LÉGISLATIVES 2016: Qui croit encore au PJD ?

Le Parti de la Justice et du Développement (PJD) réussira-t-il à rééditer son exploit du 25 novembre 2011 ? Son secrétaire général, Abdelilah Benkirane, peut-il prétendre à un deuxième mandat à la tête du gouverne­ment ? La réponse à ces deux questions est «oui et non». En effet, tous les scénarios sont possibles dans une démocra­tie caractérisée par sa jeunesse et qui cherche encore sa voie de salut.

Le PJD, vainqueur ou perdant en 2016 ?

Oui, parce que de toutes les formations politiques, parti­cipant au gouvernement ou cantonnées dans une opposi­tion statique, le parti islamiste reste le mieux structuré, ses militants les plus disciplinés et, surtout, que leur linge sale est toujours lavé en «famille». Les discordes à l’intérieur du parti sont rarement étalées sur la voie publique. On ne badine pas avec la discipline au PJD. Les déclarations to­nitruantes sont de l’apanage du seul Secrétaire général. Les autres dirigeants sont mo­bilisés pour asseoir sur des bases solides les principes du parti. Cela parce que l’on est conscient, au sein de la forma­tion politique, que son succès est dû, dans la réalité, à deux facteurs déterminants dans toute consultation politique : le taux de participation et le degré de satisfaction ou non de l’électorat du rendement des gouvernements précédents. Dans le cas des élections lé­gislatives du 25 novembre 2011, le PJD a bénéficié d’une participation tellement faible que l’on a commencé à s’en moquer en disant que seuls ses membres sont allés aux urnes. Ajouté à cela, le ma­rasme parmi la jeunesse qui a, à sa manière, tourné le dos à la chose politique. L’autre facteur réside dans l’insatis­faction des citoyens des autres partis qui ont jusque-là géré les affaires du pays. Résultat : un vote sanction sans appel qui a permis au PJD d’obtenir le plus grand nombre de sièges à la Chambre des représentants et de présider le gouvernement actuel. Aujourd’hui, la donne n’a pas trop changé. Sauf que le parti islamiste a eu sa chance d’exercer le pouvoir. Mais, a-t-il réussi à convaincre, à pous­ser les électeurs vers un vote de confiance plutôt que vers un vote sanction ? Réponse, le 7 octobre prochain.

Que faut-il retenir du passage du PJD au gouvernement ? A-t-il tenu ses engagements ? A-t-il honoré les promesses contenues dans son programme électoral ?

Non, parce qu’apparemment la confiance placée en la for­mation islamiste s’est effri­tée, au fil des déceptions. En attendant, que faut-il retenir du passage du PJD au gou­vernement ? A-t-il tenu ses engagements ? A-t-il honoré les promesses contenues dans son programme électoral ? Des promesses qui avaient trouvé une oreille attentive auprès de l’électorat qui a fait du parti islamiste la pre­mière force politique du pays. Longtemps confiné dans l’op­position, le PJD, qui avait décliné les offres de Driss Jet­tou et Abbas El Fassi de faire partie de leurs gouvernements respectifs, était arrivé enfin au pouvoir, en novembre 2011. Et, il faut le reconnaître, dans de meilleures circonstances que ses prédécesseurs. Les dispositions de la nouvelle Constitution lui ont permis, en effet, de disposer d’une marge suffisamment confortable pour gouverner dans de bonnes conditions. Certes, le contexte économique international ne lui était pas forcément favo­rable, et être chargé dans ces conditions de présider aux destinées du pays a été même considéré comme le cadeau empoisonné de l’électorat au parti islamiste. Mais, de l’avis de certains observateurs, les ajustements prévus par la for­mation islamiste semblaient te­nir la route. A commencer par l’appel à la bonne gouvernance qui a été parmi les points es­sentiels du programme électo­ral du PJD. «Il est temps que le peuple reprenne sa place, qu’il gouverne au lieu d’être gou­verné», n’a cessé de répéter, tout au long de la campagne électorale pour ces Législa­tives de 2011, le Secrétaire général du parti, Abdelilah Benkirane. Celui-là même qui allait devenir le premier Chef du gouvernement juste après l’avènement de la nouvelle Constitution.

Entre promesses  et réalisations,  quel bilan faire ?

Après la bonne gouvernance, vient l’économie, enchaîne­ment logique dans la stratégie de développement telle que prônée par le PJD. «Une éco­nomie nationale forte, compé­titive, productive et garante de la justice sociale». Soit! C’est bien beau tout cela, mais com­ment allait-on s’y prendre?

Quel bilan faire après cinq ans de pouvoir ? Deux démarches avaient alors été proposées par les is­lamistes du PJD: davantage de taxes pour les riches et une augmentation de 40% du re­venu personnel pour les autres d’ici 2016. A quelques mois de la fin de l’échéance législative et de 2016, aucune des deux démarches n’a pu voir le jour. En somme, la ponction dans les poches des nantis pour sou­tenir les moins nantis n’a pas eu lieu. Un échec que l’opinion publique met en tête de liste des promesses non tenues du PJD. Et elles sont bien nom­breuses. Tels le contrôle du déficit budgétaire à hauteur de 3% du PIB et l’amélioration du classement du Maroc sur l’indicateur de la compétitivi­té et sur celui de la fluidité des affaires. Le PJD avait même inscrit la promotion de l’in­vestissement sur la liste de ses priorités et prévu de baisser de 50% le seuil de l’investis­sement. Et aussi d’encourager les PME en leur réservant au moins 30% des grands pro­jets publics. Mais, rien de tout cela, cinq ans après, perdus dans des polémiques stériles autour de réformes qui n’ont pas vu le jour. Sans oublier la grande promesse qui avait été, du temps des illusions de la campagne électorale, bien appréciée par le patronat tout autant que la promesse d’une baisse de la charge des impôts qui devait être limitée à 25%. Un rêve qui allait se transfor­mer en cauchemar pour les chefs d’entreprise. Pourtant, les concepteurs du programme économique du PJD avaient in­sisté sur l’engagement de leur formation à mettre en place un nouveau système financier et fiscal «efficace et inclusif» ayant pour objectif d’améliorer la compétitivité de l’économie nationale. Le PJD avait égale­ment promis d’intégrer les sec­teurs informels et de renforcer la participation des PME dans la résorption du chômage. Les islamistes sont allés jusqu’à envisager une exonération des taxes sur la valeur ajoutée pour les secteurs alimentaires et mé­dicaux. Mais encore RIEN DE TOUT CELA.

Autres promesses: atteindre un taux de croissance de 7 % en cinq ans et réduire de moi­tié la pauvreté et par consé­quent diminuer le nombre de personnes en situation de précarité. Louables ambitions en temps de campagne électo­rale ! Mais un cuisant échec et une grande déception après un mandat de cinq années à la tête du gouvernement.

Le PJD avait également promis de lutter contre la corruption pour ramener le Maroc au moins de la 85ème place qu’il occupait en 2011 à la 40ème en fin du mandat du gouvernement. Amer constat : la corruption sévit encore et peut-être même bien plus que par le passé.

Quel héritage pour le gouvernement à venir ?

La formation islamiste avait également promis de faire baisser le taux d’analphabé­tisme pour le ramener à 20% en 2015 et à 10% en 2020 et arriver à son éradication totale chez les 15-20 ans au cours des quatre années qui ont suivi leur arrivée au pouvoir. Mais, force est de constater que le PJD n’a pas tenu ses promesses. En re­vanche, il aura réussi à faire augmenter les prix des produits de consommation en augmen­tant ceux des carburants mal­gré la caisse de compensation. Après leur libéralisation qui a induit leur baisse, ceux de tous les autres produits non pétroliers ont maintenu leur escalade. Au détriment bien sûr d’un pouvoir d’achat qui ne cesse de dégringoler.

Plus encore (on devrait peut-être dire «pire encore» !), le parti de Benkirane avait pro­mis d’augmenter de 40% les revenus moyens individuels et de relever les pensions men­suelles minimales de retraite à 1.500 DH. Au lieu de cela il a imposé la retraite à 63 ans. Ainsi que des mesures dans l’emploi et la formation qui de­vaient permettre de réduire de 2% le taux de chômage. Parmi ces mesures, 100.000 bourses devaient être accordées aux jeunes diplômés et deman­deurs d’emplois pour couvrir leurs besoins en période de stage. Pour les sans-emploi, le PJD avait proposé la mise en place d’une allocation chô­mage. Le Smig devait passer à 3.000 DH avec une baisse de l’IR sur les salaires bas et moyens et une augmentation de la participation des revenus élevés. Le Parti de la justice et du développement avait éga­lement promis une meilleure répartition des richesses et une amélioration du pouvoir d’achat. Cela aurait dû se tra­duire par la mise en place d’un nouveau système de TVA basé sur l’exemption des produits alimentaires et pharmaceu­tiques essentiels, une taxation à 30% des produits de luxe et une hausse de la taxe sur les terrains non bâtis (TNB). Quant aux entreprises, elles devaient voir leur IS passé de 30 à 25% pour les TPE et à 15% pour les TPE de moins de 5 millions de DH.

Mais alors que restait-il à faire pour le PJD ? Tenir ses promesses électorales au lieu d’enfoncer le pays dans un endettement qui va en retarder, à n’en point douter, la croissance et tout le développement auquel il aspire.

Au regret d’avoir à le dire, le PJD n’a pas tenu ne serait-ce que 10 % de ses promesses électorales. Certes, ce fut le cas aussi pour les partis qui ont dirigé le pays avant lui. Mais, au moins, ils ont laissé quelque chose de palpable que les citoyens peuvent constater chaque jour. Bien des chan­tiers, et non des moindres, ont été initiés, certes sous la hou­lette de SM le Roi, mais menés à leur terme par les précédents gouvernement (autoroutes, ports, aéroports, industrie au­tomobile, aéronautique, habitat et urbanisme, tourisme, Plan Maroc Vert, énergie solaire, Ramed et AMO, INDH…). Mais alors que restait-il à faire pour le PJD ? Tenir ses promesses électorales au lieu d’enfoncer le pays dans un en­dettement qui va en retarder, à n’en point douter, la croissance et tout le développement au­quel il aspire.

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