Le coup d’Etat au Gabon est-il le chant de cygne de l’hégémonie occidentale en Afrique ?
Au cours des dernières décennies, l’Afrique a connu une transformation sociale et politique très rapide, sans doute l’effet d’internet. Ce réveil de la conscience africaine a commencé à bouleverser les perceptions préconçues et les notions traditionnelles de l’Europe et de l’Occident. Dans ce réveil des consciences, les Africains, notamment les jeunes demandent plus de démocratie et le partage juste et équitable des ressources du pays et non céder les immenses ressources du pays aux occidentaux. Les coups d’Etat successifs qui ont eu lieu dans le continent révèlent ce besoin de démocratie et de transparence, mais sonne surtout la fin de l’hégémonie occidentale dans le continent.
Après le Niger, le Burkina Faso, la Guinée, le Mali et le Tchad, tous d’anciennes colonies françaises, le Gabon est devenu le dernier pays d’Afrique à être pris en main par l’armée. La dynamique des coup d’Etats montre que 78 % des 27 coups d’État en Afrique subsaharienne depuis 1990 ont eu lieu dans des États francophones. Ce constat suscite des interrogations quant à la responsabilité de la France, voire de l’héritage colonial français, dans cette situation.
Pour les putschistes, la rhétorique est la mauvaise gouvernance, l’instabilité, la corruption, et plus récemment la sécurité, le terrorisme, et le respect de la constitution. Mais pour le peuple, le responsable demeure les Occidentaux, notamment la France pour les populations des pays francophones d’Afrique, qui selon elles, encouragent les potentats à piller les ressources de leur pays. À ce titre, le colonel Abdoulaye Maiga, nommé Premier ministre par le pouvoir militaire au Mali, en septembre 2022, a vivement critiqué la France, dénonçant ses politiques néocoloniales, condescendantes, paternalistes et vengeresses. Selon M. Maiga, la France aurait renié les valeurs morales universelles et aurait trahi le Mali.
Des discours anti-français ont également été entendus au Burkina Faso, où le gouvernement militaire a mis fin à un accord autorisant les troupes françaises à opérer dans le pays, exigeant leur retrait dans un délai d’un mois. Au Niger, les allégations selon lesquelles le président Mohamed Bazoum était une marionnette des intérêts français ont été utilisées pour légitimer sa destitution, entraînant par la suite la révocation de cinq accords militaires avec la France. Ce contexte a d’ailleurs été marqué par des manifestations populaires et des attaques contre l’ambassade française.
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Les archives historiques apportent un certain soutien à ces reproches. La domination coloniale a établi des systèmes politiques conçus pour exploiter les ressources précieuses tout en utilisant des méthodes répressives pour maintenir le contrôle. Si la domination coloniale britannique a également suivi cette logique, la particularité de la France en Afrique réside dans le degré d’ingérence qu’elle a maintenu dans la politique et l’économie de ses anciens territoires après l’indépendance.
Sept des neuf États francophones d’Afrique de l’Ouest utilisent encore aujourd’hui le franc CFA, une monnaie rattachée à l’euro et garantie par la France. Cette situation est un héritage de la politique économique française envers ses anciennes colonies. De plus, la France a conclu des accords de défense qui ont entraîné des interventions militaires régulières en faveur de dirigeants pro-français impopulaires, les maintenant au pouvoir.
Des conséquences néfastes pour la démocratie africaine
Dans de nombreux cas, cette ingérence a renforcé le pouvoir de personnalités corrompues et abusives, telles que l’ancien président tchadien Idriss Déby et l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré, créant ainsi des obstacles supplémentaires à la lutte pour la démocratie. Les relations entre les dirigeants politiques français et leurs alliés africains étaient souvent marquées par la corruption, créant une élite puissante et riche au détriment des citoyens africains.
Bien que les récents gouvernements français se soient efforcés de se distancer de la Françafrique – terme utilisé pour décrire une relation néocoloniale cachée par « la criminalité secrète dans les échelons supérieurs de la politique et de l’économie françaises » – les relations problématiques entre la France, les intérêts économiques français et l’Afrique sont régulièrement rappelées, notamment par des affaires de corruption embarrassantes.
L’instabilité actuelle des États francophones ne peut être imputée exclusivement à la France. D’autres anciennes puissances coloniales ont également soutenu des dirigeants autoritaires à l’étranger. Toutefois, malgré les erreurs commises par la France, au fil des années, dans ses relations avec ses anciennes colonies africaines, sa capacité et celle d’autres États occidentaux à maintenir l’ordre dans la région se sont détériorées. Cela les rend plus vulnérables aux critiques et favorise l’émergence de coups d’État perçus comme une victoire par certains chefs militaires.