Reconstruction : un pari d’avenir

Par Mouhamet Ndiongue

Le 8 septembre 2023, un tremblement de terre a secoué les provinces de Taroudant, Al Haouz et Chichaoua, provoquant des dégâts considérables dans près de 6.210 villages et entraînant un bilan tragique de 3.000 victimes. Cette catastrophe restera gravée dans l’histoire du pays. Cependant, certains voient en cette terrible épreuve une opportunité unique de mener une restructuration cohérente et acceptée par la population, en collaboration avec des experts en sociologie, psychologie, anthropologie, géographie, démographie, architecture, urbanisme et économie. Ainsi, cette catastrophe pourrait être à l’origine d’un véritable essor de développement pour cette région délaissée.

Les discussions actuelles portent sur la reconstruction des habitations dans les villages, douars et sub-douars plus ou moins touchés par le séisme. Cela représente des milliards de dirhams marocains. La possibilité d’une « relocalisation » est également envisagée, ce qui modifierait profondément les conditions de vie dans ces communautés et pourrait les améliorer. Toutefois, la principale difficulté réside dans la dispersion des habitations dans la région. Cette dispersion pose un défi impressionnant, en particulier en raison de la répartition de la population. Dans la province d’Al Haouz, divisée en 40 communes, il existe 2.056 douars et sub-douars. Dans la province de Chichaoua, divisée en 35 communes, on compte 1.371 douars et sub-douars. Enfin, dans la province de Taroudant, qui comprend 89 communes, la population compte 2.783 douars et sub-douars.

Au total, ces trois provinces comptent 6.210 douars et sub-douars, dont la plupart se trouvent dans les contreforts du Haut Atlas. Le paysage est accidenté et rocheux, avec des sommets, des précipices, des ravins et de nombreuses vallées. Autrefois, les habitants préféraient vivre dans les régions rocheuses car elles offraient une protection contre les pillards, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Des dommages très variables

Suite au séisme, certains douars ont subi des dommages matériels considérables, tandis que d’autres ont été complètement ensevelis ou détruits. Les glissements de terrain ont rendu l’accès à ces zones difficile pour les équipes de secours. Par conséquent, elles ont souvent dû intervenir dans différentes localités dispersées. Cela a nécessité une organisation, une coordination et une logistique complexes, qui n’ont pas toujours été comprises par certains habitants.

D’autres chiffres et la faible densité des ménages habitant ces petits douars soulèvent des questions. En temps normal, le douar Talat Yaaqoub dans la province d’Al Haouz, près de l’épicentre du séisme, comptait 82 ménages (336 personnes). Dans le douar d’Ijoujak, il y avait 57 ménages (280 personnes) et dans le douar d’Ighil, 64 ménages (322 personnes). D’autres chiffres montrent que cette répartition sur une grande étendue géographique et accidentée ne favorise pas une planification spatiale efficiente. Dans la province de Taroudant, le douar de Tamaloukt comptait 178 ménages (635 personnes) et le douar de Tajgalt, 62 ménages (327 personnes). Dans la province de Chichaoua, le douar de Tikekht comptait 88 ménages (380 personnes).

Quid de l’approvisionnement en eau, en électricité et en infrastructures

L’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) est bien conscient des problèmes sur place. L’organisme a déjà raccordé de nombreux endroits au réseau électrique national. Cependant, l’électrification reste un défi majeur et coûteux pour les 6.000 douars restants.

Lire aussi : Recensement des victimes du séisme d’Al Haouz: Un premier pas vers la reconstruction

Il en va de même pour le ministère de l’Éducation, de la Santé et des Travaux publics. Les besoins restent considérables et ces ministères travaillent sans relâche pour équiper les douars de centres scolaires et de santé, ou du moins pour les rendre plus proches et accessibles.

Réconciliation entre mode de vie et développement moderne

Depuis des générations, les habitants de ces régions reculées ont adopté un mode de vie et une économie adaptés. Ils se sont principalement concentrés sur l’élevage et la culture des produits alimentaires.

Le respect du mode de vie des habitants est essentiel. Il s’agit de garantir le respect des droits de l’Homme. Cependant, cela implique également de fournir de l’eau potable, de l’électricité, des centres de santé, des écoles et des routes d’accès à ces 6.000 douars et sub-douars situés dans des zones à risque sismique.

En raison de cette dispersion géographique extrême, il n’est pas facile de mettre en place une infrastructure uniforme. Outre le risque sismique, ces communautés doivent faire face à des hivers rigoureux et sont souvent isolées par la neige. Des mobilisations sont organisées chaque année pour approvisionner les habitants en nourriture, vêtements et bois de chauffage, et pour déblayer les voies d’accès.

Encadré 1

Par ailleurs…

Dans d’autres pays africains, des déplacements forcés brutaux ont été entrepris, ce que l’on appelle la «villagisation». En Amérique latine, la nécessité de la relocalisation s’est fait grâce au dialogue, à la consultation et à différentes motivations.

Cette catastrophe peut être l’occasion de mener des recherches avec des sociologues, des psychologues, des anthropologues, des géographes, des démographes, des architectes, des urbanistes et des économistes afin de définir les conditions d’une relocalisation cohérente et acceptée par la population.

Il est également essentiel de tirer des enseignements de ce séisme pour l’aménagement du territoire régional. L’objectif est de garantir une répartition équitable et équilibrée des ressources et des activités, afin que toutes les régions et toutes les populations puissent participer à la dynamique économique du pays.

Encadré 2

Zoom sur le programme de reconstruction pour les zones touchées par le séisme

Quelques heures après le séisme qui a frappé la province d’Al Haouz, le Maroc a mis en place un programme d’aide d’urgence pour faire face aux conséquences du drame. Le 10 septembre, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présidé une réunion du comité interministériel chargé de superviser la mise en œuvre de ce programme, mettant l’accent sur la reconstruction des lieux d’habitation et la reprise des activités socio-économiques dans les zones touchées.

L’objectif principal du programme d’aide d’urgence est de réhabiliter et de reconstruire les maisons et les bâtiments endommagés ou détruits par le séisme. Les familles ayant perdu totalement ou partiellement leur logement bénéficieront d’une aide financière d’urgence de 2.500 dirhams par mois, allouée du 6 octobre 2023 au 16 octobre 2024.

Outre la reconstruction des habitations, les infrastructures routières endommagées seront également réparées et étendues. Un plan est prévu pour ouvrir et élargir la route entre Ouirgane et Tlat Yacoub, ainsi que la route entre Tizi tasset et Tafoughalet. Cela permettra de faciliter les déplacements et de rétablir les échanges commerciaux dans la région.

Pour rétablir les activités socio-économiques dans les zones touchées. Plus de 1 000 écoles seront expertisées pour garantir un retour sécurisé des élèves à l’éducation. De plus, les centres de santé seront renforcés pour assurer un accès adéquat aux soins de santé. Les agriculteurs, quant à eux, recevront une aide pour reconstituer leur cheptel national et des subventions seront accordées pour l’achat d’aliments composés et d’orge dans les régions touchées.

S’agissant des projets de reconstruction, le gouvernement a décidé d’allouer 2,5 milliards de dirhams du Fonds spécial destiné à faire face aux conséquences du séisme. Les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’équipement, de l’habitat, de la culture, du tourisme, de l’agriculture et du logement bénéficieront de ces fonds pour soutenir les différentes priorités du programme intégré de reconstruction.

Avec ces mesures, le gouvernement est déterminé à améliorer le programme de reconstruction conformément aux instructions royales. Lors de la réunion du comité interministériel, il a été confirmé que des projets urgents étaient déjà en cours de réalisation. Des études architecturales et techniques seront menées pour la reconstruction et la modernisation des écoles, des centres de santé, des sites historiques ainsi que des mosquées, zaouias et mausolées.

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