Paris sportifs en ligne: Le Trésor perd des centaines de millions chaque année
Chaque année, le Trésor national est confronté à une évasion financière considérable, estimée à plusieurs centaines de millions, en raison de l’exploitation illégale de plateformes de jeux d’argent en ligne. Parmi ces entités, 1xBet, une entreprise d’origine russe, se distingue par son opération prolongée en contravention flagrante avec les réglementations marocaines et internationales régissant le secteur des paris sportifs.
Nonobstant l’absence d’agrément officiel au Maroc, 1xBet engage une concurrence directe avec la Société Marocaine des Jeux et des Sports (MDJS), l’organisme étatique jouissant d’un monopole sur ces activités, à l’exception notable des paris relatifs aux courses hippiques et canines. La MDJS, qui contribue annuellement à hauteur d’environ 600 millions de dirhams au Fonds National pour le Développement du Sport (FNDS), exprime son désarroi face à une diminution significative des recettes fiscales, préjudiciable tant à l’État qu’au domaine sportif.
Pour séduire les parieurs, 1xBet déploie un éventail de méthodes de paiement en devises étrangères, incluant l’usage de cartes bancaires marocaines, de portefeuilles électroniques, ainsi que de médiateurs locaux. Le site va jusqu’à accepter les mises en dirhams et à utiliser les emblèmes des banques locales sans leur consentement explicite.
En outre, cette plateforme mène une offensive publicitaire d’envergure sur divers médias et noue des partenariats avec des clubs sportifs de prestige, tels que le Raja de Casablanca et l’Association Sportive de Salé, section basketball.
L’attractivité de 1xBet repose en partie sur son taux de redistribution aux joueurs (TRJ) particulièrement élevé, oscillant entre 85 et 95%, un pourcentage bien supérieur à celui offert par la MDJS, plafonné à 66%. Cette politique est souvent pointée du doigt pour son rôle dans l’augmentation de la dépendance au jeu, spécialement chez les jeunes.
Selon une analyse menée par la MDJS, les paris clandestins captent 65% des revenus générés par les paris au Maroc, reléguant ainsi les paris légaux à une portion de 35%. Face à cette situation, la MDJS a initié une procédure judiciaire contre 1xBet en mars de l’année précédente et orchestre une campagne collaborative avec diverses entités, incluant des institutions bancaires, des agences publicitaires, des départements ministériels, l’Office des Changes, la Commission Nationale pour la Protection des Données Personnelles, des fédérations sportives et des clubs.
La MDJS interpelle les autorités gouvernementales pour qu’elles s’engagent résolument dans la lutte contre ces pratiques illicites, soulignant que les opérations des sociétés de jeux non autorisées siphonnent les revenus étatiques et entravent l’épanouissement du sport national.
Un Marocain sur dix parie
Quant aux paris et aux jeux d’argent, «la question du jeu d’argent n’a jamais fait l’objet d’une étude nationale à visée informationnelle ou préventive», note un avis présenté ce mercredi 20 avril 2022 par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), soulignant que les estimations existantes résultent d’études menées par les opérateurs de jeux, qui font apparaître «une population de joueurs potentiels âgés, estimée de 20 à 28 millions de personnes».
Ainsi «un Marocain sur dix (10,6%) âgé de plus de 15 ans serait parieur auprès de la Marocaine des Jeux et des Sports (MDJS) pour un total estimé à environ 2,8 millions de joueurs. La part des hommes joueurs de plus de 15 ans est estimée à 19,4% contre 1,5% de femmes, et elles seraient deux fois plus urbaine que rurale (13,4% contre 6,1%)», poursuit le CESE.
En septembre 2021, le Maroc a procédé à la ratification de la Convention de Macolin, un traité international qui caractérise avec précision les activités de jeu illégal et instaure un dispositif juridique pour prévenir et combattre ces activités illicites. Dans le cadre de cette initiative, le Maroc s’attelle à la mise en place d’une plateforme nationale. Cette dernière aura pour vocation de fédérer les efforts de diverses entités institutionnelles, à savoir les forces de l’ordre, les autorités judiciaires, les fédérations sportives, ainsi que d’autres parties prenantes, dans le but de collaborer et de partager des informations pour lutter efficacement contre les paris clandestins.