Sénégal : Craintes sur un « compromis à l’africaine »

Le président sénégalais Macky Sall a accordé une entrevue exclusive à l’agence de presse Associated Press (AP) vendredi 9 février 2024, dans laquelle il a répondu aux accusations portées contre lui par l’opposition et la société civile. Il a également évoqué la possibilité d’un dialogue national pour préparer les prochaines élections dans un climat de confiance et de sérénité.

Macky Sall fait face à une contestation populaire depuis qu’il a annoncé sa candidature à un troisième mandat présidentiel, en violation de la Constitution qui limite le nombre de mandats à deux. L’opposition et la société civile dénoncent un coup de force du chef de l’Etat, qui aurait manipulé le Conseil constitutionnel pour valider sa candidature. Ils réclament le respect de la loi fondamentale et l’organisation d’élections libres et transparentes.

Le président sénégalais a balayé ces allégations, affirmant qu’il n’avait pas encore pris de décision définitive sur sa candidature et qu’il attendait le verdict du Conseil constitutionnel. « Il est trop tôt pour moi d’envisager cette perspective (…) Lorsque la décision sera prise, je pourrai dire ce que je ferai », a-t-il déclaré à l’AP.

Macky Sall a par ailleurs exprimé sa volonté de pacifier l’espace public avant de passer la main à un successeur. Il a souligné qu’il ne voulait pas laisser derrière lui un pays qui plongerait dans des difficultés majeures après son départ. « Je dis maintenant que je vais travailler pour l’apaisement, pour les conditions qui permettront au pays d’être pacifique (…) Organisons tous des discussions inclusives avant d’aller aux élections », a-t-il proposé.

Le chef de l’Etat a annoncé le lancement d’un dialogue national, qui pourrait commencer dès la semaine prochaine, avec la participation de toutes les forces vives de la nation. L’objectif est de favoriser la confiance et de créer un environnement inclusif pour les élections, a-t-il expliqué. Il a également appelé la communauté internationale à faire preuve de retenue et de compréhension alors que le Sénégal traverse une période difficile. « Dans les périodes de fragilité, nous devons être prudents (…) Le pays doit traverser cette étape de transition électorale en toute lucidité et tranquillité, pour que le pays continue d’avancer », a-t-il conclu.

Un scénario de sortie de crise par un coup d’état « soft » ?

Face à la crise politique qui secoue le Sénégal, certains observateurs évoquent l’hypothèse d’un coup d’état militaire « soft » orchestré par le régime de Macky Sall avec le soutien de la France, son principal partenaire économique et politique. Cette solution permettrait au président de sauver la face et de garantir sa sécurité, tout en désignant un successeur de son choix favorable également à la France.

Ce scénario, qualifié de « compromis à l’africaine », prend de l’ampleur après les récentes déclarations du chef de l’Etat et la répression violente d’un rassemblement pacifique qui a coûté la vie à au moins deux personnes. Il s’inspirerait du cas du Burkina Faso, où le président Blaise Compaoré avait été contraint à la démission en 2014 après 27 ans de pouvoir, suite à une insurrection populaire. Il avait alors été remplacé par un gouvernement de transition dirigé par un militaire, le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui avait organisé des élections démocratiques l’année suivante.

Toutefois, ce scénario est loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique et de la société civile sénégalaises, qui réclament le respect de la Constitution et de la souveraineté du peuple. Ils craignent que ce coup d’état « soft » ne soit qu’un moyen de perpétuer le système en place et de maintenir les intérêts de la France au détriment du développement du pays. Ils appellent donc à la mobilisation citoyenne pour faire barrage à toute tentative de confiscation du pouvoir par le président Macky Sall.

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