Réguler la distribution pour surmonter la crise de l’édition

Dans un secteur où les défis semblent aussi vastes que les opportunités, la maison d’édition Le Fennec, fondée par Layla Chaouni, se positionne comme un acteur incontournable du paysage culturel marocain. Safaa Ouali, représentante de cette institution, s’est récemment entretenue avec MAROC DIPLOMATIQUE pour évoquer la situation actuelle de l’édition au Maroc.

Safaa Ouali ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de décrire la situation critique que traverse l’industrie du livre. « Nous sommes confrontés à une crise sévère, » dit-elle. Les coûts prohibitifs du papier ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Selon elle, c’est toute la chaîne de production et de distribution qui est mise à mal, impactant éditeurs et lecteurs à l’échelle nationale et internationale.

La maison d’édition Le Fennec, connue pour son catalogue impressionnant de plus de 600 titres en arabe et en français, a toujours cherché à innover pour contrer ces difficultés. « Notre réponse à la crise passe par l’accessibilité, » explique Ouali. En introduisant des collections de poche à moins de 30 dirhams, Le Fennec ouvre les portes de la littérature à un public plus large, notamment les étudiants et les lecteurs à faible pouvoir d’achat.

La distribution reste néanmoins un casse-tête pour l’éditeur. « C’est notre principal obstacle, » confie Ouali. La collaboration avec Sochpress, bien que prometteuse pour une diffusion nationale, se heurte à des problèmes logistiques qui entravent la distribution efficace des livres. Les revenus générés peinent à couvrir les frais opérationnels, un dilemme qui n’est pas propre au Maroc mais qui se retrouve dans l’absence de distributeurs dans le monde arabe, rendant l’envoi de livres particulièrement onéreux.

Face à ces contraintes, Le Fennec ne baisse pas les bras. La promotion des livres, souvent reléguée au second plan faute de moyens, trouve un nouveau souffle grâce aux réseaux sociaux et aux partenariats stratégiques. « Nous devons être créatifs dans notre approche, » affirme Ouali. Les événements internationaux, tels que le Salon du Livre de Bruxelles, deviennent des vitrines essentielles pour l’éditeur, lui permettant de se mesurer aux géants français du secteur.

Safaa Ouali a aussi exprimé ses préoccupations quant au manque de soutien institutionnel dans l’industrie de l’édition. « En tant qu’éditeurs, nous avons souvent l’impression de naviguer sans accompagnement, » a-t-elle déclaré. Toutefois, elle reconnaît une exception notable : les programmes de subventions directes pour la production et la distribution de livres. « Il y a deux ans, une initiative publique a significativement soutenu notre maison d’édition en acquérant un volume conséquent de nos ouvrages, ce qui a constitué une forme de subvention indirecte, » explique-t-elle.

L’année précédente, une aide financière a été allouée directement à la production de certains titres, bien que cette mesure soit annuelle et sélective. « C’est un soutien crucial, bien que nous ne puissions ignorer son caractère limité, » admet Ouali. Elle souligne également l’importance des salons du livre, notamment celui de Rabat, où bien que bien organisé les éditeurs ne bénéficient pas de prise en charge, contrairement à celui d’Oujda où la prise en charge est assurée, allant du transport jusqu’à l’hébergement. « Ces événements sont essentiels pour nous, malgré les coûts élevés des stands, en particulier à Rabat où le prix au mètre carré est prohibitif, » ajoute-t-elle.

La récente délocalisation du Salon du Livre de Casablanca à Rabat a engendré des dépenses supplémentaires non négligeables pour les éditeurs, qui ne sont pas subventionnés pour ces coûts. Néanmoins, Ouali témoigne de la qualité de l’organisation de ces salons, qui permet aux éditeurs de travailler dans d’excellentes conditions et d’atteindre une rentabilité bénéfique. « Malgré les défis, ces plateformes restent avantageuses pour nous, » conclut elle avec optimisme.

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