Politique : Le gouvernement face à la réalité sociale

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue 

En 2022, le gouvernement a amorcé plusieurs grands dossiers en toile de fond des interventions de l’État dans le domaine social, notamment par le biais d’un système de protection sociale. D’ailleurs, certains évoquent la persistance de l’État providence au détriment des conseils des institutions de Bretton woods.

Dialogue social, mise en œuvre des réformes de la santé, de l’éducation, de l’administration et de la justice sont autant de défis que le gouvernement doit faire face. Qu’en est-il des atouts et des faiblesses des différentes réformes ?

Me Mohamed Oulkhouir, Avocat au barreau de Paris, apporte une analyse de la nouvelle politique sociale du gouvernement Akhannouch.

l Quelle est votre lecture du dialogue social engagé par le gouvernement ?

– S’agissant du dialogue social, on note une évolution très forte puisqu’on a vu se mettre en place un certain nombre d’accords collectifs en avril 2022, ce qui est une bonne avancée. D’ailleurs, il y avait eu un accord précédemment en 2019, alors qu’auparavant les choses étaient plus lentes. Il y avait eu, par exemple, une absence d’un véritable dialogue social entre 2011 et 2019. De la même manière, quelques années auparavant cela était très compliqué et on avait souvent des cycles de quatre ou cinq ans sans véritable concertation ni dialogue social. Aujourd’hui, il semble que le rythme des échanges et éventuellement celui de la signature des accords se sont bien accélérés. Et Ceci est vraiment une chose à mettre au crédit du gouvernement.

l Est-ce que le gouvernement a les moyens de la mise en œuvre des engagements compte tenu des nombreuses réformes engagées ?

– S’agissant des moyens de la mise en œuvre des engagements, les choses paraissent assez compliquées parce qu’on voit qu’un nombre très important de réformes sont engagées et initiées et il sera certainement très difficile de pouvoir toutes les réaliser. De ce fait, il y a effectivement, un point d’interrogation qui surgit, de ce point de vue-là. Toutefois, on a remarqué, sur le volet des moyens financiers, que la loi de finance s’était mise au diapason et essaye de récupérer tous les financements possibles pour justement pouvoir permettre de tenir les engagements. Ainsi, il va y avoir une course contre la montre entre, d’un côté, les réformes à même de permettre d’avoir une assiette fiscale plus large et un mode de fonctionnement plus efficace de l’administration et d’autre part,  le tempo des réformes et des engagements de l’État. À l’heure actuelle, on ne sait pas véritablement qui va gagner cette course.

l Comment jugez-vous la conduite des réformes dans sa mise en œuvre avec le Nouveau Modèle de Développement ?

– Les réformes sont effectivement ambitieuses et elles doivent l’être puisque le Maroc aujourd’hui n’a plus véritablement le choix. Il faut que ces réformes en profondeur soit menées notamment dans les secteurs dont on a diagnostiqué, depuis des décennies, des défaillances très graves que ce soit la santé, l’éducation, l’administration ou la justice. Donc le caractère ambitieux des réformes ne pose pas de problèmes, il est nécessaire et il est indispensable d’avoir cette ambition. La difficulté principale c’est comment y arriver et si on parviendra à bien les mener.

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Je pense que le problème réside dans le fait qu’on a lancé de manière un peu plus active et plus efficace les réformes de la santé et de l’éducation et qu’on a laissé un peu en suspens les réformes essentielles de l’administration et de la justice. Peut-être qu’il aurait fallu d’abord réformer en profondeur cette administration pour avoir un outil efficace de mise en œuvre des réformes de la santé et de l’éducation pour ensuite pouvoir les mener plus sereinement.

Le gouvernement aurait peut-être pensé que leur mise en œuvre est beaucoup plus complexe tandis que celle des réformes de l’administration et de la justice reste plus rapide, raison pour laquelle, il ne les a pas mises en avant.  L’interrogation subsiste toujours.

L’articulation réforme-Nouveau Modèle de Développement interpelle. On attend toujours que le pacte national pour le Modèle de Développement soit effectivement signé. On attend aussi la mise en place du mécanisme de suivi qui n’a pas encore pris forme. L’interrogation sur les suites du rapport sur le NMD persiste toujours puisque le rapport est là, par contre les mécanismes de sa mise en œuvre ne le sont pas. Mais cela n’a pas bloqué les réformes. Ces dernières sont mises en place et menées non pas par le pacte national et le mécanisme de suivi mais par des ministres dans une logique gouvernementale habituelle assez classique.

l À la manière à laquelle sont menées les réformes sociales, pensez-vous que les objectifs seront atteints dans les échéances fixées ? Quels sont les atouts et les faiblesses des différentes réformes ?

– Nous disposons d’une réelle volonté politique et d’un soutien Royal manifeste. Des atouts à même de permettre la mise en place des réformes sociales dans les délais convenus. La difficulté se pose, par ailleurs, au niveau de l’aspect qualitatif qui se manifeste essentiellement dans l’efficacité des réformes sociales.

Parmi les points majeurs qui posent désormais problème, on trouve le financement de la protection sociale.

La question est de savoir si ces réformes seront financées par l’impôt ou par le travail, tout en faisant en sorte de maintenir une pression fiscale et sociale satisfaisante pour ne pas entraver le développement économique de nos entreprises. Et là, on ne sait pas véritablement comment y parvenir, sachant qu’il existe des arbitrages à faire vu qu’en consacrant des moyens très importants aux réformes, on engendre directement l’augmentation de la pression fiscale, mais on aura, tout de même, des qualités de prestation importantes et vice versa.

Les efforts devront porter également sur l’administration pour renforcer sa capacité à pouvoir réaliser les réformes dans les délais convenus. Sans oublier la nécessité de la refonte du code de la route pour lui permettre d’avoir la productivité nécessaire au changement du modèle de développement.

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