Un destin de FEMMES…
Par Rachid Boufous
Comme chaque année le 8 mars est la journée mondiale des femmes. On y célèbre celles qui représentent aujourd’hui plus de la moitié de l’humanité terrienne. Que de chemin parcouru par 08 depuis la nuit des temps… et ce n’est pas fini…
Dans les civilisations anciennes les femmes étaient des reines, des impératrices ou des guerrières qui commandaient des nations entières. Entre Nefertiti qui fut la grande reine de l’Égypte, la femme du pâle Akhenaton, en passant par Hélène pour laquelle on fit la guerre de Troie, Makeda alias Belqis, la mythique reine de Saba qui tint tête à Salomon, ou la grande Cleopatre qui fit tourner la tête à Cesar et Antoine réunis, la femme eut toujours un destin hors du commun et marqua par sa trace, l’histoire, qu’elle fut grande ou petite…
Et puis un jour, ça n’a plus été du goût des hommes. Alors on s’empressa de la faire passer pour une comploteuse, une menteuse, une sorcière. On chercha même à faire remonter ses méfaits aux débuts des temps, avec l’improbable Ève qu’on accusa d’avoir donné la pomme à Adam, obligeant le couple à se faire virer du paradis. Même si cette affaire est peu claire, on incrimina vite la pauvre Ève qui en prit plein pour sa pomme…
Depuis, la femme est souvent accusée de tous les maux et il n’y eut plus assez de mots pour l’invectiver, la stigmatiser, l’humilier, l’insulter. La femme ne devait plus apparaître à sa place, d’être l’égale de l’homme. On la retira de la une de l’Histoire pour la reléguer au second plan, quitte à l’enterrer vivante, à un très jeune âge, car elle apportait la honte à la « hommitude » de l’homme et de sa tribu.
On lui ota ses droits successoraux en matière d’héritage. On la fit emmitoufler dans des draps obscurs et de lourdes cotonnades. On lui interdisait de sortir seule pour faire du shopping, comme il était de coutume depuis toujours. Bref, elle devait impérativement cacher ce corps, devenu soudain objet du désir charnel et interdit.
La femme devait la fermer, se contenter de faire la tambouille, de pondre des morveux à n’en plus finir, accepter la multitude des épouses, des concubines et subir la violence qui va avec : les coups, les injures, les humiliations, les remontrances, les colères des hommes fiers qu’ils sont d’avoir pu mater les seules voix qui pouvaient leur tenir tête.
On accusa la femme de sorcellerie, de médisance, de fourberies, de manigances. On la marqua au fer rouge et on la vendît dans les souks au plus offrant, pour qu’elle aille servir d’esclave domestique ou sexuelle dans les demeures seigneuriales. Elle était devenue une simple marchandise qu’on vendait par acte notarié pour établir des alliances tribales. Dans certaines civilisations elle devait même apporter sa propre dot pour contenter le mâle avide d’or et de richesse.
La femme devint ainsi source de tourments, de déviation des bonnes mœurs en société, à force de tourner la tête aux Imams, aux Curés, aux Rabbins et aux Moines bouddhiques… la religion s’emparait finalement du corps des femmes pour ne plus le lâcher. La femme devait se cacher, demeurer hors de la vue des étrangers, emmurée, cloîtrée derrière de hautes murailles et d’infranchissables donjons, subir en silence la violence d’un monde dominé par des mâles lubriques et dominants.
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La femme n’avait plus le droit de décider de son destin, sans l’autorisation d’un tuteur toujours mâle, même mineur, garant de sa rectitude et de sa chasteté.
La femme avait beau s’astreindre à autant d’infamies, elle n’était toujours pas reconnue, ni récompensée pour services rendus et sévices subis. On gomma même son destin au Paradis, pourtant promis à tous les bons croyants et où par enchantement on ne parlait plus d’elle, n’ayant même pas droit à des hourris mâles, comme si on lui réservait de facto une place en enfer, sans possibilité de dérogation… triste destin que celui des femmes.
Proie facile, faible, sans défense, la femme fut pendant des siècles reléguée au second plan, moins importante dans l’ordre protocolaire familial et social que le bétail. Elle n’avait même pas le droit de prêcher la bonne parole, qu’elle fut religieuse ou politique, ou pire, d’aller à la guerre aux côtés des hommes…
Et quand la femme exprimait des velléités d’indépendance, le gibet, le billot, le bûcher ou l’échafaud n’étaient pas bien loin, pour lui rappeler que c’était l’homme qui décidait de son destin…
Ceci témoignait surtout d’un fait : l’homme avait peur de la femme. Peur qu’elle puisse le supplanter dans le commandement, dans la conduite des affaires, dans les savoirs, dans la vie d’ici bas ou dans celle de l’au-delà…
Puis un jour, à force de persévérer la femme a pu changer sa condition, étudier, travailler, finir par avoir le droit de vote, de se présenter aux élections, et enfin arriver au pouvoir par la grande porte. L’homme ne pouvait plus l’ignorer, la mépriser, la snober, même si les mauvaises pratiques d’antan demeuraient vivaces, tant la violence verbale et physique semblent être l’ADN des hommes…
Les succès succédèrent aux succès : première femme dans l’espace, sous terre, sur les mers, dans les airs, sur les rails. Première femme Prix Nobel, Prix Goncourt, Prix Pritzker, Prix Sacharov, Prix Pulitzer. Première femme académicienne, recteur d’université, avocate, médecin, notaire, architecte, ingénieur, taxi driver, éboueur, général, chef d’orchestre, premier ministre, chef de parlement…
La femme était enfin arrivée à supplanter l’homme aux postes les plus et les moins prestigieux, arrache la place qui lui revient de droit au sein de la société : l’égale de l’homme. Mais ce n’est pas encore gagné pour autant, la femme étant toujours moins rémunérée et considérée, à compétence égale, que l’homme.
De ce côté-ci de la civilisation humaine, la femme souffre toujours de traditions et de vécus qui ont la peau dure. On continue encore à la vilipender, à la considérer comme mineure, à lui refuser son droit plein et entier à l’héritage. On continue à la pister, à lui refuser de se déplacer librement, d’avoir souvent la garde de ses enfants, de refuser de lui payer les pensions auxquelles elle a droit. On continue aussi à la maltraiter et à la harceler dans l’espace public.
Et pourtant la femme est le symbole de la vie, car elle la porte en elle pendant neuf mois et la porte à bouts de bras pendant des dizaines d’années, après…
Le chemin vers la totale émancipation de la femme reste encore long et semé d’embûches, tant elle représente une réelle menace pour la place de l’homme en société. On revient de loin, les temps obscurs semblent être derrière nous, mêmes si les idées obscurantistes demeurent vivaces et polluent encore les esprits épris de lumières.
Alors, FEMMES d’ici et d’ailleurs, ne perdez pas espoir et continuez à grignoter les places qui vous reviennent de droit. Ne baissez pas les bras et ne cessez jamais de réclamer vos droits, quitte à les arracher les uns après les autres, car les hommes ne comprennent que le langage de la force, depuis la nuit des temps… ceci est votre destin.