Le fabuleux langage de Hiba Khamlichi

Biennale de New York 2015

« Ayant bu des mers entières, nous restons tout étonnés que nos lèvres soient encore aussi sèches que des plages, et toujours cherchons la mer pour les y tremper sans voir que nos lèvres sont les plages et que nous sommes la mer. »
                                                                                           FarîdAl-DînAttâr

Le talent n’attend pas le nombre des années. Il naît d’une sensibilité singulière qui, cependant, lorsqu’elle s’exprime si tôt et avec un tel brio, ne peut évidemment que nous interpeller et nous éblouir. Hiba Khamlichi n’a que 14 ans. Pourtant, du haut de ses jeunes années, elle porte sur le monde un regard d’une telle acuité, d’une telle profondeur et d’une telle finesse à la fois qu’elle s’est déjà imposée comme l’une des figures de l’art contemporain au  Maroc. Tout comme sa sœur, Ghita, âgée de 18 ans, Hiba a d’ores et déjà toute une œuvre portant sa griffe. Des années de carrière qui lui ont valu nombre de consécrations et augurent d’un bel avenir pour cette artiste qui vient de décrocher, à la Biennale de Kanagawa, au Japon, le Grand Prix du « President of Japan International Cooperation Agency ».

Comme le talent, la mémoire non plus n’attend pas le nombre des années. Dans le cas de Hiba, qui convoque dans ses œuvres une multiplicité de mondes, elle fait parler, certes, sa terre natale à travers objets et symboles traditionnels, mais surtout par cette manière furieusement moderne qu’elle a de revisiter certaines pratiques ancestrales du zellige, de la fresque, en faisant naître la forme de l’éclatement dans un savant et divin assemblage. Mais Hiba multiplie surtout les références à une infinité de langages tressés pour laisser éclore un langage nouveau, tendu vers l’universel. Car si sa terre du Maroc est là, prégnante, dans les tracés, les figures épelées, les puzzles par éclats de céramique, l’art rupestre, la fresque byzantine, le hiéroglyphe, la miniature persane, l’art du graffiti habitent aussi ses œuvres qui semblent défier toutes les frontières des temps et de l’espace. Elles interpellent aussi bien la suite mathématique de Fibonacci que le langage secret des oiseaux de Farîd Al-Dîn Attâr. Et les mots du poète mystique, mis ici en exergue, n’ont pas été cités par hasard. Ils prennent là tout leur sens. Le sens que leur donne une artiste à la fois assoiffée et gorgée de monde et qui puise en elle, en ses émotions, en ses troubles à l’épreuve du monde et de ses choses, pour un éclat de vérité. Avec une force et une sensibilité rares. Une authenticité éclatante. Au point d’ailleurs que la jeune artiste a du mal à se séparer de ses œuvres. Et les larmes ont coulé lorsqu’elle a concédé à se séparer de sa vertigineuse Conférence des Oiseaux.

14 ans et déjà une immense carrière

« Quand j’ai créé mon propre style à l’âge de 8 ans, je ne savais pas que tous les éléments de l’univers étaient connectés entre eux d’une façon ou d’une autre. Mais, depuis que j’ai découvert la Suite de Fibonacci et le Nombre d’Or, mes recherches artistiques, et bientôt scientifiques, vont dans  le  sens de détecter de nouveaux codes et de nouveaux mystères liés à cette divine proportion. »

La jeune lycéenne, qui a choisi de poursuivre sa scolarité dans un lycée public et a compté parmi les finalistes aux Olympiades de Mathématiques et de Physique 2013-2014, cumule les talents, étudie le solfège, le violoncelle et la batterie au Conservatoire national de musique. Étrangement, cet amour de la musique se ressent dans ses œuvres picturales, véritables symphonies de formes en mouvement et chorégraphies de couleurs qui s’étreignent en délicieuse et envoûtante harmonie.

La carrière de l’artiste, dont la première exposition individuelle date de novembre 2009, commence donc très tôt. Et ses premières œuvres fascinent déjà par leur force, leur beauté, leur ingénieuse complexité. Des œuvres minutieusement ciselées et qui, comme elles convoquent une multiplicité de langages et foisonnent d’une infinité de détails, forcent le regard, captivé, à d’innombrables et interminables lectures sans jamais livrer tout à fait leurs secrets.

À propos de cette jeune artiste peintre qui a déjà participé à 6 biennales internationales, elle a reçu à ce jour pas moins de 17 distinctions internationales et compte 32 expositions individuelles et 17 expositions collectives. Pietro Franesi, directeur de la Biennale de New York et de la Biennale de Dubaï, déclarera, en effet : «La première fois que j’ai vu les œuvres de Hiba, j’ai été stupéfié. J’ai passé des années à étudier les suites de Fibonacci, la physique quantique et les philosophies antiques et j’ai découvert que son travail était un livre ouvert sur cette grande encyclopédie».

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette artiste qui, comme elle a séduit à la Biennale 2015 de New York dont elle faisait partie des invités officiels, ne manquera certes pas de marquer le public lors des Biennales de Dubaï et de Mongolie où elle sera attendue en 2016.

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