Incivilités, mode de vie actuel ?
Dossier du mois
Rationalisation : mécanisme de défense psychique
Mostafa Ytto, Chercheur en psychanalyse
Par la transition de la société marocaine d’une société tribale à une société civile, on assiste aujourd’hui à la domination d’une société de consommation qui valorise et sacralise l’argent. Matérialisée, il n’y a plus de place pour les valeurs qui, avant, régissaient et organisaient les liens sociaux. Aujourd’hui, l’incivilité marque les comportements et les actes de la majorité des Marocains. C’est dire que l’humeur impacte sur les relations entre les gens. Ce qui était toléré autrefois, ne l’est plus aujourd’hui. Et la population a tendance à vouloir se rendre justice elle-même, à travers des actes de violence ou de mépris des institutions et des lois en vigueur. D’ailleurs, la montée en flèche de l’incivilité qui gagne du terrain peut s’expliquer par le manque de confiance qui a creusé le fossé entre le citoyen et les institutions. Ceci est dû bien, évidemment, à l’impunité qui fait généralement écho à des comportements reprochables ou qui portent même atteinte à la bienséance. Aussi, on se dit que cela ne sert à rien de sortir du lot. On adopte alors un mécanisme de défense psychique appelé rationalisation qui consiste à faire de l’incivilité un acte contagieux. Si tout le monde se dit vouloir vivre en paix, les actes ne suivent pas. Au contraire, personne ne veut plus respecter les règles de vie publique qui permettent une certaine stabilité et harmonie. Les enfants et les adolescents, adoptent, quant à eux un autre mécanisme, c’est celui de l’identification. En effet, et surtout au bas âge, ils s’identifient aux comportements de leurs parents surtout dans leur incivilité et cherchent même à imiter « les méchants » par souci d’être écrasés et humiliés. En quête donc d’une autodéfense qui leur garantit leurs droits, ils ont recours à la violence et aux incivilités.
Je reviens donc à l’impunité qui, selon moi, reste le premier facteur qui fait naître le sentiment d’insécurité, de méfiance, de peur et surtout de manque de confiance en l’Etat et sa capacité à punir celui qui insulte, crache ou urine dans les lieux de vie commune. En conséquence, le trop de liberté qui verse dans l’anarchie et le manque d’un code de conduite contribue à la poussée et à la propagation de l’incivilité comme une tache d’huile.
Il est donc urgent de se pencher sur la question afin de remédier à ce phénomène qui détruit les valeurs et les sociétés avec. On est tous concernés et tout le monde doit se mobiliser pour faire barrage et arrêter les dégâts. Ceci ne peut se faire que par l’éducation civique à l’école, au sein de la famille et même dans la rue. Il est important d’éclairer la population par le biais de la communication ou de panneaux de publicité sur les conséquences et le retentissement de l’incivilité sur la société tout en inculquant le sens du devoir et de responsabilité.
Mais il est sûr que la sensibilisation à elle seule ne suffit pas et les effets restent limités si elle n’est pas accompagnée de lois et de sanction.