Mohcine Jazouli au Forum africain de Dakhla sur la Formation professionnelle : « La transition vers les métiers de demain appelle à une refonte dans la gouvernance »

Voici le texte intégral du discours prononcé par  Mohcine Jazouli, ministre délégué auprès du Ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale chargé de la coopération africaine au Forum qui s’est ouvert vendredi à Dakhla sur la formation professionnelle.

« Excellence Monsieur le Chef du Gouvernement ; Excellence Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, de la Formation Professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique ; Excellences Mesdames et Messieurs les Ministres Africains chargés de la Formation Professionnelle ; Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ; Monsieur le Président de la Région de Dakhla-Oued Eddahab ; Mesdames et Messieurs ;

Tout d’abord permettez-moi de remercier les initiateurs et organisateurs de ce forum autour de la formation professionnelle, sujet qui fait l’objet d’une attention renforcée et qui appelle à des réformes ambitieuses au service des grands enjeux économiques et sociaux de l’Afrique. La présence ici à Dakhla de nombreux Ministres africains en charge de la formation professionnelle témoigne de l’importance des défis qui nous attendent. Ce premier Forum est un acte fondateur qui marque une volonté commune pour faire de la formation professionnelle le fer de lance du décollage économique de l’Afrique. Je suis convaincu que les différents échanges que nous aurons ici nous permettront d’explorer de nouvelles réponses pour un changement de paradigme dans les modalités de gestion, de planification et de gouvernance du système de la formation professionnelle.

Ce forum est une occasion de plus pour approfondir les liens de coopération entre le Maroc et les autres pays africains, notamment au travers l’opérationnalisation de l’Alliance Africaine de la Formation Professionnelle – créée il y a tout juste un an à Meknès. Cette Alliance est un outil précieux, qu’il faut nourrir et pérenniser. Excellences, Mesdames et Messieurs ; Vous l’avez compris, en arrière-plan de cette grande question de la formation professionnelle, il y a la question centrale, celle de la jeunesse et de son devenir.

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Les chiffres sont saisissants : 220 millions d’Africains sont âgés de 15 à 24 ans, soit 20 % de la population du continent. 3 Faut-il le rappeler, le taux de chômage des jeunes en Afrique est le plus élevé au monde : 60% des sans-emplois sont des jeunes. Pour la prochaine décennie, 11 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail en Afrique. Je suis sûr que nous sommes tous d’accord : il s’agit là d’un enjeu de taille qui cristallise tous les défis et tous les espoirs. La jeunesse est une richesse et c’est l’atout du continent africain. Pour que le dividende démographique de l’Afrique devienne son principal moteur de croissance, il est de notre devoir de garantir à notre jeunesse les conditions de son employabilité.

Pour résorber ce chômage qui frappe de plein fouet la jeunesse du continent, Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’assiste, a rappelé, lors de Son Discours adressé au 29ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine, le 3 juillet 2017, que : « La réponse réside dans un traitement volontariste du triptyque « éducation, enseignement supérieur et formation professionnelle » avec une exigence élevée de qualité ». Pour mettre en cohérence les actes et les paroles, sous l’impulsion de Sa Majesté Le Roi, la Fondation Mohammed VI pour le Développement Durable a contribué ce jour à la mise en place de 8 centres de formation en Côte d’Ivoire, en Ethiopie, au Gabon, en Guinée Conakry, à Madagascar, au Mali, au Nigeria et au Sénégal.

La formation professionnelle est à l’intersection de la sphère économique et de la sphère éducative. Elle doit offrir la possibilité pour chacun de trouver sa voie ou de changer de trajectoire professionnelle ; car les besoins du marché de l’emploi d’aujourd’hui, ne sont pas ceux de demain. La formation professionnelle n’est pas une offre de rattrapage et elle ne doit pas être une voie de garage ni même une voie de seconde chance. Elle doit être un parcours d’excellence en adéquation avec les mutations économiques.

Dans un monde où les compétences techniques acquises aujourd’hui seront peut-être obsolètes demain, le plus important est de s’adapter et d’acquérir de nouveaux savoirs. Il est essentiel de développer ce que l’on appelle communément les « soft skills » : apprendre à apprendre, développer l’esprit critique, s’adapter au travail collaboratif, développer sa capacité de résolution de problème, sa créativité, ses compétences relationnelles

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Il est essentiel d’accorder de l’importance à la valorisation des acquis et développer des formations qui sont de l’ordre de l’apprentissage, de l’alternance et de la mise en situation réelle de travail. Si on ne veut pas être en marge des tendances majeures, nous africains devons développer de nouveaux modèles de formation basés sur une démarche prospective envers les nouveaux métiers. Nous le savons tous : entre 50 et 80% des emplois à l’horizon 2030 n’existent pas encore aujourd’hui.

La transition vers les métiers de demain appelle à une refonte dans la gouvernance de la formation professionnelle. Elle nous appelle à nous appuyer sur des outils digitaux. Lors de mes différentes visites sur notre continent, j’ai été impressionné par la diffusion et l’usage ingénieux de la communication digitale. Pour bien comprendre ce qu’il se passe avec le digital en Afrique, permettez-moi de partager un chiffre parlant : aujourd’hui, en 2018, il y a 1 milliard de connexions mobiles en Afrique et il y a plus de téléphones portables qu’aux Etats Unis et en Europe réunis ! Autrement dit, nous avons là une autre possibilité pour déployer l’offre de formation en la rendant plus ludique. Aujourd’hui, la formation se fait dans les écoles ou dans les centres de formation. Elle se fait également en ligne dans le cadre du e-learning. C’est une nouvelle manière de désenclaver l’offre de formation et de la rendre plus accessible pour tous. 5 Mais, cette révolution en cours a besoin de financements à la hauteur des attentes. La plupart des Fonds africains de financement datent des années 80/90. Ce sont des outils majeurs qui méritent d’être rénovés et consolidés dans une logique participative avec trois maîtres mots : l’innovation, l’expérimentation et la territorialisation.

La décennie de la formation et de l’emploi

Les mutations que connait le monde d’aujourd’hui, couplées à la vigueur de la jeunesse africaine sont autant d’opportunités que nous devons saisir pour enclencher l’émergence de l’Afrique. Il ne tient qu’à nous de nous organiser, de nous structurer, de mutualiser nos moyens, bref, de coopérer pour prendre notre destin en main pour l’avenir de la jeunesse africaine. D’ailleurs, la 31ème session du Conseil exécutif de l’Union africaine (UA) a proposé de déclarer la période 2018-2027 comme décennie de la formation et de l’emploi des jeunes dans les domaines technique, professionnel et entrepreneurial en Afrique. En écho de cette déclaration, je félicite les initiatives prises par l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) ; par l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI) et par les pays partenaires : le Burkina Faso, le Cameroun, Djibouti, la Guinée Bissau, Madagascar, le Mali et le Tchad pour les nombreuses conventions qui seront signées aujourd’hui.

Cette initiative confirme l’engagement continu du Royaume en Afrique. Avant de clore mes propos, je voudrais, Mesdames et Messieurs, remercier les élus de la région et ceux de la ville de Dakhla. Cette ville qui s’affirme au fil des ans en devenant une ville de forums, un lieu d’échange, un carrefour du dialogue fructueux à l’échelle africaine et internationale ».

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