L’incertitude plane sur l’avenir des livraisons de Gazprom en Europe

À neuf mois de la fin du contrat de transit du gaz entre la Russie et l’Ukraine, l’incertitude plane sur l’avenir des livraisons du géant russe Gazprom vers l’Europe, en l’absence de perspectives de négociations pour le renouvellement de l’accord.

Au total, Gazprom, qui détient les plus grandes réserves de gaz naturel au monde, a fourni environ 11,85 milliards de mètres cubes à l’Europe via l’Ukraine en 2023, contre 16,7 milliards de m3 en 2022. Or, à l’arrivée à échéance du contrat de transit de Gazprom avec l’Ukraine, fin décembre 2024, ces livraisons seront à l’arrêt.

D’un côté, l’Ukraine a exclu toute discussion sur la prolongation du contrat, conclu fin 2019 avec un volume minimum de 40 milliards de m3 par an, et ce dans le sillage de la crise russo-ukrainienne.

De l’autre, l’Union européenne, dont les besoins en gaz de ses membres sont estimés à 34 milliards de m3, a confirmé, à travers la Commission, son intention d’abandonner complètement les livraisons de Gazprom, discutant de voies d’approvisionnement alternatives avec les pays acheteurs restants.

« Je ne vais pas parler d’itinéraires alternatifs spécifiques. C’est quelque chose dont les membres discutent. Il existe de multiples façons d’accéder à des gazoducs alternatifs, qu’il s’agisse de gaz arrivant en Europe par un gazoduc ou de gaz liquéfié« , a indiqué le porte-parole de la Commission européenne, Tim McPhie, lors d’un point de presse à Bruxelles jeudi.

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« La Commission européenne coopère étroitement avec ses membres pour s’assurer qu’ils sont suffisamment préparés pour répondre à leur demande de gaz« , a-t-il fait savoir, notant que l’Autriche, la Slovaquie, la République tchèque et l’Italie comptent parmi les pays les plus dépendants de l’approvisionnement en gaz via l’Ukraine.

Selon le quotidien économique russe « Kommersant », deux options sont possibles pour la poursuite des livraisons de Gazprom, à savoir vendre du gaz via un hub en Turquie, directement ou via un swap avec l’Azerbaïdjan, ou le livrer à des entreprises européennes à la frontière avec l’Ukraine.

D’après les données de l’Autorité turque de régulation du marché de l’énergie (EPDK), la capacité libre potentielle de l’infrastructure du gazoduc reliant la Russie à la Turquie en 2023 s’élevait à 11,2 milliards de mètres cubes, soit près de 35 %. Les livraisons de Gazprom à la Turquie ont diminué de 1 %, s’élevant à 21,34 milliards de m3, tandis que la capacité totale de la première ligne du gazoduc Turkish Stream et du gazoduc Blue Stream est de 32,5 milliards de mètres cubes.

Cette capacité inutilisée pourrait potentiellement servir à approvisionner l’Europe si la Russie et la Turquie parviennent à un accord pour créer un hub gazier. Toutefois, les négociations sur la création d’un tel hub ne sont pas dans la phase active, relève le journal russe, ajoutant que l’option de la livraison de gaz à la frontière avec l’Ukraine ne fait, elle aussi, l’objet d’aucune négociation de fond.

De l’avis de Maria Belova d' »Impliment », une société russe spécialisée dans l’accompagnement à l’investissement dans les secteurs de l’énergie et des mines, le transit via l’Ukraine reste la principale option. « Dans un contexte de baisse considérable des exportations, Gazprom devrait être intéressé par la poursuite de l’approvisionnement en gaz via cet itinéraire« , a-t-elle dit.

En ce qui concerne la Turquie, des livraisons directes au pays anatolien semblent préférables que la vente de gaz via un hub turc, dont l’attractivité n’augmentera que si l’Union européenne imposait un embargo sur l’achat de gaz russe, a détaillé l’experte.

Le géant gazier russe est intéressé par la poursuite des livraisons via l’Ukraine et ce scénario est le plus réaliste avec la participation des entreprises européennes, estime, pour sa part, Sergueï Kondratiev, expert de l’Institut de l’énergie et des finances, notant toutefois que le projet pourrait ne pas être rentable en cas d’augmentation des tarifs de pompage de la part de l’Ukraine.

L’expert est également sceptique quant aux perspectives du hub turc, notamment en raison de la faible capacité des infrastructures qui ne transitent pas par l’Ukraine.

Finalement, l’avenir des livraisons de gaz russe vers l’Europe semble très incertain et dépendant à la fois des décisions européennes et turques dans le sillage du conflit russo-ukrainien, qui est entré dans sa troisième année.

Avec MAP

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