Le secteur agricole marocain face aux défis

A l’instar de plusieurs pays qui placent l’Agriculture au cœur de leur économie, le Maroc a, depuis son indépendance, misé sur le secteur de l’agriculture et en a fait un choix de développement eu égard aux enjeux importants que soulève ce secteur sur le plan économique, social et territorial.

Le secteur de l’Agriculture occupe une place de choix dans l’économie marocaine, et les chiffres le confirment. Avec une part de 38 % dans l’emploi total au niveau national et environ 74% en milieu rural, l’activité économique contribue à environ 13 % du PIB. Cette place de choix a été le fruit des différentes politiques mises en place. Nous pouvons ainsi citer comme exemple, le Plan Maroc Vert.

Lancé en avril 2008 par Sa Majesté le Roi, ce programme a complètement révolutionné le secteur agricole qui connaît une évolution structurelle majeure marquée par le renforcement du poids des filières agricoles à fortes productivité et valeur ajoutée (arboriculture et élevage en particulier) et par l’amélioration sensible de sa résilience au regard des aléas climatiques. Ce Plan Maroc Vert a fait ses preuves certes, mais il est arrivé à échéance en 2020. Il reste donc plusieurs défis à relever dans le secteur de l’Agriculture. Elle est supplantée par une stratégie très ambitieuse espérant consolider les acquis et devant porter à bras-le-corps les défis auxquels le secteur demeure confronté. C’est la Stratégie Génération Green 2020-2030.

Parmi les défis que cette stratégie entend porter, nous pouvons citer l’intégration intersectorielle du secteur, la mobilisation et la gestion durable des ressources énergétiques et hydriques, le renforcement de la compétitivité des produits agroalimentaires sur le marché mondial et leur repositionnement sur des marchés à fort potentiel ainsi que la consolidation de la vocation inclusive de l’agriculture marocaine en l’inscrivant dans une logique d’écosystème intégré au niveau rural. Les chantiers de cette nouvelle stratégie sont donc énormes et font de la digitalisation une urgente affaire et la Stratégie Génération Green ambitionne d’en faire un véritable moteur de croissance.

Quelle est la place de la transformation numérique dans la Stratégie Génération Green 2020-2030 ?

Lancée par S.M. le Roi Mohammed VI en février 2020, la stratégie « Génération Green 2020-2030 » a été conçue et élaborée pour la mise en œuvre de plans stratégiques sectoriels de la nouvelle génération. Cette stratégie se veut ambitieuse et pragmatique mais surtout réalisable. Elle se base sur une nouvelle vision stratégique pour le secteur agricole qui s’inscrit en convergence avec les autres chantiers structurants lancés par le Souverain. Cette stratégie de développement du secteur agricole vise à consolider les acquis des dix dernières années, tout en se basant sur deux fondements dans lesquels le digital a son rôle à jouer : la priorité à l’élément humain et la pérennité du développement agricole.

A travers l’élément humain, la SGG ambitionne de contribuer à l’émergence d’une classe moyenne agricole, de dynamiser la jeunesse rurale, de développer le capital humain et de structurer davantage les agriculteurs autour d’organisations agricoles performantes. L’essor de l’élément humain est en effet une condition sine qua non de la poursuite de la modernisation du secteur et de la consolidation des acquis.

A travers son deuxième fondement qui est la pérennité du développement agricole, la SGG vise à consolider les acquis du Plan Maroc Vert, tout en faisant un saut qualitatif et technologique, à travers des actions spécifiques sur les filières agricoles, les chaînes de distribution, la qualité et l’innovation, ainsi qu’en matière de préservation des ressources naturelles et de renforcement de la résilience du secteur. Promouvoir la compétitivité et créer les richesses constituent les garants de la croissance économique et sociale.

Lors d’une journée d’étude sur l’agriculture de précision dans l’Agropole de Berkane, qui s’inscrit dans la démarche d’innovation et de développement digitale que connaît le secteur agricole dans le cadre de la stratégie Génération Green, le ministre de l’Agriculture a déclaré dans son mot d’ouverture que « la transformation numérique est l’un des piliers de la stratégie Génération Green 2020-2030, qui prévoit de connecter pas moins de 2 millions d’agriculteurs à des plateformes de services digitaux ». Il a également souligné que la transformation digitale permettra le développement du secteur agricole en termes de méthodes de travail et de production (Systèmes de contrôle à distance et rationalisation de l’utilisation des intrants).

En effet, selon le ministre « cette modernisation de l’agriculture à travers le digital est portée par la génération green qui ambitionne d’atteindre une agriculture 4.0 attractive pour l’investissement, les jeunes et où l’utilisation de la technologie est vaste, allant des technologies à large utilisation à des techniques de pointe, jetant les bases de l’agriculture de précision ». Il s’agit selon lui de « poursuivre la dynamique de modernisation de l’agriculture enclenchée par le Plan Maroc Vert et aujourd’hui portée par la Génération Green ».

Toujours selon le ministre, à travers la transformation numérique du secteur agricole, la stratégie ambitionne de renforcer les capacités des agriculteurs, d’accompagner les opérateurs et intervenants du secteur à travers des outils nécessaires, en termes de technologies de pointe afin d’orienter l’évolution du secteur dans les modes de travail et de production, et de faire face aux différents enjeux. Ainsi les partenariats seront encouragés avec le secteur privé, notamment les startups technologiques, en vue de vulgariser les outils et les instruments auprès des agriculteurs et des opérateurs.

Selon l’étude de la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) publiée en 2019, cette évolution vers une agriculture de précision, renforcée par les nouveaux outils d’aide à la prise de décision pour les agriculteurs via internet mobile (pouvant accroître la productivité et les revenus de l’exploitant12 de 20% à 30%), permettent, d’une part, de diminuer les risques en répondant aux divers problèmes à temps (manque d’eau, de pesticide), et d’autre part, d’instaurer une surveillance automatisée en renforçant la performance à la fois économique et environnementale et en contribuant, ainsi, à l’amélioration de la compétitivité des filières.

Aujourd’hui, le diagnostic est fait, le secteur agricole peut se targuer d’avoir une stratégie ambitieuse capable de porter efficacement ses défis et de réaliser les objectifs fixés. Celle-ci place le digital au cœur de sa politique pour faire de l’agriculture un véritable levier de développement économique, inclusif et durable. Il est dès lors légitime de s’interroger sur les différentes initiatives prises par les intervenants publics ou privés.

Les limites de la digitalisation de l’agriculture au Maroc

Les limites liées à la transformation numérique de l’agriculture ne concernent pas spécifiquement le secteur agricole. Globalement, la transformation numérique en Afrique est un problème humain et culturel. « Il n’y a de transformation digitale que d’Homme » selon Ahmed ABRIANE, Enseignant-chercheur, Université Ibn Zohr, d’Agadir. Cette pensée souligne l’importance de l’humain dans tout processus de changement ou de transformation. Or en Afrique, le problème relève surtout d’un manque de ressources humaines compétentes dans certains secteurs reflétant le taux élevé d’analphabétisme surtout en milieu rural. Selon le ministre de l’Agriculture, « parmi les facteurs pouvant constituer des contraintes à la transformation digitale, on peut citer le taux élevé d’analphabétisme en milieu rural parmi les agriculteurs, l’infrastructure d’accès à l’Internet et des objets connectés dans le monde rural ».

Autre difficulté pouvant ralentir la transformation numérique, c’est les contraintes réglementaires liées à l’usage de certains outils tels que les drones et les objets connectés qu’il va falloir désormais rectifier.
L’Agriculture digitale a certes de meilleurs lendemains au Maroc et en Afrique en général grâce à une prise de conscience des dirigeants et de tous les intervenants du secteur, mais c’est surtout en s’appuyant sur l’humain qu’elle aura plus de réussite et de succès. Le gouvernement marocain l’a bien compris et s’appuie désormais sur sa très ambitieuse Stratégie Green Génération pour faire de l’Agriculture digitale un véritable levier de développement économique, social, durable, inclusif et donc HUMAIN.

L’écosystème des startups AgriTech au Maroc présente des opportunités d’innovation dans le secteur de l’agriculture.

L’utilisation d’un drone sur une exploitation agricole permet un agriculture de précision surtout pour l’épandage des pesticides.

ADA
S’inscrivant dans une logique de développement de la filière agricole, l’ADA a lancé, en mars 2022, la première vitrine digitale dédiée à la promotion des produits du terroir marocain, issus des coopératives des différentes régions du Maroc. Il s’agit d’une initiative qui s’inscrit dans le cadre des activités du ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, visant le développement du secteur des produits du terroir et la facilitation de leur accès aux marchés de la distribution moderne nationaux et internationaux. « Sûre, rapide et efficace, cette vitrine digitale a été conçue en trois langues (arabe, français et anglais) pour faciliter l’accès au monde du terroir en répondant aux différents besoins en un simple clic aussi bien sur ordinateur que sur smartphone. Le lancement de cette e-vitrine ainsi que toutes les actualités des produits du terroir marocain, seront diffusés sur les pages Facebook et Instagram « Terroir du Maroc By ADA », assure l’ADA…

COSUMAR
Quant au groupe Cosumar, c’est en 2019 qu’il a lancé son programme « Attaissir » qui est une solution digitale conçue par ses propres équipes et une start-up marocaine. Selon les responsables du groupe, cette solution numérique innovante pour accélérer l’amélioration des performances globales de l’amont agricole, un maillon essentiel dans la chaîne de valeur de la filière sucrière, est destinée à 80.000 agriculteurs producteurs de betteraves et canne à sucre et à l’ensemble de ses partenaires agricoles.

Les process amont de culture et de récolte de la plante sucrière sont digitalisés, facilitant le pilotage des étapes clés des cultures des quelques agriculteurs partenaires stratégiques de Cosumar qui cultivent et fournissent les plantes sucrières d’où est extrait le sucre consommé au Maroc.

CREDIT AGRICOLE
En effet, le Groupe Crédit Agricole, leader du secteur bancaire dans le monde rural a, depuis quelques années, fait du numérique un principal levier de croissance pour l’émergence d’un système d’agriculture numérique avec une meilleure inclusion financière. Ainsi, le groupe s’appuie sur sa stratégie digitale pour lancer plusieurs solutions digitales afin d’offrir aux agriculteurs des produits et applications novateurs, pour fluidifier leurs transactions financières et œuvrer efficacement pour la digitalisation des chaînes de valeur et de l’écosystème agricole. Nous pouvons citer la solution «Imtiazat-e» en exemple.

En effet, dans sa volonté de faciliter aux agriculteurs l’accès aux services bancaires et d’assurer l’inclusion financière des populations rurales grâce à sa stratégie digitale, le Crédit Agricole du Maroc et la société d’Etat chargée de l’approvisionnement du pays en semences et autres intrants agricoles, la SONACOS, ont mis au point un service de paiement digital à travers l’appli mobile «Imtiazat-e». Ce nouveau service de mobile payement a été lancé pour digitaliser le parcours bancaire des agriculteurs en leur permettant de régler avec beaucoup de facilité leurs achats des intrants agricoles effectués auprès des Centres Régionaux de la SONACOS. Téléchargeable sur Google Play et installée directement sur le téléphone portable, l’application permet aux agriculteurs de gérer leurs activités à tout moment et en toute autonomie.

« Cette solution est un parcours 100% digital dédié à la filière céréalière et permettant aux clients de disposer de leurs semences en quelques minutes de façon rapide et sécurisée », se félicitent les équipes de Tariq Sijilmassi, président de la banque.

Des initiatives portées par le public et le privé offrent à l’agriculture du Maroc un tout autre visage, celui de la modernité. Elles permettront donc à long terme de révolutionner complètement le secteur et seront d’un grand soutien pour permettre à la stratégie Green Génération de réussir ses objectifs : l’émergence d’une classe moyenne agricole et la pérennité du développement agricole. Cependant, il faut tout de même noter qu’il existe quelques freins liés à la digitalisation de l’agriculture.

OCP
Le groupe OCP, partenaire historique de l’Agriculture, a lancé en 2018 Al Moutmir, une offre multiservices comprenant des solutions innovantes et personnalisées pour mieux accompagner les agriculteurs et surtout les petits. Cette initiative est axée sur la promotion des meilleures pratiques agricoles, techniques et de gouvernance, et en particulier la fertilisation raisonnée comme véritable levier pour améliorer la productivité et préserver les ressources naturelles. Al Moutmir comprend des produits et solutions best in class, des services de vulgarisation agricole (analyses de sols, formations, plateformes de démonstration, suivi et accompagnement, etc.), des solutions technologiques «user friendly» ainsi qu’un programme de renforcement de capacités en faveur des agriculteurs, des femmes rurales, des coopératives et des jeunes leaders.

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