Maroc-Royaume-Uni/SEM Simon Martin: « Une volonté partagée d’agir ensemble en faveur d’un développement durable »

Entretien avec SEM Simon Martin

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue

Le Maroc et le Royaume-Uni entretiennent, depuis près de huit siècles, une amitié inscrite dans la pérennité. Une relation de longue date qui s’est alimentée, au fil des ans, par des collaborations continues et renforcées dans divers secteurs tels que le commerce, la finance verte, l’éducation, la santé…

Ainsi, des partenariats florissants se sont établis entre les deux pays, notamment dans le secteur du commerce agricole.

D’ailleurs, le Royaume-Uni est l’invité d’honneur de la 15ème édition du Salon international de l’Agriculture au Maroc (SIAM) qui est tenue à Meknès du 02 au 07 mai 2023. L’occasion pour SEM Simon Martin, Ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc, de revenir, dans cet entretien accordé à Maroc Diplomatique, sur les liens forts unissant les deux pays tout en mettant en exergue l’excellence des relations bilatérales.

Simon Martin revient, par ailleurs, sur les diverses réalisations enregistrées dans le cadre des partenariats conclus entre les deux nations.

l MAROC Diplomatique : Vous êtes ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc depuis près de 3 ans.  Quels sont vos ressentis quant aux relations globales entre les deux pays ? La situation a-t-elle changé depuis votre arrivée ?

SEM Martin Simon : J’ai eu la chance de rejoindre le Maroc à un moment où nos deux royaumes étaient prêts à faire passer leurs relations au niveau supérieur grâce à l’accord d’association, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Cela signifiait que nous pouvions nous engager directement avec le Maroc pour améliorer notre environnement commercial et d’investissement mutuel, rendant le commerce plus fluide pour les entreprises britanniques et marocaines, et soutenant la croissance économique, l’emploi et l’innovation dans les deux royaumes. Pour rappel, les échanges commerciaux entre nos deux pays ont été évalués à 2,9 milliards de livres sterling en 2022, soit une augmentation incroyable de 53,3 % par rapport aux quatre trimestres précédant la fin du troisième trimestre 2021.

En novembre dernier, UK Export Finance a consacré une enveloppe de 4 milliards de livres sterling pour soutenir des projets dans divers secteurs d’investissement au Maroc. Ces 4 milliards de livres sont disponibles pour les acheteurs des secteurs public et privé. Ainsi, que vous soyez un représentant du gouvernement envisageant un nouveau projet d’infrastructure ou une entreprise privée ayant des ambitions en matière d’efficacité énergétique, nous pouvons vous aider. Votre investissement doit avoir un contenu britannique d’au moins 20 %.

Depuis deux ans que je suis ici, j’ai eu le plaisir d’assister à de nombreuses réalisations, notamment dans le secteur de l’éducation, puisque nous avons accueilli trois écoles britanniques accréditées supplémentaires dans le réseau – et d’autres suivront. Je suis également très enthousiaste à l’idée de l’ouverture prochaine du campus de l’université de Coventry, le premier campus d’une université britannique au Maroc.

Au cours des deux dernières années, de nombreux autres succès ont été enregistrés entre le Royaume-Uni et le Maroc dans des secteurs clés tels que l’action climatique et la transition énergétique, la défense et la sécurité, l’enseignement anglais et la finance verte.

l Le Royaume-Uni est le pays à l’honneur de la 15ème édition du SIAM, qu’est-ce que cela veut dire pour votre pays ?

– Nous sommes ravis et honorés d’être l’invité d’honneur de cette année. Cet honneur témoigne de la collaboration continue et renforcée entre le Royaume-Uni et le Maroc dans le secteur agricole. Nous sommes impatients d’amener une délégation de quelques-unes des principales entreprises agro-technologiques du Royaume-Uni pour exposer au SIAM, et nous travaillerons en étroite collaboration avec nos partenaires du ministère de l’Agriculture, de la pêche, du développement rural, des eaux et forêts pour discuter du commerce, des défis climatiques, des normes, de l’innovation, de l’accès aux marchés de l’autre pays pour les produits de nos producteurs de denrées alimentaires et plus encore.

l En 2021, c’était le 300e anniversaire du premier traité commercial entre les deux pays. Comment voyez-vous les relations évoluer et quels sont les prochains chantiers à attaquer?

– Nos pays ont des économies complémentaires et il est encourageant de constater les partenariats florissants que le Royaume-Uni et le Maroc établissent ensemble dans le commerce, la finance verte, l’éducation, les soins de santé et d’autres secteurs.  Nos royaumes travaillent ensemble à la réalisation d’une vision commune d’économies dynamiques, innovantes et porteuses d’un avenir durable, résilientes face aux défis du réchauffement climatique, de la sécurité et de la santé.

Nous voyons de nombreux domaines de complémentarité, en particulier en ce qui concerne le nouveau modèle de développement de Sa Majesté et les réformes gouvernementales plus larges visant à relever les défis dans des domaines tels que l’énergie, l’agriculture et l’eau. Le Royaume-Uni possède des secteurs de l’agro-technologie, de l’éducation et de la santé de classe mondiale, et nous continuons à travailler avec le Maroc pour renforcer les liens dans ces domaines.

l Aujourd’hui sur quoi reposent les relations diplomatiques et économiques entre le Maroc et le Royaume-Uni ?

– Il y a tant de choses que nos deux pays ont en commun, depuis nos liens diplomatiques historiques jusqu’au commerce florissant entre nos deux pays, qui résulte d’intérêts partagés dans des domaines aussi variés que l’agriculture, l’énergie et l’éducation. Je pense également que nos deux pays ont toujours été tournés vers l’extérieur, avec une perspective atlantiste tout en étant liés à l’Europe. En particulier à l’heure où nous sommes confrontés à d’énormes défis mondiaux – de la pandémie de COVID-19 à l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, en passant par la récession économique mondiale – c’est cette volonté du Royaume-Uni et du Maroc de travailler ensemble pour faire face à ces problèmes qui, selon moi, constitue la pierre angulaire de nos relations diplomatiques.

Sur le plan économique, je suis ravi de constater que le commerce entre nos deux pays est en plein essor, comme je l’ai mentionné précédemment. Alors que le Royaume-Uni continue de tisser des liens avec de nouveaux partenaires mondiaux à la suite de sa sortie de l’Union européenne, je ne peux que prévoir que nos relations économiques avec le Maroc se renforceront au fur et à mesure que les entreprises et les habitants des deux pays découvriront ce que l’autre a à leur offrir.

l En quittant l’Union européenne et la direction de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire, beaucoup de spécialistes avaient peur que cette sortie ait des conséquences catastrophiques sur le Royaume-Uni. Comment le Maroc a permis d’éviter une telle crise ? Quels sont les autres secteurs économiques sur lesquels le Maroc et le Royaume-Uni entretiennent des accords de coopération ?

– Le Royaume-Uni ayant quitté l’UE, nous avons conclu des accords de continuité commerciale avec 51 pays africains afin de nous assurer que le commerce et les investissements britanniques en Afrique ne soient pas affectés par la fin de la période de transition. Nous travaillerons à l’établissement d’un partenariat commercial plus étroit avec les nations africaines et nous aiderons les entreprises britanniques et les entreprises africaines à obtenir les investissements dont elles ont besoin.

Le deuxième Conseil d’association Royaume-Uni-Maroc que nous avons tenu récemment a été l’occasion de s’appuyer sur le travail du précédent Conseil d’association et du sous-comité commercial, alors que nous cherchons à développer la relation commerciale de 2,9 milliards de livres entre nos deux pays, soit 1 milliard de livres de plus qu’en 2021, en particulier dans des domaines tels que les soins de santé, l’agriculture, la croissance propre et l’éducation.

L’accord d’association entre le Royaume-Uni et le Maroc a fourni un cadre de collaboration dans des domaines tels que l’agriculture, la pêche et les services, qui sont des moteurs clés de la croissance dans nos deux pays. L’accord a également ouvert la voie à une coopération accrue dans des domaines tels que les énergies renouvelables et la technologie, où le Royaume-Uni et le Maroc ont tous deux une grande expertise à partager. Nous chercherons à lever les obstacles à l’accès au marché auxquels sont confrontées les entreprises britanniques et nous travaillerons avec le Maroc pour garantir des flux commerciaux fluides entre les deux royaumes.

l Comment voyez-vous la poursuite des partenariats avec les économies agricoles marocaines et la coopération avec le Royaume-Uni ?

– Le commerce agricole bilatéral s’inscrit dans le cadre de l’Accord d’association entre le Royaume-Uni et le Maroc, et nous sommes impatients de poursuivre notre engagement avec le Maroc pour renforcer ce partenariat. Au cours des quatre trimestres précédant la fin du troisième trimestre 2022, le Maroc a exporté pour 395,3 millions de livres sterling de fruits et légumes vers le Royaume-Uni, et nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Maroc pour fluidifier ces flux commerciaux.

l Le Royaume-Uni dispose de nombreuses technologies de pointe, notamment en ce qui concerne le traitement hydraulique. Nous ne sommes pas sans savoir que le Maroc mise énormément sur le dessalement des eaux. Pouvez-vous nous dire si des discussions sont prévues dans ce sens en vue d’un éventuel accord dans le domaine ? Quelle en sera l’importance pour les deux pays ?

– Nous saluons les progrès réalisés par le Maroc en matière d’utilisation, de traitement et de dessalement de l’eau. Nous sommes ravis que des entreprises britanniques comme Biwater aient travaillé en étroite collaboration avec l’Office national de l’électricité et de l’eau potable – Branche Eau (ONEE) du Maroc pour concevoir et construire une nouvelle installation de traitement des eaux usées à Khenifra. Au niveau mondial, UK Export Finance continue de soutenir des projets dans le domaine de l’eau, notamment par le biais d’un prêt de 27,9 millions de livres sterling dans le cadre de son mécanisme de prêt direct pour la modernisation d’une station d’épuration à Bahreïn, et nous continuerons de travailler avec le Maroc pour assurer une collaboration plus poussée dans ce secteur important.

l L’UKEF (UK Export Finance) est prête à engager plus de 51 milliards de dirhams pour le renforcement des liens commerciaux entre le Royaume-Uniet le Maroc. C’est un investissement considérable ; quelles sont vos attentes ?

– L’UKEF est un fonds soutenu par le gouvernement britannique, qui soutient des projets internationaux provenant du Royaume-Uni et opérant dans les conditions définies par l’Arrangement de l’OCDE sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public. L’appétit pour le risque du marché de l’UKEF pour le Maroc est actuellement de 4 milliards de livres sterling.

Nous soutenons des projets dans tous les secteurs et pour des entreprises de toutes tailles, bien que depuis 2021 nous ne soutenions plus de nouveaux projets liés aux combustibles fossiles. Nous procédons à une vérification préalable de tous les projets avant de nous engager. L’UKEF exige également que les projets aient un contenu britannique d’au moins 20 %. Cela signifie qu’au moins 20 % des biens, services ou actifs incorporels du projet doivent être produits ou fournis par le Royaume-Uni.

Nous pensons en particulier que nous pourrions nous associer à des investisseurs marocains et internationaux dans le cadre de projets d’infrastructure. Qu’il s’agisse de chemins de fer, de routes, de ports ou d’aéroports, UK Export Finance (UKEF) possède une vaste expérience en matière de soutien aux transactions dans le monde entier.

Et, comme le Maroc, nous aimons soutenir les énergies renouvelables. Les progrès rapides réalisés par le Maroc pour augmenter sa capacité installée en matière d’énergies renouvelables sont vraiment impressionnants. Les entreprises britanniques sont également bien placées pour aider le Maroc à devenir une plaque tournante de l’hydrogène vert. Et sur ce thème de la durabilité, alors que le Maroc s’est fixé pour objectif de remplacer les sources d’eau des nappes phréatiques et des barrages par le dessalement et la réutilisation des eaux usées, les entreprises britanniques sont désireuses de jouer un rôle, avec le soutien de l’UKEF. Il convient de noter que pour des secteurs tels que les énergies renouvelables et l’eau, l’UKEF peut offrir de longs délais de remboursement pouvant aller jusqu’à 18 ans (+3 à 5 ans pour la construction).

l La nomination d’un IEFE (International export finance executives) à Casablanca est la dernière addition du dispositif anglais au Maroc ; quels objectifs ont été fixés et quels sujets seront à l’agenda de la première heure ?

– Le réseau de l’IEFE a été un moteur essentiel de la création de nouvelles activités commerciales. Le fait d’avoir une personne dédiée, sur le terrain, travaillant aux côtés de l’ambassadeur britannique et de l’équipe du Département des affaires et du commerce, permet à l’UKEF de construire des relations durables et de mieux s’engager avec le gouvernement marocain, les entreprises marocaines et multinationales qui cherchent à acheter et à investir au Royaume-Uni.

Meriem Bennani est la représentante de l’UKEF pour le Maroc. Elle a récemment été nommée IEFE et sera heureuse de discuter plus en détail de tout investissement à venir.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page