Le Maroc et l’alternance en douceur au Gabon 

Par Hassan Alaoui 

En attendant que le général Brice Oligui Nguéma, désormais président du Gabon par la force des choses, prête serment comme annoncé lundi prochain, les observateurs s’interrogent sur ce que sera sa politique, notamment étrangère. Maintiendrait-il le même cap que son prédécesseur ? Procèderait-il à des bouleversements profonds comme le font ses voisins, notamment à l’égard de la France ? Avec le Royaume du Maroc, quelle serait en effet l’orientation, étant donné sa proximité – à tout le moins officieuse – avec notre pays où il a vécu plus que dix ans ? 

Deux coups d’Etat en cinq semaines en Afrique, deux juntes militaires qui remplacent par la violence deux chefs d’Etat élus et se proclament les successeurs légitimes, piétinant ainsi l’ordre constitutionnel, voilà qui nous interpelle à plus d’un titre ! Nous sommes ébaudis, non seulement de la facilité par laquelle les démocraties s’écroulent, mais du silence hallucinant de la communauté internationale, qui au mieux se contente de déclarations circonstancielles et au pire exprime comme un soupir apocryphe de soulagement, les regrets le bout des lèvres. 

Nous autres Marocains, le regard rivé sur les lendemains incertains de ce putsch, retenons seulement que le général qui a pris le pouvoir, très proche et membre de la famille Bongo, Brice Oligui Nguéma a fait ses classes à l’Ecole militaire royale de Meknès qui, en l’occurrence, a formé des générations entières d’officiers africains et des élites militaires. Les réactions se multiplient un peu partout dans le monde, mais aucune ne survient officiellement du gouvernement marocain, à tout le moins quarante-huit après le coup de force. Notre pays est connu pour sa prudence et sa non précipitation, quand bien même certains s’impatienteraient pour entendre la voix du Maroc face à ce scénario inédit et vu les relations privilégiées entretenues depuis des décennies avec le Gabon. 

Il convient de dire que la non-ingérence du Royaume du Maroc dans le processus du changement en cours au Gabon n’est pas une clause de style, ni une attitude fortuite, encore moins opportuniste. Notre pays est aux côtés du Gabon, ce pays qui nous est cher avec lequel existent et se renforcent des relations plus que familiales, à la limite consanguines. Les relations fortes, intenses et privilégiées qui existaient entre le Roi Hassan II et le président Haj Omar Bongo n’avaient d’égale que leur complicité – fondée sur la raison et l’intelligence commune – sur les politiques engagées par les Etats d’Afrique et sur une vision partagée quant à la défense de la démocratie et l’émancipation des peuples. Ce n’est pas de la rhétorique, mais feu Omar Bongo, qui a dirigé pendant des décennies son pays avec une  main de fer dans un gant de velours, défendait bec et ongles la marocanité du Sahara au niveau des instances diverses, était aussi l’ami très proche du peuple marocain, il vouait une ascendante admiration pour feu Hassan II et le Roi Mohammed VI. Ses enfants et ses petits enfants portent des prénoms qui, semble-t-il, sont inspirés par sa proximité avec le Maroc qui était sa « deuxième patrie » ! La relation maroco-gabonaise est, de ce fait, quasi patrimoniale tant il est vrai que des liens profonds, consubstantiels renforcent un destin commun.

Le général d’armée qui préside à présent au destin du Gabon depuis mercredi 30 août a accompli ses études à l’Académie royale militaire de Meknes, formé dans la pure tradition des grands officiers, il a également passé dix ans à Rabat comme attaché militaire à l’ambassade du Gabon, et ce faisant constitue en quelque sorte un digne successeur et sans doute le porteur de cette tradition d’amitié avec le Maroc qui, en quelque sorte, restera aussi son pays. On ne renie jamais ses attaches ni les amitiés nouées, disons des amitiés d’armes, inscrites dans la tradition de fraternité. Le général Brice Oligui Nguéma connaît bel et bien le Maroc, ses dirigeants, son élite et son peuple. On ne doit en effet, pour notre part, que souhaiter que l’alternance lancée sous son régime devienne l’exemple pour les autres Etats voisins de restaurer l’ordre démocratique susceptible de faire renaître l’espoir pour les peuples du continent. 

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