Loi de finances 2021 : le poids du contexte et les voies du salut

Écrit par : Younes Eteib

Conseiller en gouvernance territoriale et insertion socio-économique

À peine la loi de finances rectificative pour 2020 adoptée, au bout de quinze jours de débats et de travaux de commissions au niveau des deux chambres du parlement, que l’on reparle encore de loi de finances à la chambre des députés.

Cette fois, il est question de se projeter vers le futur, sans doute incertain, et d’explorer les grandes orientations qui devront guider la préparation du projet de loi de Finances pour 2021. Celle-ci devrait être élaborée par le gouvernement dans les semaines qui viennent, puis, à la rentrée politique, passer en Conseil des ministres pour être examinée et validée, avant d’être soumise au Parlement à l’ouverture de la session d’automne en octobre prochain. Nul besoin de dire que rien ne devrait avoir changé dans les éléments de lecture du contexte économique, national et international, tels qu’exposés il y a quelques jours devant les parlementaires, par Mohamed Benchaâboun, le ministre de l’Économie et des Finances.

Pire, le tableau devrait s’assombrir au vu de l’incertitude qui plane partout dans le monde, et de la vitalité d’un virus qui devenir de plus en plus virulent). Aussi, nous devons absolument cultiver l’union dans la lutte contre la COVID19, et améliorer impérativement nos performances en communication publique et politique pour aider les citoyens à y voir plus clair. Mieux, le gouvernement a intérêt à placer les relations avec les citoyens, dans les prochaines phases de gestion de crise, sous le signe de plus de participation et développer de réelles expertises et compétences pour atténuer les chocs inévitables. Ce sont là les raisons qui ont limité les résultats obtenus qui pouvaient être bien meilleurs que ceux que nous avons réussis. Sans spéculer sur les grandes orientations qui vont guider l’élaboration du prochain projet de loi des finances 2021, que le gouvernement partagera sitôt, il faut espérer que toutes les parties prenantes, majorité et opposition, acteurs économiques et sociaux, médias et citoyens soucieux de leur devenir et jaloux de celui de notre pays, prennent conscience que le virage sera très serré, et pour tenir le coup des vagues géantes de la crise économique, le jeu nécessitera un esprit collectif et harmonieux, une vision cohérente, et beaucoup d’agilité et de résilience.

Aussi, pour espérer le minimum de dégâts, la voie de salut passe, à mon sens, par :

1/ La création d’une dynamique de demande intérieure, soutenue et concentrée sur la préférence nationale tous azimuts. Tout ce qui est produit au Maroc, ou peut l’être, doit être systématiquement et spontanément préféré à toute importation. À ce propos, les citoyens doivent comprendre qu’ils ont la main pour agir dans ce sens, vu que personne ne viendrait leur reprocher le non-respect de dispositions particulières des accords de libre-échange ou de l’organisation mondiale du commerce. Le gouvernement, lui, a, par contre, une marge de manœuvre limitée à ce propos. Afin de faciliter aux citoyens ce positionnement de consommateurs patriotes, il faut agir sur les leviers de la qualité des produits et des process, de l’innovation et du design, du soutien à l’investissement, au développement et mise à niveau du capital humain, et de beaucoup de communication efficace. Sur tous ces registres, la balle est dans le camp du gouvernement et du patronat. Ils devront jouer le jeu, vite et intelligemment.

2/ Le financement de l’économie par le crédit, appelé à être rendu plus facile, plus accessible, pas cher et plus incitatif. À ce propos, les banques devront se défaire des réflexes prudentiels ancrés dans l’histoire d’une relation ambivalente avec les acteurs du marché et les investisseurs. Bank Al-Maghrib a montré l’exemple, en ramenant le taux directeur à un niveau très bas, et le GPBM est, sans doute, capable de permettre à la vague d’espoir de se décliner avec fluidité, sur tous les maillons de la chaîne de financement de l’économie, jusqu’à toucher de ses bienfaits le consommateur et l’investisseur, en bout de chaîne. Certes, des efforts ont été initiés dans ce sens. Mais, l’histoire nous a montré, à plusieurs reprises, combien le sens patriotique de certains grands patrons de banques nationales, que tout le monde saura reconnaître sans besoin de citer des noms, sont capables de marquer l’histoire avec la sagesse et l’attachement qu’ils portent aux valeurs fondamentales de notre pays.

3/ La mobilisation d’un surplus conséquent de fonds pour le budget de l’État, en puisant fiscalement, avec délicatesse, dans des niches de revenus sous-exploitées dans certains secteurs. Il ne s’agit pas d’appeler la direction générale des impôts à faire le forcing. Ce serait maladroit, inefficace et suicidaire. Le contexte impose, plutôt, le soutien à un esprit de ferveur nationale qui puise dans les valeurs et l’éthique du pilotage stratégique de la crise de la pandémie du Coronavirus par Sa Majesté le Roi. D’où le besoin que le gouvernement ouvre un dialogue avec les faiseurs de notre réalité économique donne les gages d’une probité totale dans la gestion de deniers publics, pour susciter les élans citoyens et la responsabilité sociale des entreprises nationales. Pour ce faire, on doit rebâtir la confiance, cultiver la transparence, et soutenir les champions de la citoyenneté et les patriotes.

Dans la ligne droite d’une année électorale, ces vœux paraissent utopiques. Mais, si on libère pleinement les énergies et on promeut le soutien des compétences réelles, la gestion de la crise devrait aller plus efficacement, et réduire la part de politique politicienne et de débats médiocres lors des semaines à venir. Espoir et optimisme.

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