L’endométriose: le combat solitaire de ces femmes au quotidien

Pour Imane, tout a commencé avec l’arrivée des premières menstruations, une étape si importante pour toute jeune fille. Sauf que pour elle, c’était le début de… l’enfer.

Entre les douleurs au moment du cycle, les ballonnements, les maux de tête, les troubles de sommeil, les problèmes gastriques, la fatigue chronique, la dépression, les absences au collège se sont multipliées. Motif: « indisposée ».

La prise de calmants, même les plus forts, n’a rien changé. Pas plus que les visites chez le gynécologue. Le premier n’était pas à l’écoute, puis le 2e, le 3e et le énième. Le constat est le même: “Pas de caprices! Durant les menstruations, toutes les filles ont mal”. Ou encore : “c’est juste dans ta tête!”.

Un chemin de douleurs

Au fil des années, les douleurs s’intensifient et les visites aux urgences deviennent fréquentes, tantôt pour des anti-douleurs tantôt pour des problèmes gastriques à cause des anti-inflammatoires. C’est le début d’un parcours médical long, intense et sans issue.

Entre échographie, IRM, opérations chirurgicales, Imane n’a jamais pu profiter de la vie: soit elle a des douleurs, soit elle est angoissée avant leur arrivée. Dix ans après le premier diagnostic, le verdict est tombé. On met enfin un nom à sa douleur : l’endométriose. Il s’agit d’une maladie gynécologique inflammatoire et chronique caractérisée par une présence de fragments semblables à l’endomètre, couche qui tapisse l’intérieur de l’utérus, en dehors de celui-ci.

La jeune fille est un peu confuse. Savoir que ses douleurs ne sont pas imaginaires, la rassure un peu, la réconforte même.

Une maladie fréquente, mais encore mal connue

Longtemps mal connue et largement sous-diagnostiquée, cette maladie touche près de 10% des femmes et des filles en âge de procréer à l’échelle mondiale, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Chez les femmes touchées, l’endométriose se développe de façon anormale dans le ventre, en l’occurrence le système digestif, la vessie, les ovaires, le péritoine, ce qui provoque des réactions inflammatoires chroniques, des douleurs extrêmes, des règles abondantes, voire l’infertilité lorsque les ovaires ou les trompes de Fallope sont touchées.

La cause de cette maladie reste toujours inconnue, encore moins ce qui la provoque. Pire encore : Il n’y a pas de remède, juste des médicaments, voire une ou des interventions chirurgicales pour atténuer les symptômes.

En moyenne, les patientes mettent huit ans à être diagnostiquées. Une errance médicale due à la méconnaissance de la maladie, mais aussi à un manque d’écoute de la part des praticiens.

“Mes douleurs ont commencé à l’âge de 12 ans. Quand elles sont devenues invalidantes, ma mère m’a amenée chez le gynécologue qui m’assura que je n’ai rien d’anormal et que mes douleurs allaient disparaître une fois mariée”, raconte à la MAP, Yosra, une “endogirl”, terme utilisé pour désigner les femmes souffrant d’endométriose.

“Je n’étais pas convaincue par ce diagnostic. J’ai dû changer de médecin plus de huit fois”, précise-t-elle.

Après plusieurs consultations, échographies, IRM et une cœlioscopie (une technique chirurgicale qui permet d’observer l’intérieur de la cavité abdominale ou pelvienne), le diagnostic est enfin posé: une endométriose pelvienne profonde qui touche plusieurs organes.

“J’ai subi de nombreuses opérations afin de retirer les lésions au niveau des intestins, vessie, rectum…mais le mal revenait de plus belle”, dira-t-elle, l’air accablé.

Yosra regrette d’avoir perdu beaucoup de temps et laissé sa maladie se propager. Résultat: elle n’a d’autre solution que d’être ménopausée artificiellement… à l’âge de 27 ans.

“Si seulement ma maladie avait été découverte un peu plus tôt, je pense que la situation ne serait pas si compliquée”, reprend-elle avec amertume, notant que l’endométriose n’affecte pas seulement sa santé, mais aussi sa vie professionnelle et sociale.

“Je travaillais dans une boite de communication, mais j’étais obligée de démissionner en raison d’un rythme de travail incompatible avec mes crises répétitives”, explique-t-elle.

“Mes absences se sont multipliées et je ne pouvais plus rien expliquer à mon employeur, surtout que c’est un sujet intime et un peu tabou”, confie Yosra, pour qui raconter sa vie, ses douleurs et ses angoisses dans le milieu du travail n’est pas chose évidente.

“J’ai dû suivre des thérapies pour pouvoir gérer la douleur, mais aussi corollairement la dépression”, signale-t-elle.

L’endométriose et le désir de grossesse

Le combat de Hanane, 35 ans, a commencé une fois son rêve d’être maman a pris du retard. “J’ai commencé à consulter une fois que la grossesse s’est fait attendre. Les médecins m’ont confirmé que je souffre d’une endométriose asymptomatique non douloureuse”.

“J’étais vraiment confuse. Certes, je m’estime chanceuse puisque je ne souffre pas physiquement de cette maladie, mais si j’avais des douleurs, j’aurais pu consulter plus tôt et limiter peut-être les dégâts”, raconte-t-elle.

“Les médecins étaient du même avis. Ne pouvant tomber enceinte naturellement, il faut nécessairement une fécondation in vitro (FIV) dont les résultats ne sont pas sûrs et le coût est largement supérieur à mes capacités financières”, indique encore Hanane, qui garde toujours espoir de caresser le rêve d’être maman.

Un diagnostic difficile et souvent tardif

Approché par la MAP, le Dr. Mamoun Meddoun, gynécologue-obstétricien, a noté que le diagnostic de cette maladie est très compliqué et prend des années pour être confirmé, car l’endométriose donne parfois des symptômes très vagues et non typiques.

“Lorsqu’une femme souffre d’endométriose, il est normal qu’elle ressent fréquemment des douleurs pendant les règles et lors des relations conjugales et parfois même en dehors de ces deux facteurs déclencheurs”, explique Dr. Meddoun.

“Le diagnostic est porté soit par l’IRM, soit en cours de coelioscopie”, précise-t-il, assurant que l’échographie peut aussi aider au diagnostic mais avec moins d’efficacité.

Selon lui, le traitement repose sur la prescription de médicaments destinés à bloquer la production d’hormones féminines, et sur la chirurgie visant à enlever les lésions.

“Le traitement varie selon les organes affectés par les fragments d’endomètre présents dans l’abdomen et il est adapté à chaque cas et peut donc varier considérablement entre les patientes”, a-t-il expliqué, soulignant que la prise en charge de l’endométriose doit être faite par des équipes pluridisciplinaires et doit être individualisée en fonction des symptômes et des attentes des patientes.

Outre les médicaments antalgiques pour soulager les symptômes douloureux, le médecin peut prescrire un traitement hormonal destiné à réduire le taux d’estrogènes dans le sang, afin de bloquer la prolifération et le saignement des lésions d’endométriose.

Lorsque la patiente n’exprime pas de désir de grossesse, le traitement repose sur un traitement hormonal par contraception œstro-progestative (pilule qui sera prise sans arrêt entre les plaquettes) ou par la pose d’un stérilet hormonal délivrant du lévonorgestrel.

Si l’endométriose est sévère et le traitement médicamenteux insuffisant, ou si les lésions entraînent une infertilité ou des conséquences potentiellement graves, il peut être nécessaire d’enlever les kystes et les adhérences provoquées par les fragments d’endomètre présents dans la cavité abdominale.

Le traitement chirurgical de l’endométriose peut être “conservateur”, lorsque les lésions sont éliminées sans enlever d’organe, ou “total”, lorsque le chirurgien enlève l’utérus et les ovaires.

Seule la chirurgie totale guérit définitivement l’endométriose. Après une chirurgie conservatrice, des récidives sont possibles en quelques mois ou quelques années, jusqu’à la ménopause.

Des groupes de soutien pour combattre la maladie

Plongée dans la solitude et la dépression, Salma, une endogirl, découvre des blogs et des groupes Facebook où des femmes, comme elle, atteinte d’endométriose, partagent leur souffrance, leur quotidien et leur combat.

“Je lisais ces stories. Certaines me plongeaient davantage dans la déprime et certaines me donnaient l’espoir de vivre une féminité épanouie”, raconte la jeune femme, larguée par son mari qui ne supportait plus les effets de sa maladie sur son quotidien.

“Grâce à ces pages, j’ai appris à vivre avec l’endométriose qui nécessite un régime de vie un peu spécial : pas de stress, plus de relaxation, une alimentation anti-inflammatoire…J’ai appris à écouter mon corps pour pouvoir détecter ce qui déclenche davantage mes crises. J’ai commencé un régime alimentaire anti-inflammatoire et sans gluten et j’essaye de pratiquer le Yoga”, dira-t-elle.

Dans leur combat contre cette maladie, ces “endogirls” cherchent à améliorer le temps de diagnostic, sensibiliser le grand public à cette pathologie et faciliter la prise en charge des personnes touchées.

“Plus la maladie est détectée très tôt, plus les possibilités de traitements et de solutions pour lutter contre l’infertilité sont élevées”, indique à la MAP une admin d’un groupe facebook.

“Les endogirls font un travail essentiel qui, en complément du traitement médical, permettra peut-être d’améliorer le quotidien des femmes atteintes d’endométriose”, précise-t-elle, notant que sur le groupe, les endogirls partagent les contacts des médecins et spécialistes, ainsi que les bonnes pratiques pour vivre au quotidien avec l’endométriose.

Trouver une oreille attentive, des adresses de médecins et de gynécologues de confiance, ainsi que des indications pratiques est essentiel pour briser l’omerta qui règne encore sur un sujet quasi-tabou.

Sur le pied de guerre, ces “endogirls”, qui font face à un quotidien ponctué par la douleur et l’inconnu, défient leur destin et persévèrent pour gagner un combat de vie.

Avec MAP

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