Macron à l’ombre de Pegasus et du viol français du Sahara marocain

Par Hassan Alaoui

A avoir écouté le propos d’Emmanuel Macron lors de sa déclaration sur sa nouvelle stratégie en Afrique, faite lundi 27 février dernier à l’Elysée, on se laisse aller et emporter par sa vertueuse verve et sa logomachie. Celle de sa conviction chevillée au corps, que tout est bien finalement, ou s’arrange plutôt bien que mal. Le président français affiche l’optimisme comme un bât, quand bien même le voilier serait à même de couler et que la tempête se fait puissante voire menaçante. Sa tournée cavalière dans quatre pays d’Afrique centrale avec un tempo plus que hasardeux a tourné en boudin.

La politique africaine de la France sombrerait-elle dans les vents violents de la contestation ? Qu’à cela ne tienne, Emmanuel Macron a trouvé la parade. Il change de braquet. La présence militaire y sera maintenue à travers une nouvelle forme de coopération, peut-être plus discrète, consistant à développer la formation des élites militaires africaines, offrant matériels et technicité, tissant le fil d’une assistance sous forme d’académies ou autres filières…bref une présence sans présence dans la continuité d’une longue expérience qui ne renie jamais cette notion chère de France-Afrique…

Dans l’entrelacs des propos lancés au milieu de cette grande salle des Fêtes de l’Elysée, confronté à un parterre de journalistes conviés de tous les bords, entre fausse rhétorique gaulliste et feinte dramatisation, Macron s’est essayé au redoutable exercice d’un auto-purgatoire. Au détour il s’est fait donc le contempteur des « colporteurs » de rumeurs, l’avocat pro domo d’une amitié sans ombre avec le Roi Mohammed VI et, dans la foulée, l’impénitent réprobateur des calomnies et des coups bas contre le Maroc. Emmanuel Macron condamne les cercles qui se livrent à une campagne avérée de destruction de l’amitié entre le Maroc et la France.

Qu’à cela ne tienne ! Notre métier n’étant nullement de juger, on se hasardera néanmoins à dire que la crise maroco-française est bien partie, et pour longtemps encore. Ce n’est plus le malentendu avec ses sous-entendus et se « murmura-t-il », ce n’est pas la simple crise comme celle qu’avaient connue les deux gouvernements en octobre 1965, suite à l’enlèvement en plein Paris de Mehdi Ben Barka qui avait suscité la colère du général de Gaulle, non plus la double méfiance installée avec l’arrivée au pouvoir en mai 1981 de François Mitterrand ou celle de François Hollande en 2012…La crise n’est plus latente , elle est bel et bien installée, on serait tenté de dire : vive la crise, tant il est vrai que le flou artistique qui enveloppe cette incestueuse relation franco-marocaine voulue par Macron sur fond d’un mensonge d’Etat grotesque est d’autant plus insupportable que le Maroc n’y voit que cynisme, arrogance et tout ce qui inspire le haut-le-cœur…

La crise entre nos deux pays se radicalise, elle est au creux d’un malentendu personnel et du fait d’orgueil du président français, manipulé par ses propres services, tout à leurs basses œuvres qui soutiennent que le Maroc, je veux dire le Roi, l’Etat et notre police, l’ont placé sur écoute, lui Jupiter infaillible dont les secrets d’Alcôve seraient désormais détenus par Pegasus. Comme si la vie, publique et privée du chef d’Etat français, intéressait nos hauts responsables au point de recourir au système NSO…Mais surtout comme si le Maroc serait le seul et unique pays qui achète et mobilise Pegasus sur au moins une centaine d’autres, aux Etats-Unis, en Europe, dans le monde arabe, et en Afrique…L’accusation fallacieuse par le gouvernement français sur un usage de Pegasus par le Maroc est non seulement mensongère, mais si basse qu’elle est régulièrement démentie – preuves scientifiques à l’appui – par des experts internationaux à travers le monde.

Cela tombe sous le sens : pourquoi la vie privée de Macron et celle de ses équipes intéresseraient-elles particulièrement notre pays ? Et comment tous ceux des Etats et gouvernements qui se sont dotés du même système ne sont-ils ni mis à l’index, ni même cités par les mêmes contempteurs qui attaquent le Maroc ?

Au deux poids, deux mesures de toutes les agressions et incantations, notre pays oppose une fin de non recevoir et le silence…La justice suit son cours irréfragable et implacable, entendu par là que les preuves de son innocence s’accumulent et les procès en sorcellerie de la France se détruisent. Peu importe, en effet, ce que les services de renseignements, cette « piscine » si décriée, autrefois barricadée au boulevard Mortier et à Vincennes désormais, donnent du Maroc, entre clair-obscur et faux-vrai, et dont nous ne faisons point notre miel…L’Histoire retiendra que le président Macron, élu quasi triomphalement en 2017, réélu très difficilement en 2022 à une moins courte majorité, aura fini par détruire la complexe relation franco-marocaine ou ce qui en restait.

Et particulièrement sur cette affaire du Sahara, qui est au Maroc ce que fut l’Alsace Lorraine pour la France, il a fait le choix de l’erreur et de l’aberrance. De même qu’il a mobilisé une Commission « mémorielle » en confiant à Benjamin Stora la difficile tache de réhabilitation de l’histoire coloniale en Algérie, de même devrait-il exhumer par éthique et l’irrépressible devoir moral les archives des frontières du Royaume du Maroc, taillées arbitrairement par des officiers de l’armée française, crayon et carte à la main, dessinées selon les humeurs du moment, basculant les destins de vastes peuples, léguant pour ainsi déchirements et conflits en perspective. La guerre du Biafra, les affrontements territoriaux ailleurs ont cumulé rancœurs et obsessions, tandis que le château de Vincennes, devenu cimetière des mémoires, reste fermé, caparaçonné dans ses secrets que DGSE et autres institutions secrètes demeurent épaisses et infranchissables !

Le Maroc a le droit de revoir son histoire, de revisiter sa mémoire et la France l’obligation d’ouvrir les lourdes portes cadenassées du Secret de la République enterrées dans le Château de Vincennes où une partie significative de notre vie est figée. Comme disait Thomas Masaryk, ancien président de la République tchécoslovaque, alors menacé par l’expansionnisme de Hitler : « La vérité vaincra » ( Pravda vitézi).

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