Rabat – Paris – Alger : Qui joue au poker ?

Tribune

Dans son discours du Jour de la Révolution, le Roi Mohammed VI a appelé les « partenaires traditionnels » du Maroc à clarifier leur position sur la question du Sahara. Selon plusieurs spécialistes, la France et la Mauritanie sont appelées à mettre fin à la politique de l’autruche et de se définir clairement sur le sujet. Au moment du discours royal, le président français est invité à une visite officielle en Algérie le 25 août. Le timing dit-il tout? 

« Nous apprécions la position claire et responsable de l’Espagne, notre pays voisin qui connaît bien l’origine et la vérité de ce conflit. Cette position constructive a ouvert une nouvelle étape de partenariat entre le Maroc et l’Espagne », a déclaré ce samedi le Souverain à l’occasion de la fête nationale appelée « Révolution du Roi et du Peuple ». Le Maroc a réalisé des progrès sur cette question après que les États-Unis ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara, suivis par l’Allemagne et l’Espagne.

Le Roi s’est également félicité de l’ouverture de consulats à Laâyoune et à Dakhla par 30 pays, dont des pays arabes tels que la Jordanie, les Émirats arabes unis, Bahreïn, Djibouti et les Comores. Cette « dynamique » a également touché 40% des pays africains, ainsi que les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, a-t-il souligné.

Dans son discours du Jour de la Révolution, le Roi Mohammed VI a appelé les « partenaires traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur la question du Sahara sont ambiguës, à clarifier et à reconsidérer leur position ». Selon certains médias, le message s’adresse notamment à la France, à quelques jours seulement de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie, prévue le 25 août.

L’axe Rabat- Paris bat de l’aile

Depuis quelques temps, la détérioration de l’axe Rabat – Paris est en partie causée par l’inquiétude de Paris, qui se voyait accorder d’office la ligne Marrakech-Agadir et aussi Fès de Paris, mais c’est sans oublier la nouvelle stratgégie du Maroc, qui désormais, s’est ouvert à tous les partenaires dans un élan de coopération gangnant-gangnant. Cette tension est renforcée par la politique des visas à l’égard des Marocains, adoptée par les France et qui a considérablement alourdi la tension entre les deux partenaires.

Sur les réseaux sociaux, des Marocains demandent le remboursement frais de visas non accordés et appellent à la revue du partenariat économique avec l’Hexagone dont 30 entreprises du CAC 40 sont représentées au Maroc.

→ Lire aussi : Souveraineté, volonté, détermination et MRE maîtres-mots du discours royal

L’attitude de Paris sur les visas est interprétée comme une pression à l’égard de Rabat pour les marchés dont les lignes TGV à grande vitesse, en particulier la ligne Marrakech-Agadir et aussi Fès, mais aussi d’autres marchés qui se referment pour les entreprises françaises, qui font les frais de l’ouverture de Maroc vers d’autres.

Saisissant l’opportunité, S.E.M Li Changlin, Ambassadeur de Chine au Maroc a indiqué, dans une interview accordée à Hespress, que les Chinois sont très intéressés à travailler avec les autorités marocaines pour mettre en place davantage de lignes TGV à grande vitesse, en particulier la ligne Marrakech-Agadir et aussi Fès.

L’ambassadeur a révélé qu’une société chinoise avait préparé une étude pour l’achèvement de la ligne de train à grande vitesse entre Marrakech et Agadir et l’avait remise à l’Office national des chemins de fer.

Cette diversification de partenaires pour le Maroc s’inscrit dans la ligne de la vision royale, affirmée par le Roi Mohammed VI en 2016, à Riyad (Arabie Saoudite), qui avait déclaré que « le Maroc est libre dans ses décisions et ses choix et n’est la chasse gardée d’aucun pays. » Le souverain précisait à cette occasion que « le Maroc restera fidèle à ses engagements à l’égard de ses partenaires, qui ne devraient y voir aucune atteinte à leurs intérêts. », a souligné le Roi Mohammed VI dans un discours à l’ouverture du Sommet Maroc-pays du Golfe en 2016.

Que cache la visite de Macron en Algérie ?

C’est dans ce contexte de tension entre Rabat et Paris que président français Emmanuel Macron doit effectuer une visite d’Etat en Algérie du 25 au 27 août dans le but de revitaliser les relations entre les deux pays après plusieurs mois de crise.

« Ce voyage contribuera à approfondir la relation bilatérale tournée vers l’avenir au profit des peuples des deux pays, à renforcer la coopération franco-algérienne face aux défis régionaux et à poursuivre les efforts de réconciliation en mémoire du passé. », a déclaré l’Elysée par un communiqué.

Le président français et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune ont évoqué cette visite lors d’une conversation téléphonique samedi 21 août 2022.

Des Marocains voient cette visite de Macron en Algérie comme une pression sur le Maroc, et qui peut aussi être interprétée comme une nouvelle alliance franco-algérienne sur le Sahara, car les médias marocains comme étrangers indexent la France comme le destinataire de l’invitation du Roi sur sa position sur le Sahara. Nonobstant l’invitation de Rabat, Paris et Alger espèrent tourner la page après une série de déchirements et de tensions qui ont culminé avec le rappel de l’ambassadeur d’Algérie en octobre 2021 après la scission du président français sur le thème « politico-militaire ».

Toutefois, au vu du contexte régional qui appelle à un repositionnement stratégique d’où la présence de plusieurs grandes puissances, dont les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l’Allemagne et Israël, la France joue gros avec un alignement qui pourrait la faire perdre du terrain, comme c’est le cas actuellement en Afrique francophone. A moins que Paris ne se mette à dérouler un tour de poker.

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