Taxe carbone: Le Maroc appelé à adopter une approche proactive

Par Matar Bensalmia

Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MAFC) s’est imposé comme un outil politique crucial parmi les efforts de l’Union européenne (UE) pour lutter contre le changement climatique et prévenir les fuites de carbone. En fixant un prix sur les émissions de carbone intégrées dans certains biens importés dans l’UE, ce mécanisme a le potentiel d’impacter les économies du monde entier, y compris celle du Maroc. C’est ce qui ressort d’une note d’orientation publiée par le Policy Center for The New South (PCNS). Le document examine les récents développements du MAFC et évalue leurs implications pour l’économie du Maroc et ses efforts en matière de changement climatique. Quels défis attendent l’économie marocaine ? Et quelles sont les implications en termes de coûts, de compétitivité, d’exigences de conformité, d’ajustements de la chaîne d’approvisionnement et d’exposition accrue aux risques? Le policy brief s’est également attelé aux opportunités disponibles pour le Maroc et à l’importance de mettre en œuvre des politiques ciblées, de renforcer le cadre réglementaire, de promouvoir des initiatives de renforcement des capacités et de favoriser la coopération pour naviguer de manière efficace dans la période de transition du MAFC.

Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières a été dévoilé par la Commission européenne le 14 juillet 2021. Son objectif principal est de mettre en place une tarification des émissions de carbone pour certains biens importés dans l’Union européenne (UE). Cette mesure vise essentiellement à lutter contre la fuite de carbone, qui survient lorsque certaines entreprises déplacent leur production vers des pays avec des politiques climatiques moins contraignantes pour éviter les taxes carbone. Le MAFC cherche ainsi à augmenter le coût des importations à forte empreinte carbone, afin d’encourager les importateurs à répondre à des normes climatiques élevées, similaires à celles appliquées dans les 27 États membres de l’UE.

Selon la même source, la mise en œuvre du mécanisme se déroulera en deux phases. Une phase transitoire débutera d’octobre 2023, tandis que la seconde est opérationnelle et débutera en 2026. Selon cette régulation, les importateurs de biens soumis à ce mécanisme devront acheter des quotas pour compenser les émissions de carbone associées à ces biens. Cette mesure est prévue pour générer des revenus substantiels pour l’UE, soit des milliards d’euros, qui seront ensuite utilisés pour soutenir les objectifs de lutte contre le changement climatique, notamment en finançant des projets d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique.

A l’échelle nationale, il s’agit d’une étape importante vers l’alignement sur les pays européens qui ont déjà mis en place un Mécanisme d’Ajustement Carbone à Frontières Carbone dans leur lutte contre le changement climatique. Son introduction aura des répercussions nuancées sur l’économie, révèle la même source. Et ce, principalement en raison de ses relations commerciales étroites avec l’UE. En effet, l’UE est le principal partenaire commercial du Maroc, représentant plus de la moitié de son commerce total et 65% de ses exportations. Les échanges commerciaux avec l’UE concernent principalement des produits agricoles, des voitures, des textiles, des pièces d’avion, des produits de la pêche et des phosphates.

Quantifier précisément l’impact du MAFC sur le Maroc s’avère une tâche complexe, étant donné les incertitudes entourant la conception et la portée du mécanisme, ainsi que les défis liés à la gestion des émissions indirectes de gaz à effet de serre. D’après le PCNS, malgré l’absence d’évaluations quantitatives complètes, certaines conséquences peuvent être envisagées à partir des données disponibles. Pour cela, il est essentiel de prendre en compte le contexte mondial et la position du Maroc au sein de celui-ci.

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Pour appréhender la vulnérabilité des partenaires commerciaux de l’UE face au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, il est important d’analyser les pays qui figurent parmi les principaux exportateurs de produits soumis au MAFC à destination de l’UE. Selon les données de 2019 citées par le PCNS, la Russie, la Chine et la Turquie se sont positionnées en tant que principaux exportateurs de ces produits en termes de valeur.

Comparé à ces pays, le Maroc présente une faible dépendance vis-à-vis des exportations de produits soumis au MAFC vers l’UE, représentant seulement 3 % de ses exportations vers cette région. Cependant, au sein de ce sous-ensemble, les engrais représentent un pourcentage important de 78 %, ce qui rend ce secteur particulièrement vulnérable aux impacts potentiels de ce mécanisme sur l’économie marocaine.

L’ampleur de l’impact du MAFC sur l’économie marocaine sera influencée par plusieurs facteurs. Il s’agit tout d’abord, la conception spécifique du mécanisme jouera un rôle clé dans la manière dont il affectera le Maroc. De plus, les efforts de décarbonation déjà entrepris par le Maroc seront déterminants dans sa capacité à répondre aux exigences du mécanisme.

L’adaptabilité et l’innovation des entreprises marocaines face au MAFC auront également un impact sur la manière dont elles peuvent réagir aux nouvelles contraintes et opportunités du marché. En outre, l’accès au financement sera un facteur crucial, car les entreprises qui nécessitent des fonds pour leurs initiatives de décarbonisation pourraient être désavantagées si les coûts d’emprunt augmentent en raison de la mise en place du mécanisme.

Recommandations

Pour faire face à ces défis, le PCNS appelle le Maroc à concevoir et mettre en œuvre des politiques spécifiques pour soutenir les secteurs directement affectés par le MAFC, tels que la production de ciment, d’acier et d’engrais. Ces politiques devraient viser à améliorer l’efficacité énergétique et à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en préservant la compétitivité de ces secteurs. Le modèle de « verdissement » déjà mis en place dans les industries liées aux phosphates pourrait servir d’exemple pour d’autres secteurs.

Selon la même source, afin d’assurer la conformité aux réglementations environnementales et faciliter le suivi des progrès, il est crucial d’établir des systèmes complets de certification et de surveillance.

Au-delà des secteurs directement touchés par le MAFC, le Maroc doit continuer à promouvoir sa vision globale de décarbonation dans d’autres secteurs clés tels que l’énergie, l’agriculture, les transports et les industries extractives. Des politiques ambitieuses doivent être mises en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans toute l’économie marocaine. Cela passe notamment par le développement des énergies renouvelables, l’adoption de pratiques agricoles durables, la promotion des transports propres et l’amélioration de l’efficacité énergétique dans toutes les industries.

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