Les perspectives de dignité après le séisme sous la loupe d’experts à Rabat

Les perspectives de dignité après le séisme ont été au cœur des débats, à l’occasion de l’ouverture, samedi à Rabat, des travaux d’une journée d’étude initiée par l’Académie du Royaume du Maroc, sous le thème « Reconstruire, réparer, préparer: après la catastrophe, ouvrir un nouvel horizon de dignité ».

Dans une allocution d’ouverture, le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, Abdeljalil Lahjomri, a mis en avant les initiatives solidaires spontanées, les sacrifices et la générosité manifestés par les Marocains pour venir en aide aux populations sinistrées, relevant que cette rencontre scientifique, qui s’inscrit dans le cadre de la poursuite de la mobilisation tous azimuts, vise à initier le débat sur les horizons de dignité post-séisme afin d’identifier des possibilités d’actions à venir.

« Le tremblement de terre d’Al Haouz est, selon les sismologues, l’un des séismes les plus violents jamais enregistrés au Maroc, constituant un événement exceptionnel dans cette région montagneuse caractérisée par son relief escarpé et ses habitations ancrées dans une tradition architecturale séculaire », a souligné M. Lahjomri, plaidant pour une focalisation de la réflexion sur les mécanismes collectifs capables de garantir la fixation des populations dans les terroirs, qui sont les leurs, tout en prenant acte de la richesse d’un patrimoine immatériel fragilisé par le séisme et ses répliques.

Rappelant que les catastrophes naturelles constituent toujours un défi intellectuel pour les philosophes, les écrivains et les scientifiques, M. Lahjomri a soutenu que toute réflexion sur une telle catastrophe, quelle que soit sa nature, peut nous orienter vers la reconstruction de la société et des relations sociales, favorisant ainsi l’adoption d’une sagesse philosophique environnementale dotée de ses propres principes moraux.

« Le Maroc, sous la conduite éclairée de SM le Roi Mohammed VI, se présente de nouveau au monde en tant qu’instigateur d’initiatives qui consolident la notion de solidarité lors de la gestion des crises, mobilisant les ressources de manière spontanée, sage et efficace », a-t-il poursuivi, ajoutant que l’approche adoptée par le Royaume à cet effet s’inscrit dans la continuité de la mise en œuvre du nouveau modèle de développement, désormais une feuille de route visant à concrétiser un développement durable tout en préservant les traditions, le patrimoine culturel et le mode de vie propres à chaque région du pays.

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Dans une allocution similaire, le Secrétaire perpétuel de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques, Omar Fassi-Fehri a souligné que le choix du thème de cette rencontre scientifique est amplement justifié par la nécessité de mobiliser tous les moyens avec efficacité et célérité, notamment en prenant des mesures pour reconstruire un habitat digne, en harmonie avec le patrimoine de la région et en respectant les caractéristiques architecturales inhérentes ainsi que les us et coutumes des populations sinistrées.

« Le séisme d’Al Haouz nous rappelle l’urgence de mettre à jour nos connaissances en géologie, géophysique, sismologie et géotechnique pour toutes les zones à risque sismique dans notre pays », a-t-il fait observer, appelant à l’application de normes de construction strictes.

Bien que la prédiction exacte des séismes demeure un défi, la communauté scientifique s’efforce de mettre au point des modèles et des méthodes visant à estimer les probabilités de séismes dans des régions spécifiques, a-t-il ajouté, appelant à privilégier la recherche scientifique dans ce domaine en vue de renforcer les infrastructures et améliorer les techniques de secours et de reconstruction post-séisme.

« En combinant ces avancées scientifiques avec une augmentation de l’effectif des géologues et des ingénieurs, une collaboration multidisciplinaire, un engagement communautaire et des investissements dans la recherche et l’éducation, nous pouvons réduire les risques sismiques, sauver des vies et protéger nos communautés », a-t-il fait valoir.

Pour sa part, Jamila El Alami, directrice du Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique (CNRST), a mis en exergue l’importance cruciale de la recherche scientifique au sein de la politique nationale de gestion des séismes au Maroc, affirmant que cette recherche contribue à une meilleure compréhension du phénomène sismique, à l’évaluation des niveaux de risque, à la promotion de mesures préventives visant à renforcer la résilience, ainsi qu’à l’amélioration de la préparation en vue d’une réponse rapide et d’une reconstruction efficace.

« Pour répondre aux défis posés par les risques sismiques, il est essentiel de consolider davantage le domaine de la géophysique et de la sismologie au Maroc », a-t-elle fait observer, précisant que cela implique le renforcement du dispositif de veille sismique, l’optimisation de la coopération entre les différentes disciplines scientifiques pertinentes, ainsi que le développement des sciences humaines et sociales pour renforcer la résilience, améliorer l’efficacité des mesures préventives et intensifier les efforts de reconstruction.

De son côté, Mustafa Lbraimi, professeur à l’Université Mohammed V de Rabat, a mis en lumière l’importance de considérer la reconstruction post-séisme dans le contexte de la modernisation de l’aménagement du territoire et de la promotion de la bonne gouvernance, soulignant également l’importance de préserver la dignité et de promouvoir la justice sociale dans les zones concernées.

Prenant la parole à son tour, l’expert en construction durable à l’École Polytechnique Fédérale de Zurich (ETH Zurich), Guillaume Habert, qui a axé son intervention sur la question des matériaux de construction et du risque sismique, a recommandé de choisir des matériaux capables de résister aux forces sismiques tout en préservant l’intégrité structurelle.

« Il est tout aussi essentiel de prendre en considération la durabilité lors de la sélection des matériaux, car cela peut réduire l’impact environnemental de la reconstruction en réduisant les émissions de carbone. En outre, cela peut renforcer la résistance à long terme de la structure », a-t-il expliqué.

Sur le même registre, l’ingénieur et enseignant-chercheur à l’École Mohammadia d’Ingénieurs, Nabil Mekaoui, a livré ses recommandations techniques pour garantir une reconstruction de bâtiments résistants aux séismes, préconisant, dans ce sens, la conformité stricte à la règlementation sismique en vigueur, la réévaluation du risque sismique dans la zone sinistrée au moyen d’amendements, ainsi que la mise en application des normes de construction pour garantir à la fois efficacité et rapidité.

A la suite de ces interventions, un débat a été lancé, où plusieurs experts et spécialistes en géophysique et sismologie ont échangé sur les moyens à même de renforcer la résilience des infrastructures face aux risques sismiques. Les intervenants ont mis en lumière l’importance de la collaboration interdisciplinaire, la nécessité de l’actualisation régulière des normes de construction parasismique, ainsi que la sensibilisation du public aux comportements sécuritaires en cas de tremblement de terre.

De plus, il a été convenu que la recherche scientifique continue à jouer un rôle central dans l’amélioration de notre compréhension des séismes et dans le développement de solutions innovantes pour prévenir les pertes humaines et matérielles en cas de catastrophes sismiques.

Avec MAP

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