Publication : « Casablanca 1907-1956 – La démesure d’un urbanisme », l’essai de Ahmed Chitachni
Publié par la « Croisée des Chemins », l’ouvrage d’ Ahmed Chitachni décrit la transformation de la ville de Casablanca et, par ricochet, le Maroc entier. « Casablanca 1907-1956 – La démesure d’un urbanisme » qui esquisse la rétrospective de l’évolution de Casablanca, est préfacé par Mohamed Haddy, professeur de l’enseignement supérieur à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme de Rabat.
L’auteur, Ahmed Chitachni est politiste, essayiste et chercheur en anthropologie urbaine. Il est diplômé des études supérieures es sciences politiques et des études supérieures es relations internationales.
Parler de l’histoire d’un pays revient aussi à recentrer les analyses et les regards sur ses villes, leurs histoires et sur l’ensemble des éléments qui la structurent tels que l’urbanisation et l’architecture. En porte-étendard de l’histoire des nations qu’elles abritent, les villes racontent et récitent la culture de ses occupants. L’évolution et la transformation structurelles des villes dessinent également celles des populations qu’elles portent et accueillent, il y a donc une dimension anthropologique qui offre des lectures diverses sur les phénomènes culturels de résistance au changement.
Ahmed Chitani a signé l’essai « Casablanca 1907-1956 –La démesure d’un urbanisme » pour justement livrer sa réflexion globale sur l’évolution et la transformation de la ville de Casablanca. Et ce, dans une « déconstruction de la vision coloniale, soulignant l’importance des réajustements théoriques et pointant les destructions, sur les plans humains et socioculturels » selon Mouna Hachim, écrivaine et chroniqueuse en commentant le livre.
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« Cet essai se veut un pari – très réussi d’ailleurs – pour mener une réflexion sur la transformation de la ville de Casablanca – et à travers elle, du Maroc – depuis sa reconstruction par le sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah, jusqu’à l’établissement du protectorat, à l’effet de rendre intelligible les principales mutations et ce sur les plans structurel, fonctionnel qu’organisationnel », affirme Mohamed Haddy, professeur de l’enseignement supérieur à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme de Rabat dans la préface du livre.
« C’est un défi réussi » selon l’écrivaine. « Un travail hautement scientifique, soucieux de rétablir certaines vérités et de revoir des concepts aux relents péjoratifs dépassant les critères urbanistiques dont l’objectivité devrait être la norme » a-t-elle affirmé.
Un rendez-vous avec l’histoire
Le livre de Ahmed Chitachni permet de revisiter l’histoire de la ville Casablanca particulièrement entachée par l’héritage coloniale. Ainsi l’auteur peint avec précision et parcimonie les « désordres sociaux, les violences innommables et les exclusions inhumaines dont ont été victimes les Bidaouis d’une manière particulière et les Marocains d’une manière générale », affirme Mohamed Haddy dans la préface.
« En fait, s’engager à lire cet essai c’est accepter une plongée dans les dessous d’une histoire coloniale ourdie dès le XIXe siècle et concrétisée dès 1904 ; cette situation a vu le Maroc sombrer dans une faillite économique, ce qui a aiguisé l’appétit de nombreuses puissances, notamment l’Allemagne, avec la visite le 31 mars 1905 de Guillaume II. Ainsi, à travers la ville de Casablanca transformée en « œuvre » coloniale, dont la seule quête est de renforcer un certain ordre sécuritaire, avec ses géomètres, tel Tardif, ses architectes tels Agache, Prost, Écochard… à ce sujet, l’auteur – derrière une apparente sérénité dans la transcription de ses idées – décrit avec une précision d’orfèvre, les désordres sociaux, les violences innommables et les exclusions inhumaines dont ont été victimes les Bidaouis d’une manière particulière et les Marocains d’une manière générale. Conséquences dont les résurgences sont encore vivaces, notamment pour ce qui a trait aux différentes instrumentalisations et spéculations. En fait, le protectorat a reconstruit – ou plus exactement déconstruit – une ville contre les siens. L’auteur parle même d’une démantibulation, une destruction de l’homme et une tentative de désarticulation de ses référents socioculturels, « la colonisation ici comme ailleurs a posé plus de problèmes qu’elle n’en a résolu », confirme-t-il avec André Adam, lit-on dans cet extrait de la préface.
Selon Mouna Hachm, « le récit nous mène ainsi bien avant 1907, avec des destructions et reconstructions de la ville, sa place dans les échanges internationaux, la ruée vers l’Eldorado avec ce qui s’ensuit en termes de melting-pot mais aussi de dilapidation de patrimoine foncier, de spéculation, d’urbanisation précédant tout urbanisme, de tâtonnement marqué par le sceau du sécuritaire et du culturalisme
Convoquant l’histoire, la sociologie, l’ethnologie, Ahmed Chitachni livre « une étude multidisciplinaire, entre acharnement du destin et impostures de l’histoire, solidement documentée, nourrie de plusieurs ressources. Au-delà de la ville, ou des villes juxtaposées, c’est le Maroc depuis le XVIIIe siècle qui est donné à voir dans une analyse sans concession » selon Mouna Hachim.