Macron : le voyage d’Alger ou le devoir de vérité

Par Hassan Alaoui

Alors qu’elle n’avait pas encore commencé, la visite d’Emmanuel Macron de trois jours en Algérie, a suscité un invraisemblable flot de commentaires et de déclarations. Force nous est de souligner qu’ils dépassent de loin l’intérêt d’une visite – fût-elle si extraordinaire – d’un président ardemment désireux de replâtrer son aura entamée vis-à-vis des Algériens.

Loin de nous, nous le dirons d’emblée, le mauvais esprit de mettre en doute sa sincérité, encore moins de critiquer sa liberté de voyager en Algérie, de rencontrer ses dirigeants, son peuple, de signer les accords de coopération, d’engager la France sur de nouvelles voies, etc…

Il est cependant une autre donnée sur laquelle semblent revenir depuis quelques jours certains observateurs et qui constitue une séquence à tout le moins choquante si jamais elle se confirme : cette séance de travail annoncée de dénigrement du Maroc et du pseudo sabotage que notre pays aurait commis au Mali contre la France. Ainsi, le président Tebboune, flanqué de son général chamarré, Chengriha pour ne pas le citer, et des Apparatchiks du régime s’apprêteraient-ils à organiser une démonstration « preuves à l’appui » du « rôle néfaste et destructeur » du Maroc contre les efforts que la France déploie dans le Sahel pour maintenir la paix et lutter contre le terrorisme. Macron se prêterait-il à cette piteuse argutie qu’il perdrait un tant soit peu sa crédibilité ! Le pouvoir militaire algérien, poussé désormais à ses derniers retranchements, n’hésite devant aucune bassesse pour incriminer le Maroc. Macron serait-il tenté donc de prêter attention à cette cabale et, ce faisant, se discréditer vis-à-vis de l’opinion africaine, arabe, et internationale.

L’Algérie a constamment joué aux trublions dans cette partie de l’Afrique, dans ce Sahel mitoyen de ses frontières méridionales qu’elle considère comme un giron,  soupçonneuse, viscéralement portée à sa conquête. On rappellera qu’elle tente depuis des années à y jouer le gendarme sourcilleux, favorisant tantôt un clan, tantôt l’autre, montant les uns contre les autres. De guerre lasse, elle s’est même évertuée de saper les missions françaises de paix, en l’occurrence Sangaris, Serval-Epervier, et Barkhane…dont les forces ont récemment plié bagages au grand désespoir de certains dirigeants africains. Alger s’est fait forte dans les premières années de l’an 2000 de jouer les Missi dominici bruyants pour davantage récupérer le dossier que pour réconcilier les forces au Mali. D’une conférence à l’autre, elle a cru imposer sa volonté aux protagonistes maliens, perturber délibérément les processus de paix, jouer aux bons Samaritains avec une mauvaise foi caractérisée.

Les « retrouvailles » – officielles cette fois – de Macron et Tebboune inaugurent, dit-on, une ère nouvelle dans les relations passablement perturbées depuis deux ans entre les deux gouvernements. Les échanges en tête-à-tête ou élargis au niveau des ministres couvriront un large spectre de thèmes, tant il est vrai que le champ des contentieux est grands. Les questions bilatérales domineront les discussions, certes, mais n’occulteront pas les autres thèmes qui tiennent à cœur aux dirigeants algériens notamment : je veux dire le conflit du Sahara marocain qui est au pouvoir militaire d’Alger ce que la mouche est au lait, l’insondable obsession. Jusqu’à aujourd’hui encore, le gouvernement algérien ne cesse de critiquer et sa presse de mettre en garde la France à propos de sa position prétendument favorable au Maroc dans les votes du Conseil de sécurité. Membre du même Conseil de sécurité des Nations unies, la France reste en effet attachée à l’esprit des résolutions de ce dernier, autrement dit au principe irréfragable de la solution politique et de l’autonomie élargie. Cette ligne de conduite,  à quelques nuances près, n’a jamais changé depuis cinquante ans au moins, et ne semble pas déroger à la constance en la matière de la diplomatie française…

Il reste, en tout état de cause, que le contentieux du Sahara constitue aussi le résultat déplorable de la politique française au Maghreb dans les années de l’indépendance algérienne entre 1958 et 1962, lorsque Paris a tout simplement favorisé le tracé frontalier entre l’Algérie et le Maroc, imposant à notre pays une carte géographique léonine, arbitraire, l’amputant de plusieurs territoires que sont Tindouf, Bechar, Kenadssa, Touat, Tidikelt, Saoura et j’en passe. N’est-ce pas le gouvernement de cette « maudite » 4ème République française qui, en avril 1958, écrasa le soulèvement des tribus d’Aït Bâamrane au Sahara ? Emmanuel Macron ignorerait-il la dimension historique du conflit du Sahara que les archives françaises – militaires et diplomatiques – enfouies et classées au Château de Vincennes viendraient le lui rappeler, à coup sûr. Monument silencieux et témoin d’une époque, de textes, de rapports, de témoignages et de dépêches, le fonds d’archives françaises qui est déposé et classé est fourni de preuves sur la marocanité du Sahara « occidental », les territoires du sud-est marocain incorporés de facto, en violation des règles par la France à l’Algérie. Celle-ci n’a pas eu de scrupules à les récupérer, trahissant et reniant ses engagements faits à Mohammed V, ensuite à Hassan II en juillet 1961 par Farhat Abbas, président de GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne ).

On épiloguera longtemps sans résultat sur la mauvaise foi des dirigeants algériens à propos du Sahara, devenue leur constante. On n’aura de cesse de rappeler au président français la réalité historique et juridique de ce dossier sur lequel s’est prononcée en juillet 1975 la Cour internationale de justice de La Hay ou, mieux encore, sur la pertinence des 18 Résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, votées depuis avril 2007, notamment par la France, mais allégrement piétinées par Alger… Le conflit du Sahara n’a pas commencé en vérité en 1975, avec la Marche verte et la tension subséquente montée par Boumediene, lequel avait un an auparavant, avec ses ordres au DRS, crée le polisario à Zouerate en accueillant les jeunes Sahraouis d’origine marocaine. Le conflit du Sahara germait dans les petites stratégies de pacotille de ces technocrates de « l’Algérie industrialisante » des années 70, qui voyaient en celle-ci un pays puissant, une locomotive – le même fantasme que Tebboune actuellement- et dans le Maroc un « jardin de tomates pour l’Algérie » ( Dixit Belaïd Abdeslam, ci-devant ministre de l’Industrie de Boumediene).

Si tant est que l’on puisse croire que le conflit du Sahara marocain figurera dans le menu des entretiens franco-algériens – et il le sera parce que les militaires l’imposeront- la France ne changera pas d’optique. Elle nuancera sans doute la formule et les éléments de langage dans un soutien rédhibitoire à la solution politique. Depuis Georges Pompidou, en passant par Giscard d’Estaing, François Mitterrand le socialiste, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy nos meilleurs soutiens, François Hollande, et aujourd’hui Emmanuel Macron, la France, sauf changement majeur, ne cautionne pas l’aventurisme d’une tarentule et va-t-en-guerre appelé Chengriha…

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