Trump sur la défensive après la « surprise de septembre »

Par Farouq El Alami

Alors qu’ils croisaient les doigts pour une « surprise d’octobre » à même de réduire le retard pris par Donald Trump face à son rival démocrate Joe Biden, c’est bien à la « surprise de septembre » qu’auront eu droit les républicains à moins de deux mois du scrutin du 3 novembre.

En cause, les révélations fracassantes issues du livre attendu du célèbre journaliste américain Bob Woodward, « Rage », dont la sortie est prévue le 15 septembre.

Mercredi, le tout Washington découvrait avec stupeur des extraits de ce livre très attendu, ainsi que des enregistrements audio tirés des 18 entrevues accordées par le président américain au journaliste qui a mis à jour le scandale du Watergate, avec son collègue du Washington Post, Carl Bernstein.

Dans ces passages largement relayés par la presse américaine, on entend le président américain confier à Woodward, le 7 février déjà, que la Covid-19 constituerait une menace à la sécurité nationale des Etats-Unis, au moment où seuls quelques cas étaient enregistrés dans le pays et alors que les Américains étaient loin de réaliser les risques posés par la maladie.

Les confessions de Trump contrastent fortement avec ses commentaires publics récurrents à l’époque où ils insistait que le virus « allait disparaître » et que « tout irait bien ».

Un mois plus tard, en mars, Donald Trump avouait à Woodward que bien qu’étant conscient de la gravité de la situation, il tentait sciemment d’en minimiser l’ampleur dans ses déclarations au public.

« Je voulais toujours le minimiser », a révélé Trump à Woodward le 19 mars, alors même qu’il avait décrété l’état d’urgence nationale à cause du virus quelques jours plus tôt. « J’aime toujours le minimiser, parce que je ne veux pas créer de panique. »

Sentant une opportunité politique à ne pas manquer, le candidat démocrate à la présidentielle, Joe Biden, et ses alliés, ont rapidement dénoncé les propos du président, qualifiant sa gestion de la pandémie qui a coûté la vie à plus de 190.000 Américains « d’au-delà de méprisable ».

Mais il en faut plus pour déstabiliser le locataire de la Maison Blanche, qui a répliqué que s’il avait minimisé la gravité de la Covid-19, c’était pour éviter la panique et pour « afficher de la force en tant que leader ».

Trump a également visé personnellement Jonathan Karl, correspondant en chef d’ABC News à la Maison Blanche, après que ce dernier lui eut demandé, lors d’une conférence de presse jeudi à la Maison Blanche, pourquoi il « avait menti au peuple américain et pourquoi devrions-nous faire confiance à ce que vous avez à dire maintenant? ».

« C’est une question terrible..Je n’ai pas menti », a répondu Trump. « Votre question, la façon dont vous l’avez formulée est une telle honte. C’est une honte pour le réseau de télévision ABC. C’est une honte pour votre employeur », a-t-il rétorqué, du tac-au-tac.

Fidèle à ses attaques virulentes contre les média, le président américain s’en est également pris à Bob Woodward sur Twitter.

« Bob Woodward avait mes déclarations depuis de nombreux mois. S’il pensait qu’elles étaient mauvaises ou dangereuses, pourquoi ne les a-t-il pas immédiatement signalées dans le but de sauver des vies? n’avait-il pas l’obligation de le faire? Non, car il savait que c’étaient de bonnes réponses », a soutenu le président américain.

Mais alors que les remarques de Trump ont consumé Washington et les médias politiques, un autre débat a eu lieu sur les réseaux sociaux qui a remis en question l’éthique du célèbre journaliste d’investigation.

« Bob Woodward connaissait la vérité derrière la maladresse mortelle de l’administration – et pire encore – et il l’a gardée pour son livre, qui sera publié avec un succès fou et d’énormes profits après la mort de près de 200 000 Américains », a notamment écrit un journaliste d’Esquire sur Twitter, Charles Pierce.

« Il n’y a aucune défense éthique ou morale à la décision de Woodward de ne pas publier ces enregistrements dès qu’ils ont été faits », a renchérit, dans cette même veine, John Stanton, l’ancien chef de bureau de BuzzFeed à Washington.

Dans une brève interview avec l’Associated Press, Woodward a soutenu qu’il avait besoin de temps pour s’assurer de l’exactitude des déclarations de Trump.

Au-delà du livre et la controverse qu’il suscite, le coronavirus, et la gestion de l’épidémie et ses effets par l’administration Trump, deviennent le problème majeur de l’élection présidentielle. Mais bien que devancé dans les sondages, le candidat républicain est loin d’avoir dit son dernier mot. Comme il l’a tweeté mercredi : « Du calme, pas de panique! ».

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