Entrepreneuriat : pourquoi ça bloque au Maroc ?

Par Lina Ibriz

Comment encourager l’entrepreneuriat comme outil de transformation économique et garantir la viabilité des jeunes PME ? La question semble beaucoup préoccuper l’Exécutif, souhaitant dépasser l’étape de « l’entreupreneuriat de subsistance« . Présents à la Conférence régionale de la BAD sur « Le futur de l’emploi et le rôle de l’entrepreneuriat et des TPME » en Afrique du Nord, les ministres de l’Economie et de l’Inclusion économique ont fait le point sur la question.

L’entrepreneuriat doit être partie intégrante de toute réponse à la question de l’emploi. Voici un point sur lequel s’accordent la ministre de l’Economie et des finances, Nadia Fettah et le ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Younes Sekkouri.

Les deux ministres intervenaient ce matin de mardi 7 juin 2022, Conférence régionale de la Banque africaine de développement (BAD) sur « Le futur de l’emploi et le rôle de l’entrepreneuriat et des TPME » en Afrique du Nord. Ils ont fait le point sur les efforts gouvernementaux visant la promotion de l’entreprenariat. Des efforts dont on entend trop parler, mais qui restent, même selon les deux ministres insuffisants pour mener une véritable transformation économique au Maroc.

Le contexte actuel impose « un repositionnement de qualité » vis-à-vis les questions de la jeunesse, de l’emploi et de l’entreprenariat, a indiqué Sekkouri, évoquant une redéfinition des paradigmes afin de favoriser l’émergence d’un entreprenariat qui soit « au service et en interaction avec la société« . Évoquant aussi des concepts tels qu’ « innovation« , « libération des jeunes« , « égalitarisme » et un « corridor de possibilités et d’opportunités« , la transformation décrite par le ministre est sans doute très séduisante. La réalité de l’entrepreneuriat au Maroc, comme elle est actuellement, reste malheureusement loin de ces idéaux.

Le gouvernement est bien conscient de cet écart entre les objectifs fixés en matière d’entreprenariat et d’investissement et les contraintes qui entravent encore l’émergence d’un nouveau modèle économique. Comme l’a dit Sekkouri, l’écosystème marocain reste aujourd’hui prédominé par « l’entreprenariat de subsistance, avec une grosse part de l’économie solidaire« .

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Une transformation est donc nécessaire. Cette transformation passe d’abord par la conjugaison du choix de l’entrepreneuriat, comme étant un « choix de société« , à un « vrai effort d’investissement qui va créer une vraie commande pour ces nouvelles entreprises créées et aux TPE existantes« , insiste le ministre qui n’a pas hésité à exposer une batterie de mesures et d’initiatives.

Au Maroc, l’entrepreneuriat, ça bloque !

L’équation semble assez simple : mettre en place un cadre législatif « encourageant« , développer un dispositif de financement « plus volontariste et plus accessible« , instaurer des politiques d’accompagnement, assurer l’accès des nouvelles entreprises et TPME à la commande publique et créer de nouveaux types d’investissements. Voici en gros ce que propose le ministre de l’Inclusion économique. Des pas, dont une grande partie a déjà été entreprise par l’Exécutif.

Tout de même, quelque part, ça bloque !  Et ce n’est pas au niveau du financement. Comme l’assure la ministre de l’Economie, Nadia Fettah, « toutes les institutions internationales de financement sont prêtes à se mobiliser pour financer l’entrepreneuriat des jeunes ». Ce n’est pas non plus la volonté ni les opportunités qui manquent, assure également la ministre, évoquant des « économies diverses » et différents « avantages compétitifs » dans toutes les régions du Royaume.

Tout de même, quelque part, ça bloque ! Après presque trois décennies de soutien à l’entrepreneuriat, le taux de l’activité entrepreneuriale reste faible. Selon le rapport mondial du Global Entrepreneurship 2020-2021, moins d’un marocain sur 10 était en train de lancer ou diriger une nouvelle entreprise. Le taux d’activité entrepreneuriale (TEA) a, quant à lui, baissé de 11,4% en 2019 à 7,1 % en 2020. Une baisse qui peut s’expliquer par l’incertitude accrue par la crise du Covid-19.

Tout de même, l’incertitude est-elle uniquement liée à la pandémie ? Le nombre d’entreprises défaillantes au Maroc a augmenté de 59% en 2021, et ce en pleine reprise de l’économie et avec plusieurs programmes de soutien lancés comme le Crédit jeunes promoteurs, Moukawalati, Intelaka, et dernièrement Forsa. Et parlant des programmes de soutien, il n’est que judicieux de noter, à cet égard, que le programme Intelaka, lancé en 2020 pour développer un système d’accompagnement rapproché aux jeunes entrepreneurs, a enregistré un taux de rejet des dossiers de 39%, soit plus du tiers des demandes.

A en croire le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, qui, commentant les résultats de ce programme, a considéré nécessaire « une politique d’accompagnement des projets » et la ministre de l’Economie, Nadia Fettah, qui a souligné ce mardi que « c’est l’accompagnement qui compte« , la solution pour débloquer la situation serait peut-être de miser sur l’éducation, la formation et le développement des soft skills.

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