marchés extérieurs. La campagne agricole 2024-2025 s’annonce elle aussi compromise, avec des précipitations toujours en deçà des moyennes saisonnières, aggravant un déficit hydrique qui freine les cultures vivrières de base.
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Les données disponibles font état d’un rendement céréalier national divisé par deux au cours des cinq dernières années. Cette situation a contraint les autorités à multiplier les importations pour garantir un approvisionnement stable en blé tendre, principalement destiné à la consommation domestique.
Des partenaires traditionnels aux nouvelles alliances
Historiquement, le Maroc s’est appuyé sur des fournisseurs de référence tels que la France, le Canada, l’Ukraine et, plus récemment, la Russie. Mais les perturbations géopolitiques — guerre en Ukraine, restrictions à l’exportation imposées par certains pays — ont considérablement fragilisé cette architecture d’approvisionnement.
L’introduction du Kazakhstan comme nouveau partenaire céréalier vient donc diversifier un portefeuille d’importation devenu stratégique. D’autant que ce pays d’Asie centrale, fort de sa position sur le marché mondial, a récemment signé des accords d’exportation massifs avec l’Iran, à hauteur de 2 millions de tonnes de blé, en utilisant des itinéraires complexes passant par la mer Noire, la mer Caspienne et même les routes baltiques.
Face à cette situation jugée critique, les déclarations officielles du gouvernement, se voulant rassurantes, peinent à convaincre l’opinion publique et les analystes. Malgré la mise en avant d’aides ciblées aux agriculteurs, de subventions à l’importation et de mécanismes de compensation, aucune réponse structurelle de fond n’a encore été apportée à la question de la résilience alimentaire.
Les experts tirent la sonnette d’alarme : sans une réforme en profondeur de la politique agricole, intégrant la question hydrique, l’adaptation climatique et l’innovation agronomique, le Maroc restera exposé à des chocs d’approvisionnement aux conséquences économiques et sociales majeures.
Cette dépendance aux importations contraste avec les ambitions affichées par la stratégie « Génération Verte 2020-2030 », censée promouvoir une agriculture durable, inclusive et résiliente. L’arrivée du blé kazakh, aussi bienvenue soit-elle, révèle en creux les failles de cette stratégie encore trop peu traduite en résultats tangibles.