Malgré la crise, le petit écran confirme son statut de média de masse
Depuis l’émergence de la pandémie, des records en série ont été observés pour les chaînes d’information, les journaux télévisés ou encore les émissions traitant de l’actualité. En effet, les deux chaînes du pôle audiovisuel public ont retrouvé dernièrement leur place naturelle dans le paysage médiatique, mais elles continuent de s’enfoncer dans la crise financière.
Partout dans le monde, les chaînes d’information et journaux télévisés ont vu leur audience exploser depuis le début de la crise. Alors que le monde entier est suspendu à l’évolution de la pandémie et que le confinement a eu pour conséquence de faire nettement progresser la durée d’écoute de la télévision, le petit écran confirme ainsi son statut de média de masse. C’est le cas notamment au Maroc. Par exemple, chez la SNRT, la diffusion est passée de 6.500 heures au niveau de la télévision à 30.000 heures aujourd’hui, malgré la diminution des ressources humaines, dont le nombre est passé d’environ 2.250 en 2000 à 2.000 salariés, selon les chiffres présentés par Fayçal Laâraïchi, PDG de la SNRT. Chez la SOREAD 2M, il est prévu que l’audience de la chaîne, qui est passée de 22% à 33% en 2019, connaisse une hausse significative en 2020, notant que la performance de la chaîne a conservé sa tendance haussière malgré la réduction des ressources humaines.
Si les médias traditionnels ont été quelquefois dénigrés ces derniers temps avec la prévalence des médias numériques, le regain d’intérêt pour la télévision et l’information en particulier est plus fort que jamais. Chiffres à l’appui. Les derniers résultats de CIAUMED, pour la semaine du 4 au 10 novembre, indiquent que les Marocains regardent la télé en moyenne 3 heures et 54 minutes par jour, en particulier 2M et Al Aoula, notant que les audiences de Medi1TV ne figurent pas dans ce bilan en raison de l’absence de signature de la chaîne.
Reste à connaître ce qui interpelle les Marocains particulièrement dans l’audiovisuel. Dans un rapport relatif à la mobilisation médiatique face à la pandémie, le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (CSCA) a passé en revue, du 1er mars au 30 juin, plus de 6.000 heures de diffusion de 24 services radiophoniques et télévisuels, publics et privés, durant cette crise sanitaire. Diffusé le 28 juillet, ce rapport révèle que 50% de la grille de référence quotidienne de l’ensemble des télévisions et radios marocaines a été consacrée à des contenus en rapport avec la Covid-19, rapporte la MAP. “Cette réactivité médiatique est également illustrée par la création de programmes spécifiques traitant des différents aspects de la crise pandémique. Ces nouveaux programmes ont représenté plus de 33% du volume horaire, les 77% restants étant composés des émissions habituelles programmées avant la crise”, explique l’organe de la HACA.
Pour le ministre de la Culture, de la jeunesse et des sports, Othman El Ferdaous, « Les circonstances liées à la crise sanitaire de la Covid-19 ont permis une sorte de réconciliation entre le citoyen et le champ audiovisuel national », déclare-t-il lors de la réunion de la commission de contrôle des finances publiques à la Chambre des représentants, consacrée à la présentation d’un exposé sur la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT) et la Société d’études et de réalisations audiovisuelles (SOREAD 2M). Et d’ajouter : « dans le contexte de cette crise, la valeur de l’information exacte qui va à l’adresse au citoyen a été revue à la hausse à travers la SNRT ».
Tout en rejetant la promotion d’une image stéréotypée et erronée des médias publics marocains qui restent forts et occupent une place importante dans le monde arabe et le monde, le PDG de la SNRT, Fayçal Laaraichi, a mis en avant dans le même contexte le développement continu de l’audience des chaînes publiques, totalisant aujourd’hui 51,5%. S’ajoute à cela sa présence institutionnelle via son portail numérique et son site électronique. Pour soutenir sa stratégie numérique, « la SNRT a créé une structure dédiée à la mise en œuvre de ses projets numériques (solutions numériques), offrant l’appui et l’accompagnement nécessaires pour assurer une présence électronique unique et innovante », explique le PDG de la SNRT. Dans le cadre des futurs projets de la Société, il est prévu également, le lancement de la chaîne « Arryadia Li Chabab » qui est considérée comme l’un des projets permettant aux médias publics de fournir un service aux jeunes.
Quant à la société SOREAD 2M, « la chaîne a joué un ensemble de rôles au cours de la période de la crise sanitaire, portant essentiellement sur la définition de la pandémie, l’interaction avec les questions et les préoccupations des citoyens ainsi que sur le suivi de l’applicationdes procédures des autorités gouvernementales et publiques », selon son directeur général, Salim Cheikh. En plus, la chaîne diffuse quotidiennement de 20 à 30 capsules de sensibilisation liées à la pandémie de Covid-19, qu’elles soient émises par le ministère de la Santé ou par d’autres organismes, tout en informant l’opinion publique sur les principales nouveautés et orientations institutionnelles ainsi que sur les décisions publiques en relation avec la gestion de la pandémie.
Cependant, la crise se poursuit…
Toutefois, les deux chaînes du pôle audiovisuel public continuent de s’enfoncer dans la crise financière malgré les chiffres de l’audience. En tout cas, c’est ce qui ressort du rapport sur les entreprises et les établissements publics accompagnant le projet de loi de Finances 2021. Rappelons qu’en janvier 2020, le président de la Cour des comptes avait alerté sur la situation « grave » du secteur et préconisé l’accélération du regroupement de ses composantes au sein d’un « pôle public unifié ».
Par ailleurs, la SNRT a enregistré en 2019 un résultat d’exploitation de -4 millions de dirhams et les résultats financiers et net ont été respectivement de 2 millions de dirhams et 5 millions de dirhams, selon nos confrères de Medias24. Pendant la même année, 2M a enregistré un chiffre d’affaires en diminution de 18% par rapport à 2018 et un résultat net déficitaire de -15 millions de dirhams, portant ainsi les pertes cumulées à 873 millions de dirhams pour un capital social de 359 millions de dirhams. Rappelons qu’aucun contrat programme n’a été signé depuis 2012.
Comment faire face à cette crise sociale et économique ? Le ministre El Ferdaous préconise « la réforme des établissements et des entreprises publics » qui constitue une opportunité pour le gouvernement de mettre en œuvre un certain nombre de réformes structurelles.