Enfants addicts au virtuel : quelle génération future pour le Maroc ?
Dossier du mois
Sanae El Ouardirhi, Enseignante-chercheuse Université Ibn Tofail
Et la tendresse ? Bordel !
Au Maroc, les parents méconnaissent ou font semblant de méconnaître les méfaits de la cyberdépendance ou cyberaddiction, termes qui, à l’origine, signifiaient toute dépendance à l’ordinateur ou à l’univers informatique, mais qui sont utilisés aujourd’hui pour désigner un usage inapproprié des divers moyens offerts par Internet, notamment les jeux virtuels.
En effet, les parents marocains d’aujourd’hui, de niveau aisé, sous prétexte d’accoutumer leurs enfants aux nouvelles technologies dès leur plus jeune âge, leur offrent divers gadgets, tels que des tablettes et autres afin d’y réussir. Pour les calmer, ils leur donnent un smartphone. Pour les féliciter de leurs bonnes notes, le meilleur cadeau, celui qui exposera leur amour pour leurs enfants au vu et au su de tous, est la dernière console de jeux vidéo.
Certes, les nouvelles technologies sont devenues un outil de socialisation incontestable. Par ailleurs, les mondes virtuels permettent de développer certaines compétences cognitives des enfants et favorisent leur rapport à l’informatique, ce qui est indispensable dans le monde d’aujourd’hui.
Toutefois, il serait aberrant de croire que les nouvelles technologies qui proposent, incontestablement, de nouveaux moyens d’apprentissage, puissent remplacer la présence humaine, celle de parents aimants ou d’adultes impliqués. Car nul ne peut nier que les enfants, lorsqu’ils ne sont pas encadrés par des adultes, deviennent fragiles. À cet égard, les chiffres sont alarmants : 88% des enfants marocains utilisent internet, sans surveillance, selon les résultats d’une étude nationale. Livrés à eux-mêmes, sans contrôle sur ce qu’ils visionnent, ils sont exposés à des images pornographiques, à des contenus violents, à l’exploitation de leurs photos d’identité, souvent sans l’intervention de parents passifs ou totalement démissionnaires. Cet état de fait les incite à domestiquer des pratiques socialement inadéquates et à se les réapproprier, à force de consommation visuelle.
Par conséquent, il devient nécessaire de refaçonner nos rôles de parents et de professionnels de l’éducation, car à trop vouloir déléguer nos responsabilités à des appareils technologiques, nous perdons l’essentiel.