Manifestation massive à Alger contre la présidentielle voulue par l’armée
« Il n’y aura pas de vote! ». Une foule massive a défilé vendredi à Alger contre la présidentielle de décembre exigée par l’armée et qui ne vise selon eux qu’à maintenir au pouvoir un « système » dont ils réclament depuis sept mois la disparition.
Un cortège compact de manifestants, impossible à chiffrer en l’absence de tout comptage officiel, a rempli les rues du centre de la capitale algérienne, à l’issue de la grande prière musulmane hebdomadaire, bravant le fort déploiement policier et les mises en garde de l’armée à ceux qui s’opposent à la tenue du scrutin, a constaté une journaliste de l’AFP.
Conformément aux instructions données par le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, le 18 septembre, d’empêcher les manifestants d’autres régions de défiler à Alger, des barrages de gendarmerie ont entravé la circulation aux entrées d’Alger, provoquant de nombreux bouchons, selon des manifestants.
« C’est notre pays, c’est à nous de décider et il n’y aura pas de vote », ont scandé les manifestants, hostiles à la tenue le 12 décembre de la présidentielle.
Cette date a été exigée par le haut commandement militaire pour élire un remplaçant au président Abdelaziz Bouteflika, poussé en avril à la démission sous la pression conjuguée de la rue et de l’armée, et sortir de la crise dans laquelle est plongé le pays depuis février dernier.
Lors de ce 33e vendredi consécutif de manifestations, les slogans des protestataires ont visé expressément l’armée et son chef d’état-major, véritable homme fort du pays face à un président par intérim, Abdelkader Bensalah, largement invisible.
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« On s’est débarrassé de la ‘charita’ (‘la charrette’, le fauteuil roulant dans lequel M. Bouteflika était cloué depuis un AVC en 2013), on va se débarrasser de la bedaine » du replet général Gaïd Salah, un ancien fidèle de M. Bouteflika, ont scandé avec humour les manifestants.
Plus tôt cette semaine, le général Gaïd Salah a réitéré ses avertissements à ceux qui voudraient « perturber » la tenue du scrutin, présenté comme un gage de « démocratie » souhaité selon lui par « la majorité écrasante du peuple algérien ».
Mais pour les manifestants, cette élection ne servira qu’à maintenir en vie un « système », dont une partie des acteurs sont encore au pouvoir malgré le départ de M. Bouteflika.
L’ancien ministre de l’Intérieur, désormais Premier ministre « Noureddine Bedoui, ‘Monsieur Fraude’ (électorale), est toujours en place », souligne Amine Benmesbah, un ingénieur de 50 ans.
Et comme principaux candidats déclarés « on a le droit à (Abdelmadjid) Tebboune et (Ali) Benflis, des dinosaures qui ont longtemps été proches de Bouteflika et que le pouvoir veut présenter comme de grands démocrates. Alors pas question de voter dans ces conditions », assène-t-il.
Une précédente élection présidentielle prévue début juillet a été annulée, faute de candidats.
« Aujourd’hui, c’est la veille du 31e anniversaire du 5 octobre 1988 », date à laquelle de violentes émeutes éclatent à Bab el Oued, quartier populaire d’Alger, avant de gagner le reste de la capitale et du pays, a rappelé Hamida Benhaj, une manifestante de 56 ans.
« A l’époque, on s’est fait avoir avec les fausses promesses de démocratie et de liberté faites par le pouvoir. Pas question de céder aujourd’hui et se retrouver avec le même pouvoir aux commandes pour encore des décennies », a dit cette enseignante en affirmant qu’elle n’irait pas voter le 12 décembre.
L’onde de choc de 1988 allait provoquer l’effondrement du système du parti unique -le Front de libération nationale (FLN)- et ouvrir la voie à d’importantes réformes démocratiques qui n’empêchent pas le haut commandement militaire, pilier du régime depuis l’indépendance, de conserver son influence.
La guerre civile qui éclate quand l’armée interrompt en 1992 les législatives pour empêcher la victoire annoncée des islamistes interrompt l’ouverture démocratique.
« Les généraux à la poubelle et le peuple aura son indépendance », ont crié aussi les manifestants à l’adresse du haut commandement militaire qui a récupéré le « pouvoir réel » avec la démission de M. Bouteflika.
Pour Fatima, 54 ans, amie de Hamida Benhaj, « la démocratie, c’est maintenant ou jamais qu’il faut l’arracher » dans la rue.
Avec AFP