Le Maroc et le tropisme libyen de Lamamra

Hassan Alaoui

Tandis que les commentaires vont bon train, aussi bien en Algérie qu’au Maroc et ailleurs, suite à la nomination de Ramtane Lamamra au poste de ministre bis des Affaires étrangères d’Algérie, un postulat semble déjà se poser : la volonté de cette dernière de s’impliquer plus que jamais dans certains dossiers abandonnés, de gré ou de force, par elle.

Il s’agit de la Libye, du Sahel et notamment du Mali, de l’Afrique en général , du Sahara marocain depuis toujours pièce maîtresses de tous les dispositifs d’hostilité du pouvoir algérien. Ramtane Lamamra , au faîte de sa gloire brisée a brigué en 2020 le poste de chef de la Commission des Nations unies pour la Libye. La quasi-totalité des pays arabes, dont le Maroc s’y sont fermement opposés. Il en a conçu de l’aigreur…

La Libye a constitué depuis le mois d’août 1984 un terrain privilégié et disputé de la diplomatie marocaine, depuis notamment l’arrivée impromptu à Rabat un certain mois de Ramadan du président Mouaâmar Kadhafi ( El Gueddafi) , accompagné entre autres de personnalités dont notamment Ahmed Senoussi, Ahmed Gueddaf Eddam et un certain Ali Kilani, tous trois « figures puissantes de l’ombre »…L’avion du président libyen avait atterri sur le tarmac de l’aéroport Rabat-Salé à peine quelque deux heures avant la rupture du Jeune qui a réuni ensuite le Roi Hassan II et Mouâmar Kadhafi. Sommet bilatéral d’une surprenante et grande dimension géopolitique, il finira par des accolades inédites et l’adoption – même sans texte officiel dans l’immédiat – d’une série d’accords appelés à bouleverser la scène régionale. Et parmi les décisions prises entre les deux chefs d’Etat, l’arrêt systématique et immédiat du soutien multiforme de la Libye au polisario, financier, logistique, diplomatique et militaire.

→ Lire aussi : Ramtane Lamamra, Tebboune, Chengriha ou la fixation sur le Maroc bouc émissaire

La fameuse « piste du désert », longue bande partant du sud de la Libye, traversant celui de la Tunisie, d’Algérie, de Mauritanie et débouchant sur les abords du Sahara , devenue convoi d’armes et de matériels militaires – notamment des missiles – destinés au polisario, cessa subitement d’exister. A la barbe des dirigeants algériens…Bien entendu, on était en droit de s’interroger si la promesse du leader libyen allait tenir… Si par une de ses sautes d’humeur, il n’allait pas revenir sur sa décision. Non seulement elle a été respectée stricto sensu , mais le Maroc et la Libye, dans la même foulée, signèrent en septembre 1984 un pacte, à tout le moins un acte de création de l’Union arabo-africaine qui, après avoir scellé la paix entre nos deux pays, constitua la parade aux jeux suicidaires de l’Organisation de l’unité africaine ( OUA) devenue le cheval de Troie algérien contre le Maroc et que ce dernier, non sans claquer la porte, avait  quittée en novembre de la même année…

Le Pacte portant création de l’Union arabo-africaine avait été soumis à référendum que le peuple marocain avait voté en septembre 1984 à la quasi unanimité. Il s’agissait à coup sûr d’un tournant, un coup de maître du Roi Hassan II qui, visionnaire,  sut ainsi renverser comme on dit les alliances ! Une intimité s’était créée même entre les deux pouvoirs, au point que ce furent de très proches personnalités à lui qui avaient été nommées ambassadeurs du Maroc à Tripoli. Moulay Mehdi Alaoui et Moulay Driss Alaoui, deux diplomates du sérail se sont succédé à Tripoli, donnant ainsi la mesure d’une approche de proximité, renforçant le potentiel d’une relation maroco-libyenne qui donna alors du fil à retordre aux voisins.

Le Maroc facilitateur du règlement de paix en Libye ?  

La relation maroco-libyenne ne subira , de ce fait, aucune entorse, quand bien même Hassan II, lassé des comportements de Kadhafi, dénoncera le traité sans pour autant rompre les relations bilatérales. Jusqu’au 20 octobre 2011, date de l’assassinat du leader libyen, suite à une attaque aérienne de l’OTAN, les relations bilatérales avaient été maintenues quasiment intactes. Les années de confusion qui ont suivi sa chute sanglante n’y ont rien changé non plus, le Royaume du Maroc devenant un acteur de grande importance dans le processus de réconciliation interlibyenne, un interlocuteur privilégié qui abrita successivement depuis 2015 à Skhirat et à Bouznika les rencontres entre les parties libyennes appelées à négocier le retour à la paix. Le Maroc est devenu le facilitateur du règlement de paix en Libye et la communauté internationale lui reconnaît de toute évidence ce rôle et ce statut, mettant en exergue son savoir-faire, son hospitalité et son poids sir la scène régionale et internationale. Rien ni personne, et surtout pas Ramtane Lamamra ou Angela Merkel sur le point de quitter le pouvoir , ne pourront le déloger de cette posture ni le faire dévier de cette mission de paix.

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