L’école, sanctuaire de la violence: « Mon parcours scolaire était une vraie souffrance »
Un matin et comme d’habitude, je me connecte sur facebook pour voir les dernières nouveautés de ce monde bleu qui reflète, depuis quelque temps, notre réalité. Et voilà que je tombe sur une photo choquante d’une dame, dans la quarantaine, avec une large cicatrise sur le visage.
Pas loin, la photo d’un jeune adolescent, âgé à peu près de 16 ans qui s’avère être l’agresseur. Le fil d’actualité m’offrait à voir aussi une vidéo de la maman de l’élève qui tentait de justifier l’acte ignoble de son fils. De quoi commencer la journée avec la nette impression que le monde marchait, désormais, sur la tête et que les choses allaient de mal en pis.
Pour comprendre ce qui se passait, j’ai fait une petite équation en essayant de faire le lien entre les trois protagonistes : l’enseignante (la victime), l’élève (l’agresseur) et la mère (la protectrice). Ces trois rôles relationnels, dans cette histoire, se trouvent, clairement, schématisés dans le triangle dramatique de Karpman. Un jeu relationnel sinistre et épuisant qui bloque toute une communication entre les trois parties (enseignant/ parent/ enfant). Une fois rentré dans ce jeu, on n’en sort pas vivant. Cette relation compliquée s’inscrit surtout dans un rapport de force et de possession de pouvoir qui la rend, extrêmement, stressante et sans issue.
>>Lire aussi: L’école, sanctuaire de la violence? « Tous coupables »
J’étais bouche bée quand j’ai réalisé comment, aujourd’hui, les rôles se sont renversés. L’élève est devenu le persécuteur alors qu’il n’y a pas si longtemps que cela, il était la victime, impuissant, soumis et mené contre son gré sans rien faire. Or, le parent (le père) était le vrai persécuteur qui avait besoin de dominer, par crainte de perdre son image d’autorité. Pour cela, il utilisait des moyens dévalorisants et même humiliants pour garder cette image de père dominant. Débordé par le travail et le stress quotidien, celui-ci décide de lâcher ce rôle et devient démissionnaire.
Par contre, l’enseignant qui était considéré comme le sauveur plutôt sympathique, jusqu’à il y a quelque temps, a abandonné ce rôle en réaction à ce qu’il croit être une absence totale de reconnaissance. Il devient à son tour un persécuteur avant de se faire passer pour une victime. A son grand malheur, personne ne vient à son aide. C’est comme si le voir humilié et rabaissé est une sorte de revanche pour tous. En se penchant de plus près sur cette histoire, on remarque que le (parent/mère) est devenu le sauveteur, l’élève, le persécuteur et l’enseignante la victime. Que peut-on déduire de ces changements de position ? Sont-ils des choix adoptés par ces trois protagonistes? Personnellement, je dirai que chacun a une part de responsabilité ici, car les rôles sont, merveilleusement, bien joués.
Chacun porte un masque pour jeter la responsabilité sur l’autre. Quelle que soit la position qu’ils ont prise, tous en souffrent, aujourd’hui. Ce qui est certain, c’est que la délinquance des jeunes n’est plus une conséquence de la pauvreté ou d’un milieu défavorable comme on le croyait avant mais plutôt d’une relation complexe et dangereuse. Le fait de voir les positions de pouvoirs changées, des enseignants agressés par leurs élèves, des parents passifs et démissionnaires et des enfants rebelles et exigeants, démontre que, derrière, il y a une frustration et des besoins non satisfaits. Une frustration qui est peut-être due à l’échec scolaire de la part de l’élève et des difficultés qu’il subit en silence. Je suis passé par là aussi et j’en parle en connaissance de cause.
>>Lire aussi: Coup d’envoi à Salé de la semaine provinciale pour la lutte contre la violence en milieu scolaire
Mon parcours scolaire était une vraie souffrance surtout que j’étais un élève médiocre. Mes professeurs me disaient que je n’étais pas fait pour l’école et que je devais faire du commerce. Je me voyais comme un nullard et bon à rien. J’allais quitter l’école pour ne plus souffrir mais heureusement que j’avais des parents bienveillants qui m’ont pris en charge et qui m’ont encouragé à continuer mes études. D’après une étude américaine, 85% des décrochages scolaires sont dus aux programmes qui ne favorisent qu’un seul style d’apprentissage (logico-mathématiques). Les autres styles sont négligés. Par conséquent, on tue la motivation du jeune élève et on le pousse à croire qu’il est vraiment stupide. Ainsi, le jeune est laissé à son sort et personne ne veut de lui.
Alors il va chercher sa propre justice en se vengeant de ce système éducatif, en s’attaquant à ses professeurs pour éliminer sa souffrance. Donc pour sortir de ce triangle, il est essentiel de revoir nos programmes scolaires et introduire les 8 intelligences multiples pour qu’il y ait un équilibre favorable pour tout le monde, en classe. L’élève ne se sentira plus culpabilisé et n’aura pas peur de commettre des fautes. Un autre outil que je considère très puissant et qui pourrait établir le respect entre l’élève et son enseignant en classe est la communication non violente basée sur une discipline positive et constructive. Avec des parents bienveillants, des enseignants bien équipés d’une formation continue en développement personnel (connaissance de soi) et un programme scolaire équilibré et équitable, il est moins probable qu’on rentre, encore une fois, dans ce triangle dramatique.