Les électeurs brésiliens appelés dimanche aux urnes pour choisir leur président
Près de 147 millions d’électeurs brésiliens sont appelés dimanche aux urnes pour choisir leur président à l’issue d’une campagne électorale des plus inédites, ayant propulsé un candidat d’extrême-droite aux devants de la scène politique par un jeu de circonstances des plus inattendus.
Selon un sondage publié jeudi soir par l’institut Datafolha, Jair Bolsonaro, le candidat du parti social libéral (PSL), considéré comme un ovni de la scène politique par rapport aux partis traditionnels comme le Parti des travailleurs (gauche, PT), le Mouvement démocratique brésilien (MDB, centre) ou le Parti de social-démocratie brésilienne (PSDB), a de grandes chances de l’emporter avec près de 39% des intentions de vote pour le premier tour.
Son principal rival Fernando Haddad, remplaçant de l’ex-président Luis Inacio Lula da Silva, le cacique du PT qui a vu sa candidature invalidée en vertu de la loi Ficha Limpa, laquelle interdit à toute personne condamnée en appel de se présenter aux élections, suit le pas avec 25% des intentions de vote.
D’après ce même sondage, le candidat travailliste Ciro Gomes est crédité de 13% des intentions de vote, tandis que Geraldo Alckmin (PSDB) obtiendrait 9% des votes au premier tour et l’environnementaliste Marina Silva, qui brigue un mandat présidentiel pour le troisième fois, est créditée de 4%.
Ces résultats auraient été inconcevables, il y a juste quatre ans, où une coalition politique bien choisie, le temps de passage à la télévision, des fonds adéquats et une bonne campagne de communication bien rémunérée étaient les ingrédients d’une campagne réussie.
La campagne électorale de cette année a bouleversé les paramètres des élections présidentielles dont le Brésil a l’habitude, en raison notamment de l’usure de la classe politique, affaiblie par les répercussions de l’enquête Lava Jato sur un vaste réseau de corruption ayant gangréné le pays, ce qui a permis de renforcer la popularité des candidats identifiés comme des « outsiders » tel le député Bolsonaro, un vétéran de l’armée aux vues bien arrêtées sur les femmes, le port des armes et les bienfaits de la dictature militaire.
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Aussi, le soutien affiché à Bolsonaro, victime début septembre d’une tentative d’assassinat à l’arme blanche lors d’un bain de foule dans l’Etat du Minas Gerais, a démontré qu’une partie de la population associe désormais l’armée à la garantie de l’ordre public.
Selon Carlos Caicedo du bureau d’étude de risques « IHS Markit », un organe comptant plus de 5.000 experts spécialisés dans divers domaines, « le soutien croissant à Bolsonaro s’explique aussi par ses positions musclées contre le crime et la corruption, qui sont les principales priorités de l’électorat brésilien ».
Le discrédit des hommes politiques conservateurs et de gauche explique le nombre sans précédent d’électeurs qui disent vouloir voter blanc ou nul. Quelques jours avant la tenue du premier tour, près de 11% des électeurs, selon un sondage Ibope, voteront blanc ou nul, le record de cette même période étant de 7%, enregistré lors de l’élection de 1998.
Par ailleurs, le recours au réseaux sociaux lors de la campagne électorale a battu tous les records, d’autant plus que 68% des électeurs possèdent un compte dans au moins un réseau social et que ce pourcentage atteint 93% auprès des jeunes.
Le candidat Bolsonaro a particulièrement bénéficié de la campagne électorale virtuelle comme en témoigne l’augmentation du nombre de ses « followers » sur la toile, qui ont dépassé les 12 millions, le plus grand nombre parmi les candidats à la présidentielle.
La campagne a été dominée par deux préoccupations que partagent la plupart des Brésiliens, à savoir la lutte contre la corruption, à l’origine du désordre politique actuel, et la crise économique dont le pays n’arrive pas à sortir.
Mais les candidats ont été peu loquaces sur la manière de combattre ces deux maux, même au cours du dernier débat électoral, qui s’est déroulé jeudi soir.
Ainsi, les candidats participants ont critiqué l’absence de Bolsonaro à ce débat et ont présenté leurs vues sur des thèmes comme la réforme du travail, la santé, les infrastructures, l’agro-industrie, l’environnement et le contrôle des drogues.
Pour pouvoir remporter les élections présidentielles dès le premier tour, les candidats à la présidentielles sont tenus de remporter 50%+1 des suffrages, un cas de figure à écarter, selon les sondages des instituts de datafolha et d’Ibope, lesquels s’attendent à la tenue d’un deuxième tour, le 28 octobre prochain, pour départager les deux candidats favoris Bolsonaro et Haddad.
Le dernier sondage mené, mercredi et jeudi par l’institut Datafolha auprès de 10.930 électeurs, donne Bolsonaro vainqueur au deuxième tour avec une courte marge (44% contre 43% pour Haddad), mais il faudra toutefois compter avec les électeurs ayant choisi de voter blanc ou nul (10%), lesquels pourraient changer la donne le 28 octobre prochain.
En plus de choisir le président de la République et son vice-président, les électeurs brésiliens voteront également dimanche pour renouveler l’intégralité des 513 sièges de la chambre des députés et les deux tiers des 81 sièges du Sénat.
Aussi, ils devront élire les gouverneurs et assemblées législatives des 26 États et de la capitale, dans un pays où le vote est obligatoire pour les citoyens de 18 à 70 ans et facultatif pour les personnes analphabètes. Le président élu sera investi le 1er janvier prochain pour un mandat de quatre ans.
En attendant les résultats des élections générales du 7 octobre, le Brésil est à la croisée des chemins en ce sens qu’un vote pour la gauche signifierait un retour du PT au pouvoir après la fin abrupte de l’ère Dilma Rousseff, destituée en 2016 pour maquillage de comptes publics. Un vote pour la droite signifierait, lui, que le pays est résolument décidé à opérer le virage politique à droite adopté par une bonne partie des pays sud-américains.