Le drame social des avortements : entre clandestinité et répression

Chaque jour, 800 femmes mettent fin à leur grossesse au Maroc, selon le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb. Mais seules 200 d’entre elles le font dans des conditions médicales sûres et légales. Les 600 autres recourent à des pratiques clandestines, qui mettent en danger leur vie et leur santé.

Le ministre a révélé ces chiffres alarmants lors d’une séance de questions orales au Parlement, le mardi 9 janvier 2024. Il a affirmé que son département lutte contre les avortements illégaux, qui constituent un problème de santé publique et de droits humains.

Le sujet de l’avortement illégal est au cœur d’un débat de société au Maroc depuis des années, qui a été relancé en septembre 2023 par le décès tragique d’une adolescente de 14 ans, suite à un avortement chirurgical clandestin.

Le cas de Meryem habitante de Boumia, dans la province de Midelt, résonne dans les mémoires. Elle était tombée enceinte après avoir été violée par un homme de son village. Sa famille, ne pouvant assumer le déshonneur, l’a conduite chez une faiseuse d’anges, qui lui a pratiqué un avortement sans aucune précaution sanitaire.

Meryem a succombé à une hémorragie interne, après avoir souffert pendant plusieurs jours. Sa mort a suscité une vague d’indignation et de compassion dans le pays, et a relancé les appels à une réforme de la loi sur l’avortement.

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La législation actuelle au Maroc est très restrictive et punit sévèrement les femmes qui avortent et les personnes qui les aident. Les femmes qui avortent encourent une peine de prison de 6 mois à 2 ans, et les personnes qui pratiquent l’avortement une peine de 1 à 5 ans.

En 2016, un projet de loi visant à élargir l’accès à l’avortement avait été présenté par le gouvernement, sous l’impulsion du professeur Chafik Chraïbi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC). Le projet prévoyait des exceptions pour les cas de grossesses à risque, de grossesses issues d’un viol ou d’un inceste, et de malformations congénitales du fœtus.

Mais le projet a été retiré après avoir rencontré l’opposition des groupes conservateurs et religieux, qui considèrent que l’avortement est un péché et un crime. Ces groupes ont organisé des manifestations et des campagnes médiatiques pour dénoncer le projet de loi, qu’ils qualifiaient d’atteinte à la morale et à la religion.

Le ministre de la Santé a déclaré que la question de l’avortement nécessite une approche globale, qui prenne en compte les aspects juridiques, mais aussi les aspects informationnels, éducatifs et préventifs. Il a indiqué que son ministère mène des campagnes de sensibilisation sur la contraception et la santé reproductive, et qu’il renforce le réseau des centres de planning familial.

Il a également affirmé que la majorité des partis politiques sont favorables à la lutte contre l’avortement illégal, mais qu’il existe des divergences sur les modalités et les conditions de cette lutte. Il a appelé à un dialogue constructif et à un consensus national sur ce sujet sensible, qui concerne la dignité et les droits des femmes marocaines.

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