Réformes : Le Maroc face à lui-même

Mouhamet Ndiongue

L’heure de faire un bilan exhaustif sur les réformes de l’administration publique qui depuis un demi-siècle visent à accompagner le Maroc dans ses transformations structurelles à tous les niveaux, sur le plan économique, pourrait être salutaire afin de rectifier le tir si des dysfonctionnements ont été enregistrés, durant les phases d’élaboration de ces réformes. Avec plusieurs ambitions notamment de faire bonne figure sur l’indice Doing business, de faire du capital humain un axe majeur du programme de développement, le Maroc s’est engagé sur d’autres chantiers de réforme ou de programme, notamment révolutionnaire comme le Nouveau modèle de développement ou le vaste chantier de la régionalisation avancée.

La mise en place après l’indépendance du Maroc d’une administration moderne efficace, qui fonctionne selon certain nombre de normes universelles, a permis de manière rapide et assez efficace le développement économique du pays. Sur le plan infrastructurel, nous avons assisté à un rôle prépondérant de l’administration publique, à travers l’augmentation de l’investissement public en matière de réglementation de lois, notamment à la constitution d’ailleurs de 2011, qui identifie de manière très claire le rôle que doit jouer l’administration dans son interaction avec les citoyens.

Comme dans la continuité de cette constitution, il y a un certain nombre de choses à dire en termes de politiques de programmes qui ont été mises en place notamment la simplification des procédures administratives et tout ce qui lie à la mise en place d’une nouvelle charte des services publics. Malgré toutes ces initiatives, l’administration publique a ses faiblesses et ses défaillances, ajouter à cela un certain nombre de lacunes et une bureaucratie qui souffre de lourdeurs, dont la « bureaucratie pléthorique ». Tous ces facteurs conduisent à une certaine inadéquation entre les attentes légitimes des Marocains par rapport à ce qu’ils attendent d’une administration publique en matière de gage de qualité de service public en matière de proximité, de transparence, de sécurité et de célérité dans le traitement des actes administratifs.

Selon Aahd Benmansour, économiste en gouvernance et relations internationales, « sur les dimensions fondamentales de la gouvernance, à savoir la représentation politique, la gestion économique et l’efficacité économique, il est établi par nombre de rapports nationaux et internationaux qu’en dépit des réformes constitutionnelles, institutionnelles et législatives, entreprises par les autorités publiques, des dysfonctionnements persistent. Ils concernent notamment la mise en œuvre des réformes visant à instaurer la transparence et l’éthique dans la gestion publique ».

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Il rappelle le Discours du Trône du 29 juillet 2020, où S.M. le Roi Mohammed VI avait appelé à une réforme profonde du secteur public qui doit être lancée avec diligence pour corriger les dysfonctionnements structurels des établissements et des entreprises publics, garantir une complémentarité et une cohérence optimales entre leurs missions respectives et, in fine, rehausser leur efficience économique et sociale. A cet effet, le Souverain avait donné ses instructions pour la création d’une Agence nationale dont la mission serait d’assurer une gestion stratégique idoine des participations de l’Etat et d’opérer un suivi de la performance des établissements et entreprises publics.

Appel à la prise de conscience

Pour conduire à merveille les réformes engagées par le gouvernement, il faut une véritable prise de conscience sur la nécessité de passer d’un modèle de développement qui a fait ses preuves mais qui atteint ses limites à un autre modèle de développement en se basant sur un nouveau référentiel, une nouvelle manière, une nouvelle approche de travail et de nouvelles mentalités.

Ce qui est intéressant c’est qu’il y a la nécessité et la volonté de faire adhérer l’ensemble des parties prenantes du Maroc à ce modèle de développement, à travers un pacte national de développement, qui doit donc engager l’ensemble des forces vives de la nation par des droits mais surtout des obligations. et on sent que l’idée force de ce pacte mis à part, les propositions d’un certain jack stratégique ont été choisies et mises en exergue. Mais il y a un besoin pour atteindre les objectifs ambitieux et la nécessité de faire adhérer l’ensemble des parties prenantes à travers un pacte autour d’un slogan qui me paraît intéressant : un état fort et une société forte et dans ce cadre-là l’administration publique marocaine doit jouer un rôle majeur pour accompagner la mise en place effective de ce modèle de développement à côté d’autres éléments de l’administration publique marocaine.

La gestion des finances publiques remise en cause par des choix politiques

Parallèlement aux réformes administratives, les finances publiques ont besoin d’une véritable réforme. L’économiste Aahd Benmansour explique que « l’administration publique est soumise aux nouvelles règles de gestion définies par la Loi Organique relative à la Loi de finances de 2016 qui entraîne l’obligation de maîtrise et du pilotage budgétaire, le renforcement de la transparence de l’action publique, la bonne gouvernance et la reddition des comptes. Cette maîtrise s’opère au demeurant via la programmation budgétaire triennale qui fait l’objet d’une actualisation annuelle ».

Toutefois, M. Aahd estime que « si l’administration publique a gagné en autonomie et en responsabilités de gestion durant ces dernières années (décentralisation et déconcentration), elle demeure impactée considérablement par les parties prenantes internes et externes. Ainsi, quand on aborde le contrôle des deniers publics, partie essentielle de la chose publique, on s’aperçoit que la gestion des finances publiques peut être non seulement remise en cause par des choix politiques mais également par le comportement des gestionnaires publics ».

En conséquence, la mise en place d’un véritable process de contrôle de gestion au sein de l’administration publique demeure tributaire de l’existence d’un système de contrôle interne, qui est seul en mesure d’instaurer des valeurs pérennes d’équité, d’efficacité et de transparence.

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