Les Algériens marchent contre le cinquième mandat
Face à l’entêtement des partisans du cinquième mandat à réussir le passage en force de leur candidat, Abdelaziz Bouteflika, lors de l’élection présidentielle du 18 avril prochain, la réponse des Algériens fut immédiate et on ne peut plus claire. Ils n’ont pas tardé à faire entendre leur voix à qui veut bien les entendre et, cette fois-ci, dans la rue.
En effet, depuis l’annonce officielle de la volonté de l’actuel locataire du palais d’El Mouradia de briguer un 5e mandat, plusieurs manifestations ont été organisées à travers le pays. Le mouvement a fait boule de neige à Chlef et à Alger, d’abord, à Bordj Bou-Arréridj, ensuite, avant de se propager dans d’autres contrées de l’Algérie profonde à l’image d’Oran, Annaba, Biskra, Tizi Ouzou, Batna, Oum El-Bouaghi, El-Tarf et Béjaïa.
Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue, durant le weekend, pour exprimer leur colère de ce qu’ils qualifient de « mandat de trop » du chef de l’Etat sortant.
« Non au 5e mandat », « Contre la dictature de la honte », « Le peuple veut le changement »,… sont autant de slogans scandés par les manifestants. De surcroît, plusieurs citoyens arboraient des banderoles noires en signe de deuil, une façon d’exprimer leur rejet catégorique de « l’option du 5e mandat imposée par ceux qui veulent maintenir le statu quo ».
A vrai dire, la campagne contre le cinquième mandat a commencé il y de longs mois, bien avant l’annonce officielle de la candidature de Bouteflika. C’est dans les stades que les supporter de certains clubs chauffés à bloc ont commencé à chanter en chœur des refrains appris par cœur.
Devenus des terrains d’expression libre, les stades ont été gagnés aussi par la fièvre anti-5e mandat et où les supporters expriment, à leur manière, leur rejet du statu quo et crient leur rage contre le chômage, la mal-vie et l’injustice qu’ils dénoncent à travers leurs chants.
Même les réseaux sociaux ont été mis à contribution par les citoyens pour appeler à des manifestations dans les 48 wilayas du pays, le 22 février courant, exprimant de la sorte l’opposition à la démarche des tenants du pouvoir, tendant à imposer un mandat à vie pour le chef de l’Etat.
Ces grandioses marches organisées un peu partout en Algérie, où des centaines de milliers de citoyens, en majorité des jeunes, ont battu le pavé pour exprimer ce qu’ils pensent « le coup de force qui se prépare », constituent, si besoin est, une réponse cinglante de la population au verrouillage des espaces d’expression et de débat et par l’entretien d’un certain niveau de violence dans la société, au point que la seule manière pour la population de se faire entendre est le recours à la rue.
Elles renseignent aussi que l’atmosphère politique dans le pays devient de plus en plus intenable.
Conscients du danger que représente le recours de la population à la rue pour exprimer son ras-le-bol, plusieurs personnalités et leaders de partis politique ont mis en garde contre les provocations et la répression contre des citoyens qui manifestent les mains nues.
C’est le cas du parti de Mohcine Belabbas, le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) qui considère que « face à l’aveuglement et aux provocations orchestrées par les sponsors d’un statut quo mortifère pour le pays et à l’embrigadement ou le musellement des partis politiques et des organisations », les populations « n’ont d’autre choix pour s’opposer à un système de soumission et d’humiliation que la rue ».
Le RCD, qui a appelé au boycott du scrutin du 18 avril, exprime ainsi ses vives inquiétudes et dénonce « la remise en selle récurrente et grossière de la formule éculée des ‘ennemis de l’intérieur' ».
Dans ce même ordre d’idées, Louisa Hanoune, Secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT) dira que « la candidature officielle du président Bouteflika est une confirmation claire qu’il s’agit d’une crise mortelle du régime et non celle d’hommes », expliquant que pour les partisans de ce système, le moindre changement, même celui du candidat, peut détruire l’équilibre très précaire entre les forces en présence à l’intérieur du même système.
D’autres encore estiment que si les Algériens sont descendus dans la rue pour exprimer de manière aussi franche et directe leur rejet du cinquième mandat, c’est qu’ils sont profondément conscients des limites atteintes par un système qui a brûlé toutes ses cartes et n’entrevoit aucune solution à la crise multidimensionnelle dont laquelle s’engouffre l’Algérie.