Les Marocains du monde et la nouvelle stratégie industrielle nationale

Par Hachim FADILI (*)

Le 26 janvier 2024, a été organisée par le ministère de l’Industrie et du Commerce et le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), une journée d’échange et de réflexion avec des Marocains du monde, dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle stratégie industrielle du Maroc à l’horizon 2030.

Cette journée de concertation avait entre autres pour objectifs :

  • d’enrichir le projet de la nouvelle stratégie industrielle nationale à l’horizon 2030 par l’apport d’idées et pistes à explorer ;
  • de définir un cadre d’échange permettant de poursuivre l’implication des Marocains du monde dans les futures phases de déploiement de la stratégie ;
  • de suggérer une grille d’indicateurs d’attractivité (économiques et non économiques) des compétences et talents dans le domaine de l’industrie au Maroc comparativement à d’autres pays.

Un contexte marqué par les compétences des Marocains du monde

En son allocution d’ouverture, le Président du CCME, Monsieur Driss El Yazami, a évoqué les mutations de la population marocaine à l’étranger, avec l’évolution de son degré académique d’une part (1/5ème est titulaire d’un bac + 6) et sa féminisation d’autre part. Il a retracé les politiques de mobilisation des compétences avec entre autres l’évaluation des programmes-nouveautés. Avec des interrogations en guise de prospective : comment assurer la durabilité des programmes et comment impliquer les collectivités territoriales dans ce processus ? En tant qu’hôte de la journée, le Ministre de l’Industrie et du Commerce, Monsieur Ryad Mezzour, a rappelé que les Marocains du monde constituent un vecteur de richesses. Et d’insister sur les discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI des 20 août 2022 (à l’occasion du 69ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple) et 29 mars 2023 (message aux participants à la 1ère édition de la Journée nationale de l’industrie).

Et ce, dans le contexte de transformations du Royaume depuis l’accession au Trône du Monarque en 1999, avec entre autres les 55 accords de libre-échange signés avec 150 pays pour un marché de 2,5 milliards d’€uros, et de multiples investissements dans les infrastructures. Le tout à l’aune de la stratégie sectorielle avec le Pacte national pour l’émergence industrielle de 2009, le Plan émergence de 2015, le Plan d’Accélération Industrielle 2014-2020, dont le corollaire a été l’évolution du climat des affaires par le développement de zones industrielles et l’accroissement des compétences par les investissements.

Lire aussi : L’élaboration de quatre zones industrielles dans la région Casablanca-Settat

En mode hybride (présentiel et visio) au siège du ministère de l’Industrie et du Commerce, cette journée a réuni en provenance de quatre continents (Afrique, Amérique, Asie et Europe) d’éminentes personnes (stratèges de l’innovation, entrepreneurs, avocats, élus, étudiants, ingénieurs, investisseurs, gestionnaires de projets…), dans tous les secteurs de l’industrie – aérospatial, automobile, aviation, électrochimie, haute technologie, pharmacie, physique, robotique, start-up innovantes…

Les participants se sont exprimés dans le cadre de deux panels de réflexion articulés chacun par un modérateur :

–         Les Marocains du monde et le développement industriel du Maroc : quelle contribution possible dans le cadre de la nouvelle stratégie ?

–         Pour une contribution efficace aux objectifs de la nouvelle stratégie industrielle nationale : quels leviers d’action pour les Marocains du monde ?

Une force de proposition au service d’un Maroc émergent

Le constat que les Marocains du Monde participent activement à l’innovation, à la recherche, à la production dans le secteur industriel de leur pays de résidence, a été unanime. Qu’ils constituent depuis longue date, avec d’autres, un levier de développement et de croissance dans les pays d’accueil, a été une évidence.

Comme l’avait déjà souligné le Rapport général d’avril 2021 sur le Nouveau modèle de développement (page158), « la spécificité des MDM en tant que connecteurs du Maroc au reste du monde, constitue une grande chance à saisir. Par leur rôle de « pont » entre le marché national et les marchés internationaux, les MDM pourront aider à lever des capitaux, développer de nouveaux partenariats ou accéder à des compétences ou expertises absentes au Maroc, ou encore promouvoir des produits et services marocains. »

Qu’ils soient un vecteur réel d’expertises, de solidarités, de ressources humaines et d’investissements pour le Maroc, pouvant contribuer activement à son développement industriel, a relevé du sens commun. De manière subjective, l’intégration dans les sociétés de résidence, l’attachement identitaire au Maroc ainsi que le renforcement des liens avec le Royaume, et la citoyenneté dans les pays d’accueil ont été des problématiques partagées. De manière pragmatique, a été avancée la nécessité d’analyser les réseaux d’experts marocains du monde et leur interaction avec le Maroc, les compétences nécessaires dans les domaines industriels ciblés dans le cadre des projets gouvernementaux et de leur mise en œuvre au Maroc.

De manière objective, a été actée la nécessité de la mise en place d’institutions spécialisées dans la mobilisation et les transferts de savoirs et de compétences, de l’extension des bases de données sur les compétences expatriées, et de structures d’accompagnement de l’intégration réelle des Marocains du monde dans le processus de développement industriel au Maroc.

Vivant dans une biculture qui peut être créatrice d’un nouveau rapport managérial et d’efficacité décisionnelle, lobbies auprès des administrations pouvant assurer des relais, aptes à assurer la Recherche et le Développement et à soutenir une fonction d’encadrement auprès des chefs de PME au Maroc, les Marocains du monde disposent d’innombrables atouts devant être jugulés par une politique publique structurée avec des considérations aussi concrètes que pragmatiques.

Tel a été le sens voulu de cette dense journée dite de concertation, qui a été de rechercher un consensus en vue de l’exécution d’un projet commun, à savoir la stratégie industrielle sous Haute Instruction Royale. Gageons que cette dynamique se concrétise dans l’intérêt collectif marocain en cette période de profondes mutations et turbulences tant régionales qu’internationales, afin que le Royaume occupe un rôle croissant entre les quatre principaux continents, considérant l’affichage du Maroc d’une position plus forte et plus solide.

Une exigence à la hauteur des défis et du rayonnement du Maroc

En son discours adressé à la Nation à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche Verte, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a souhaité que « la façade atlantique devienne un haut lieu de communion humaine, un pôle d’intégration économique, un foyer de rayonnement continental et international. »

C’est dans ce cadre qu’évolue le projet stratégique du gazoduc Maroc-Nigéria. Et c’est dans cette dynamique concrète que le Monarque a lancé l’initiative Atlantique afin de donner aux Etats du Sahel un accès à l’Océan par la mise à la disposition des quatre pays de la région, des infrastructures routières, portuaires et ferroviaires. L’enjeu est immense – consolidation de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité partagée de la bande atlantique africaine et rayonnement international des Provinces du Sud. Dans ce contexte, les Marocains du monde constituent une ressource intarissable qui doit être appréhendée hors prisme réducteur de l’investissement. Aussi, nous appelons de nos vœux que des journées de concertation se multiplient avec la participation active du CCME dans des domaines aussi fondamentaux que la recherche et développement, l’agriculture et la pêche, le tourisme et l’artisanat, l’énergie, les mines et l’environnement, la culture et la jeunesse.

Les grandes échéances de 2025, les Objectifs de Développement Durable (ODD) ainsi que la prospective 2035 du Nouveau Modèle de Développement relatifs à la jeunesse, au digital et à l’économie verte au niveau national, ainsi que l’horizon 2030 avec rien de moins que la co-organisation de la coupe du monde de football, posent une exigence : un appel à ce potentiel aussi riche que pluriel que sont les Marocains du monde, qui doit être appréhendé avec une vision claire et une méthode appliquée de concertation et d’intégration.

(*) Hachim FADILI Avocat au barreau de Paris 

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