Algérie : la situation politique exacerbée par la crise économique
Par Saad Bouzrou
Depuis plusieurs semaines, les Algériens ont dit non à un 5ème mandat du président Abdelaziz Bouteflika, puis au report sine die des élections présidentielles et du prolongement de son 4ème mandat. Cependant, derrière cette crise politique, il y a un pays déjà fragilisé par une situation économique alarmante.
D’abord, il faut rappeler que l’économie algérienne repose en grande partie sur les hydrocarbures. Etant donné qu’elle est le troisième plus grand fournisseur de gaz naturel de l’Europe, l’Algérie dépend depuis longtemps des exportations d’hydrocarbures pour générer plus de 95% des recettes en devises. Ensuite, Les recettes pétrolières et gazières en 2018 ont représenté environ 40% de son budget.
« Le débat est désormais centré sur la politique, mais le véritable iceberg est le risque d’une crise économique dans les prochaines années et personne n’a de stratégie pour y faire face », a déclaré Riccardo Fabiani, analyste algérien chez Energy Aspects, un groupe de conseils basé à Londres. « Les réserves en devises baissent très rapidement et il leur reste probablement moins de deux ans de couverture des importations » a-t-il ajouté.
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Depuis 2014, la capacité du gouvernement algérien à respecter ses engagements est mise à mal par les bas prix du pétrole, qui ont pesé sur les finances publiques et réduit les réserves algériennes de 178 milliards de dollars en 2014 à 88,6 milliards de dollars en juin dernier, avec, en filigrane, un déficit budgétaire de 9% du PIB, selon le FMI.
Toutefois, les fluctuations des prix du pétrole ne constituent pas le seul hic pour le secteur pétrolier et gazier dans le pays. Le secteur souffre également d’une production en baisse due à l’épuisement des champs pétrolifères, une demande intérieure croissante pour le gaz naturel et un climat d’investissement difficile qui a découragé les entreprises internationales de mener des activités d’exploration et de production, à l’instar du blocage des discussions entre le géant américain d’hydrocarbures « ExxonMobil » et « Sonatrach » en raison de la situation politique du pays.
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Les autres raisons, cependant, ont trait à des conditions fiscales et bureaucratiques peu attrayantes. Les entreprises ont eu diverses entraves, allant d’un lourd fardeau fiscal à la longue attente des autorisations de projets, en passant par une règle limitant la participation étrangère à des coentreprises.
En novembre 2019, le centre d’analyses International Crisis Group a publié un rapport intitulé « Surmonter la paralysie économique de l’Algérie », dans lequel il indique que « les nouvelles réalités financières ne permettent plus de maintenir le niveau élevé de dépenses publiques des dix dernières années, qui vide rapidement les caisses de l’Etat ». « Malgré les promesses des gouvernements successifs de faire des réformes et de rééquilibrer les finances publiques, la paralysie politique a fait obstacle à toute mesure décisive », s’inquiète le centre.
Le rapport a souligné également à l’époque que « Les autorités reconnaissent que le modèle actuel est à bout de souffle mais peinent à le corriger », s’inquiétant ainsi d’une « politique monétaire expansionniste, qui alimente l’inflation et permet seulement au gouvernement de gagner du temps sans s’attaquer aux problèmes de fond ».
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