« Predator Files » ou comment la France serait impliquée dans la vente de logiciels espions

Dans une enquête internationale menée par Mediapart et ses partenaires, les sociétés françaises Nexa et Intellexa sont mises en cause pour avoir vendu des logiciels espions à plusieurs dictatures, avec le soutien, voire la complicité, de l’État français.

Selon les informations révélées dans cette enquête intitulée « Predator Files », il a été découvert que le Vietnam utilisait le logiciel espion Predator, vendu par Nexa, pour mener une vaste tentative de piratage via Twitter. Un compte spécifique, @Joseph_Gordon16, aurait ciblé cinquante-neuf personnalités politiques, journalistes, universitaires et opposants au régime vietnamien. On ignore si ces tentatives ont abouti.

Parmi les cibles les plus notables figuraient des élus du Parlement européen, dont la présidente, la Commission européenne, la chaîne de télévision France 24, des élus américains, des journalistes et des diplomates. Même un eurodéputé français, Pierre Karleskind, président de la commission pêche du Parlement européen, a été visé.

Cette offensive semble liée à l’avertissement de l’Union européenne au Vietnam en 2017 concernant ses insuffisances dans la lutte contre la pêche illégale. L’enquête révèle comment la France a soutenu Nexa, avec le président Emmanuel Macron allant jusqu’à recevoir les dirigeants de cette entreprise à l’Élysée, en présence de son conseiller Alexandre Benalla.

La présence des logiciels espions Predator dans plusieurs pays a également été mise en évidence. Le consortium de médias EIC aurait découvert que les produits d’Intellexa étaient vendus en Suisse, en Autriche, en Allemagne, au Qatar, au Congo, au Kenya, aux Émirats arabes unis, à Singapour, au Pakistan, en Jordanie et au Vietnam, entre autres.

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De son côté, Amnesty International a constaté que le logiciel serait également utilisé au Soudan, en Mongolie, à Madagascar, au Kazakhstan, en Égypte, en Indonésie et en Angola, notamment.

Cette enquête révèle une implication officieuse de la France dans les ventes de logiciels espions à des régimes autoritaires. Selon les informations fournies par les médias, le gouvernement français et la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) seraient au courant de ces ventes et ont soutenu activement les activités commerciales de Nexa à l’étranger. Même après les accusations de « complicité de torture » vis-à-vis de la Libye, le gouvernement français aurait continué à travailler avec cette entreprise. Les autorités françaises restent silencieuses face à ces révélations.

Cette complicité soulève des questions sur « l’éthique et les valeurs » défendues par la France en matière de droits humains. Le fait que le gouvernement français et ses services de renseignement aient été au courant de ces ventes et aient continué à soutenir les activités de Nexa malgré les accusations de « complicité de torture » met en évidence l’incohérence entre les discours officiels et les actions concrètes.

Les logiciels espions développés par Nexa et Intellexa sont décrits comme « fondamentalement incompatibles avec les droits de l’homme » par Amnesty International. Ces outils permettent d’intercepter et de surveiller les communications à grande échelle, d’installer des logiciels espions sur tous les téléphones, et peuvent même récupérer des données lorsque le téléphone est éteint.

Amnesty International conclut que les régulateurs de l’Union européenne ne sont pas suffisamment efficaces pour contrôler et prévenir les atteintes aux droits humains liées à l’exportation de logiciels espions. Par conséquent, Amnesty appelle à l’interdiction de l’utilisation de ces logiciels espions hautement invasifs tels que Predator.

L’enquête sur les « Predator Files » met en lumière les agissements sans scrupules de sociétés françaises dans la vente de logiciels espions à des régimes autoritaires, et soulève des questions sur la complicité de l’État français dans ces pratiques.

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